· 148 (revue le Caucase, n°s 4, 5, 7 et 8, Munich, novembre 1951-mars 1952), véritable nécrolo~e. Les tourments infligés par le N.K.V.D. (police omnipotente) à ces pauvres gens, explique l'auteur, défient toute description. Les Balkares faisaient partie de la République autonome kabardino-balkare, devenue kabardine tout court après le déracinement des Balkares. Ils sont maintenant rayés du nombre des vivants comme leur nom ethnique est supprimé dans les encyclopédies soviétiques et sur les cartes géogra: phiques. Un nombre inconnu de Kabardes a pé_r1 dans le même épisode. Les maîtres du Kremlin n'ont pas pris la peine d'annoncer leur fin tragique par un décret avec un semblant de motif. Il a suffi d'ordres à la police et à l'Armée rouge. Après bien des saignées, les Karatchaïs ne figuraient plus que pour 75.000 individus, les Balkares pour 43.000 environ, au recensement de 1939. Divers indices et témoignages donnent lieu d'inférer que la petite ville de Kizliar, dans le Daghestan, a été · complètement dépeuplée de ses musulmans (environ 10.000 ?). Des milliers d'indociles des régions voisines, outre les Kabardes, ont subi un sort analogue bien que leurs groupements national et territorial subsistent. Avec les Tchétchènes, 407.ooo, les Ingouches,. 92.000 (chiffres de 1939), et les Tatares de Crimée, _l'ensemble des populations musulmanes extirpées de leur sol et pour ainsi dire anéanties se monte, pour ces seules zones méridionales, à plus de trois quarts de million d'êtres humains. Le rideau de fer ne permet pas d'évaluer le nombre beaucoup plus considérable des victimes parmi les musulmans de la Volga, de l'Oural et de l'Asie centrale. · (Staline n'a pas réservé exclusivement aux disciples de Mahomet ses traitements barbares. Les Grecs du Caucase ·et de la Crimée, les Kalmyks de-la Caspienne, les Allemands de la Volga, les Esthoniens, les Lettons et les Lithuaniens des pays baltiques en ont pâti à des titres et degrés divers. Mais leur cas, dont les Nations unies se désintéressent, n'entre pas dans les limites de la présente . étude sur l'islam en URSS.) A l'appui des pages qui précèdent, on peut consulter les articles de G. A. Tokaïev dans le CourrierSocialiste -( en russe), n°s 2, 3 et 4, Paris, février-mars-avril 1951. Et ceux de A. Bakhadour: L'extermination d'un peuple au Caucasedu Nord (dans le Caucase, n° 1, Munich, août 1951); O. Iribaston : Terrible nuit (même revue, n° 6, janvier 1952); G. Tokaïev : Comment cela s'est passé (même revue, n° 7, février 1952); Chamba Balinov : Le 8° anniversaire de la liquidation . de la Républiquekalmyke (même revue, n°8 4 et 5, novembre-décembre 1951). Tous les témoignages dignes de foi concordent ·et sont tenus pour irrécusables par les personnes les plus compéBiblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE . tentes. ·11 n'y a jamais eu de démenti précis. 1;ti de réfutations contrôlables de la part des dirigeants communistes. * )f )f L A POLITIQUE de Staline et de ses successeurs envers les.musulmans, analysée par K. Islamov dans le Caucase Libre (n° 1, octobre 1951), se caractérise non p~r une évolu~on, . mais par une tactique alternee de concessions apparentes et de persécutions redoublées. Un temps, il s'agissait en principe de ne s'en prendre qu'aux riches, aux notables, aux mullahs, aux « koulaks » pour leur. confisquer ~'. « ~xcéd~nt, » de leurs biens. Puis vmt la collect1v1sat1ongenerale qui exigeait une « offensive » contre les plus humbles et contre l'islam comme tel. " Les autorités policières saisirent alors la littérature religieuse, interdirent de la publier, fermèrent les maisons d'édition. L'alphabet arabe fut prohibé, remplacé bientôt par le cyrillique. Les membres du clergé, classés « éléments non travailleurs », donc considérés comme oisifs et par suite privés de droits civiques, étaient taxés d'impôts supplémentaires impossibles à paye~, ni en espèces, ni en nature, ce qui leur valait de lourdes punitions et, à bref délai, la déportation finale. Dans d'autres cas les religieux, sommés de souscrire à des abjurations dénonçant l'islam comme tromperie et imposture, refusaient pour la plupart et leur déportation devait s'ensuivre. Ainsi disparurent mullahs, imans, effendis et muezzins. Les mosquées et les médresses n'avaient plus d'officiants ni d'instituteurs. Des « arabistes » de bonne volonté s'improvisèrent pour suppléer aux absents, mais .l'omniprésente police ne leur fit pas grâce. Il ne restait qu'à réquisitionner les locaux abandonnés, pour parachever l'opération : mosquées et médresses devinrent des « coins rouges», des cinémas, des hangars, des écuries ou des garages. Après les désastres éprouvés par l'Armée r0uge ·au début de la guerre, Staline se résigna au minimum de concessions nécessaires au moral populaire et les deux principales religions obtinrent quelque tolérance du pouvoir, dans d'étroites limites. L'Église orthodoxe fut restaurée quant à la pompe, mais politiquement asservie, et l'islam autorisé à ranimer une certaine vie spirituelle, mais sous le contrôle s~vère de la police. Quatre centres administratifs musulmans se reconstitu;rent, par contrecoup des premières défaites subies par Staline : à Tachkent pour l'Asie centrale, à Oufa pour, la région ouralo-- sibérienne, à Bouïnax pour le Caucase du Nord, à Bakou pour la Transcaucasie. Quatre · muftis amnistiés à l'occasion revinrent d'exil et en prirent la direction, respe:tiv~ment : Imam Babakhan Abdumedjikhan-Aran, alors âgé de 85 ans; Abdurahman Rassoulaiev, 65 ans, plu ...
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