QUELQUES LIVRES La patrie arabe VINCENTMONTEIL: Les Arabes. Paris, Presses Universitaires de France, collection « Que sais-je? » 1957, 110 pp. TOUTE collection de vulgarisation encyclopédique offre inévitablement des textes d'inégale valeur. Celle qui s'intitule : « Que sais-je? » ne fait pas exception à la règle générale, en se distinguant toutefois par la médiocrité de certains opuscules dans les séries de l'histoire, de la géographie, des sciences économiques et politiques. Le travail de M. Vincent Monteil sur les Arabes n'est pas de nature à rehausser le prestige de la collection. Dès l'abord, et en arabe, l'auteur met en épigraphe la déclaration que voici : « Watanî huwa l'âlam al-'arabî », ce qui veut dire : «Ma patrie c'est le monde arabe» (mais on ne tient sans doute pas à ce qu'elle soit traduite). Profession de foi inattendue, signée des initiales (L.M.) de Louis Massignon, cet orientaliste rallié à l'Islam et dont M. Monteil est un collaborateur 1 . D'autre part, pour se placer sous une plus haute autorité, l'auteur - dès la première ligne de son introduction intitulée : « Les Arabes dans le monde mus11lman » (p. 5) - cite ... Mao Tsé-toung, qui n'a rien à y voir. M. Monteil a pourtant des doutes sur la réalité du phénomène qu'il est censé décrire : « On se propose donc, sous le titre général volontairement imprécis les Arabes, d'examiner un ensemble hétérogène (...) qui, de l'océan Indien à l' Atlantique, de Mascate à Casablanca, groupe plus de 60 millions d' Arabes et arabisés, soit à peu près le sixième des musulmans du monde (évalués à 365 millions) » (pp. 8-9). Néanmoins il nous présente ( ibi,d.) une carte intitulée : « Le Monde arabe», qui s'étend non seulement de Mascate à Casablanca mais du Nigeria à la Loire. Aucune tentative n'y est faite pour délimiter les territoires desditsArabes, qui restent c, volontairement imprécis ». 1. Notamment pour la 48 ~dition (1955) de l' Annuaire du Monde musulman. Biblioteca Gino Bianco Spécialiste de l'imprécision, M. Monteil se sent à l'aise dans l'à-peu-près numérique : « En chiffre~ arrondis (et ils doivent l'être, pour fuir les fausses .précisions des statistiques, inexistantes en Arabie, grossies partout ailleurs pour les cartes de ravitaillement ou les besoins de la propagande), cela représente (...) 12 millions pour l'Arabie (...) 9 millions au Levant ... » (p. 10). 11 y aurait donc environ 21 millions de ces vagues Arabes en Asie. Mais plus haut (p. 5), l'auteur parlait de 25 millions d'« Arabes » en Asie (les guillemets sont de lui), dont I 5 millions en Arabie et I o millions dans le Proche-Orient 2 « arabe » (même remarque). Un peu d'esprit critique lui aurait permis de réduire davantage ces chiffres exagérés, qui - notamment pour la péninsule arabique - dépassent de beaucoup le total admissible pour l'ensemble des populations arabophones d'Asie, musulmanes ou non. Déjà à la p. 19, oublieux de ce qu'il disait auparavant, il parle des « quelque 10 millions d'habitants » qui peuplent la péninsule d'Arabie. Dix, ce n'est ni douze ni quinze, mais qu'importe? Ce n'est même pas un ordre de grandeur puisque, à propos de l'« Arabie Sa'oudienne » (p. 19), principale région de la péninsule, M. Monteil remarque : « Population évaluée de 2 à 6 millions ... » - ce qui ne veut plus rien dire du tout, et où seul le chiffre le plus bas a quelque chance de serrer la réalité d'assez près. Décidément, cette réalité est trop mince pour satisfaire les patriotes du « monde arabe )); ils l'étoffent donc en lui ajoutant des zéros. Dans ses affirmations non numériques, l'auteur témoigne de la même désinvolture. Ainsi, p. I 2, il nous assure que parmi les « traits pertinents » qui « appartiennent en propre à l'Islâm », il y a le « respect de la personne humaine ... >> ( en italique dans le texte). Trait pertinent, propre à l'Islam, donc étranger à d'autres religions ou civilisations? On aura l'impertinence de rappeler à l'auteur ses propres allusions, discrètes mais très nettes, à l'esclavage domestique comme trait caractéristique de l'Arabie tant préislamique (p. 10) que 2. Cc Proche-Orient st sans doute id ntique au Levant, dan la t rminologie confu de M. Monteil.
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