L'expérience communiste L'U.R.S.S. ET L'ISLAM par B. Souvarine L'article qui suit avait été écrit avant la mort de Staline à l'intention des musulmans d'Afrique du Nord et du Proche-Orient assez ignorants et crédules pour se laisser prendre alors aux fables de la propagande communiste tendant à concilier l'islam avec le totalitarisme soviétique. Cinq ans ont passé depuis, l'ignorance et la crédulité subsistent non seulement au sud comme à l'est, mais aussi au nord de la Méditerranée, et le texte en question n'a rien perdu de son intérêt historique, 'UNION SOVIÉTIQUeEst de nos jours un des États qui compte le plus grand nombre de musulmans, à l'exception du Pakistan, de l'Union indienne et de l'Indonésie. En effet, les pays musulmans les plus peuplés, sauf ces trois exceptions, n'atteignaient ou ne dépassaient guère 20 millions d'habitants en 1952 (Turquie : un peu plus de 20 millions ; Égypte : environ 23 millions ; Iran : peut-être 20 millions). Il faut additionner le Maroc, l' Algérie et la Tunisie pour obtenir quelque 20 millions de musulmans en Afrique du Nord. Alors qu'en URSS, le total doit osciller entre 25 et 30 millions, autant qu'on puisse le supputer en l'absence de statistiques précises. Une première question se pose ainsi d'emblée : pourquoi ignore-t-on le nombre, même approximatif, des adeptes de l'islam en URSS ? Le régime instauré dans· l'ancien Empire des tsars depuis 1917 n'a jamais fait mystère de son hostilité envers la religion, envers toutes les religions, et par conséquent envers l'islam comme envers le christianisme et le judaïsme. 11 a entrepris une lutte ouverte et sans merci contre tous les cultes et leurs desservants, contre toutes les croyances non matérialistes et contre tous les fid~les obstinés à partagerla foi de leurs pères. 11a fait obstacle par tous les moyens, y compris les plus cruels, à l'observancedes rites et à l'éducation religieuse. Il a rendul'athéismeobligatoire iblioteca Gino Bianco de sa significationactuelle, de sa valeur instructive. Au contraire,la persistancedessuccesseurdse Staline dans la stratégie impérialiste de leur maître, dans les pratiques de violence et de duplicité sans scrupules qui les caractérisent,cette continuitéimplacable justifie la présente publication. Il a donc suffi de quelques retouches rédactionnelles imperceptibles pour mettre à jour un exposéqui, au-delà de Staline, garde tout son sens avec la pérennité du stalinisme et l'alliance orientalede deux impérialismes. dans les écoles et dans l'État. Il a prétendu « supprimer Diet1 par décret», ce qui n'était pas en son pouvoir, mais enfin il a réussi à supprimer la religion dans les statistiques, ce qui était plus facile. Aussi ne trouve-t-on pas dans les recensements soviétiques de chiffres relatifs aux appartenances confessionnelles. Cependant une évaluation numérique de l'islam en URSS est possible en quelque mesure par des voies indirectes, en considérant les nationalités allogènes du Caucase et de l'Asie centrale, ainsi que leurs prolongements en Crimée et dans le bassin de la Volga, populations non russes et non slaves d'origine turque, iranienne ou mongole, islamisées depuis les conquêtes arabes à diverses dates. Si l'on s'en tient aux statistiques officielles qui dénombrent la population d'après les critères de nationalité, la population d'origine ou de tradition musulmanes aurait augmenté en passant de 18.256.996 en 1926 à 20.660.525 en 1939, c'est-à-dire d'environ 10 % seulement alors que dans son ensemble la population de l'Uruon soviétique s'accroissait de 16 °/4 dans le même laps de temps. Les résultats du recensement de 1959 ne sont pas encore connus, mais si l'on admet un excédent normal de naissances dépassant quelque peu 2 % par an, et compte tenu des pertes proportionnelles ainsi que de la dénatalité en temps de guerre, les musulmans sovié-
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