Le Contrat Social - anno III - n. 3 - maggio 1959

E. DEL/MARS Le discours de Lyssenko, construit suivant le modèle classique de l'époque stalinienne, et où il balaie d'un seul coup toute la génétique occidentale déclarée « antimarxiste », ne paraît donc avoir d'autre but que d'atteindre ces savants, dont l'opposition à ses vues et les sympathies pour les doctrines « antimarxistes » occidentales attestent le non-conformisme. En les attaquant sur le terrain idéologique, il vise à débusquer les soi-disant partisans du « groupe antiparti » qui continuent leur travail « antimarxiste » dans divers établissements scientifiques. En égratignant en passant le chimiste Nesméïanov, président de l'Académie des sciences, c'est surtout le secrétaire de la Section des sciences biologiques, le professeur V. A. Engelhardt, que Lyssenko prend à partie. Ce biochimiste distingué, membre depuis 1953 de l'Académie des sciences dont il était membre correspondant depuis 1946, a travaillé de 1935 à 1940 comme chef du laboratoire de biochimie de la cellule animale à l'Institut de biochimie. De plus il est membre de l'Académie de médecine et de l'Institut de médecine expérimentale de cette Académie dont il avait dirigé, de 1945 à 1952, la section de biochimie. Engelhardt, qui est donc parfaitement au courant des travaux et des résultats probants obtenus par les biochimistes occidentaux, se permet non seulement de croire, mais encore d'affirmer ouvertement que la possibilité de modeler à volonté l'hérédité des êtres vivants n'est pas encore acquise par les procédés de Mitchourine et de Lyssenko. Or ce dernier affirme qu'il détient d'ores et déjà ce pouvoir. Le différend entre la génétique de Lyssenko et celle de ses adversaires soviétiques ne saurait être scientifiquement tranché que par une longue et patiente accumulation d'expériences précises et d'observations minutieuses. La proposition de Lyssenko de mettre ce différend à l'épreuve pratique dans les conférences de production kolkhoziennes et sovkhoziennes équivaut en réalité à réduire ses adversaires au silence. Les autres débats du Plenum n'apportent rien de plus quant au problème de la biologie soviétique, sauf l'intervention de P. P. Lobanov, président depuis 1956 de l'Académie Lénine des sciences agronomiques. Ce savant et haut fonctionnaire reconnaît que la « critique acerbe» à laquelle Khrouchtchev av31it_soumis det1:x établissements de cette Academie est « parfaitement justifiée » et qu'elle « s'applique également à d'autres établissements ainsi qu'au présidium lui-même de cette Académie». Il promet que « des conclusions nécessaires seront tirées de cette critique et que des mesures pratiques seront Biblioteca Gino Bianco 159 prises 13 pour améliorer radicalem~nt les travaux des instituts de recherche scienttfique et pour consolider leur contact avec la production » 14 • Après ce mea culpa, il assure le Plenum que les recherches de près de quatre mille savants :t spécialistes de ladite Aca~émie permettent ?'avoir la certitude que les chiffres de production en 1965, annoncés par Khroucht~hev, se~ont ~ertainement non seulement attemts, mais meme souvent dépassés 15 • Cette déclaration, tout comme d'ailleurs les autres discours prononcés à ce Plenum, tend à prouver au pays que toutes les objections du « groupe antiparti »contre les projets de Khrouchtchev étaient fausses et sans aucun fondement. Il en résulte que la période de « dégel », de t?lérance relative ouverte par la mort de Staline, paraît close dorénavant pour la biologie soviétique. Compromis par leurs conta~ts, yolontaires ou forcés, avec le « groupe anttpartt », les savants hétérodoxes, les << non-mitchouriens », tous ceux qui ne se rési~ent pa~. à ~r?i~~ ~ l'hérédité des caractères acqms, à l infa1ll1bilite de Lyssenko et de ses conclusions, vont être so11mis à une censure très stricte par les organisations du Parti chargées « d'examiner journelleJ?ent e~ en co_nnaissance de cause » leur travail - c est-à-dire réduits au silence et gênés dans leurs recherches. Dans un de ses articles récents du Figaro littéraire, Jean Rostand s'est réjoui d'avoir trouvé dans une revue savante de Moscou un article de· B. A. Astaourov 16 où cet embryologiste présente un exposé de ses expériences, très ingénieuses et adroites, faites sur des œufs de bombyx et qui prouvent que le protoplasme, le soma de ces œufs n'a rien à voir avec l'hérédité dont les éléments sont concentrés uniquement dans le noyau de l' œuf, le noyau cellulaire, comme tendent à le démontrer tous les travaux des généticiens occidentaux. Cette satisfaction semble quelque peu prématurée, car il reste à savoir si, dans le nouveau climat imposé à la biologie soviétique, la poursuite des recherches de ce genre pourrait être approuvée ou si leurs résultats pourront obtenir l'imprimatur du Parti omniscient et omnipotent. E. DELIMARS. 13. Une phrase de Lobanov indique que le professeur Pérov n'est plus à la tête du laboratoire des albumines. 14. Op. cit., p.· 371. 15. Ibid., p. 372. 16. B. A. Astaourov, délégué soviétique au Congrès international de la biologie du développement des êtres vivants, réuni les 23-26 juillet 1956 à Providence (USA), y avait présenté un rapport sur « l'androgénèse hétérosperme complète chez le bombyx en tant que voie d'approche à l'analyse du problème noyau-plasma »• •

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