L. LAURAT des développements théoriques de Renner (qui datent de 1926 et de 1929), et la question se pose de plus en plus de savoir si des nationalisations constituent la méthode la plus indiquée pour réaliser une société nouvelle, laquelle est d'ailleurs en gestation sous nos yeux, en gestation spontanée et par la force ·des choses puisque le mouvement socialiste, prisonnier de formules périmées, a négligé de pousser consciemment à la roue dans le bon sens. Quant à l'élaboration spontanée de formes économiques collectives, le capitalisme s'est conformé jusqu'au bout a~x prévisions de Marx, bien mieux que tant de socialistes se réclamant de lui. Il est impossible de traiter des développements que Sternberg consacre aux problèmes des régions dites sous-développées, lesquels exigeraient une étude particulière. Il souligne la nécessité d'une analyse approfondie des formations sociales nouvelles, sui generis, qui y sont en voie d'éclosion. De même, le régime économico-social de l'URSS et des soi-disant démocraties dites populaires doit être soumis à une analyse critique; l'auteur s'y applique et, sa méthode marxiste aidant, aboutit à des conclusions que nul observate~r avisé de l'univers concentrationnaire ne saurait contredire. L'exploitation implacable de toutes les classes laborieuses à l'intérieur, la spoliation des pays sate~tes, un impé;ialisme d'u~ genre nouveau, foncièrement different du ci-devant impérialisme capitaliste, l'ascension d'une nouvelle classe exploiteuse - tout cela est démontré sur des centaines de pages. Sans vouloir diminuer les mérites de Djilas, il faut bien dire que Sternberg s'y prend de manière plus scientifique. Il s'élève en outre contre le terme « capitalisme d'État » dont certains tentent d'étiqueter le régime soviétique, en démontr~t que celui-ci, infiniment plus barbare gue le c~pitalisme adolescent en ses plus mauvaises annees, n'a rien à voir avec le capitalisme quant à sa structure. Selon Sternberg, le vieil antagonisme « capitalisme-socialisme» s'efface de plus en plus, et des formations économico-sociales nouvelles donnent un aspect nouveau à la configuration présente du monde. Sternberg rêve de la création d'un «Institut marxiste» se proposant, avec la méthode de Marx, d'étudier les problèmes de notre époque et dont l'une des tâches principales serait de dévoiler au grand jour toutes les « falsifications » e~ les « mensonges conscients» dont les communistes, sans excepter Lénine, se sont rendus coupab~es. On imagine l'ampleur d'une tell_e en~rep~ise. Sternberg mentionne, entre autres suJets à etudier: analyse du capitalisme de~ui~ M~rx ju~qu'à nos jours ; analyse des theories economiques bourgeoises ; analyse de l'œuvre de Marx : lacunes, erreurs, problèmes inexistants du temps de Marx ; analyse de l'État soviétique ; analyse des formations sociales nouvelles, notamment en Asie; analyse des conséquences directes et indirectes résultant de la « coexistence » et du choc Biblioteca Gino Bianco J J 1 entre les formations capitalistes et non capitalistes à l'échelle planétaire. Les problèmes sont bien formulés et l'on pourrait allonger la liste. Mais un tel Institut n'existe pas encore, et les hommes capables d' entreprend:e ces tâches nécessaires sont actuellement plutot rares. Une société qui voudrait se défendre intelligemment leur donnerait les moyens de se mettre au travail. * .,,. .,,. SI FRITZ STERNBERGaborde les problèmes de notre époque en partant de l'analyse écon~mique, d'autres auteurs socialistes partent des difficultés que rencon~rent leurs rartis dans la politique au jour le Jour pour s mterroger sur la valeur d'une doctrine qui ne leur semble plus conforme à la réalité nouvelle. Tel est le cas d'un socialdémocrate allemand, Klaus-Peter Schulz 7 qui, ému des échecs successifs de son parti et en opposition à la politique neutraliste de M. Erich Ollenhauer, descend des remous superficiels de la politique quotidienne dans les profondeurs· d'une doctrine dont l'inactualité détermine la plupart des fautes politiques de la social-démocratie. L'auteur fait partie de l'orpositi?n dite _de «droite», mais juge cette termmologie contraire à la réalité et au bon sens. Indépendamment de savoir si en général les termes de «droite» et de «gauche » sont encore applicables à la situation d'aujourd'hui, il estime que dans le mouvement socialiste la vraie gauche est r~présen~ée par ceu~ qu'on classe présentemen! a_ «droite» et qui s'insurgent contre le totalitarisme parce _que la liberté de la personne est pour eux le bien suprême. En revan~he, il coi:iviendrait d~ classer à droite les «gauchistes » qut cherchent inlassablement des compromis avec les totalitaires en vertu d'une analogie de vocabulaire, remon~ant à un passé définitivement révolu. Ceux qut, dans la social-démocratie allemande, se cramponnent aux vieux slogans de l'étatisati?n, sont toujo~rs fascinés par les expériences orientales, quand bien même ils en critiquent des détails, tandis que les représentants de l'a~e. « droite » ~la vraie g~uche) voient dans le bolchevisme « la pire perversion du socialisme en général». Ceux-ci pensent que le monde occidental présent comporte d'ores .et déjà « la réalisation de nombreux éléments socialistes >>. K.-P. Schulz soutient que l'objectif de la« socialisation des moyens de production» se justifie de moins en moins pour la majeure partie de l'économie contemporaine, du fait que le contrôle croissant du processus économique par les organes de la collectivité en vertu d'une législation économique et sociale de plus e11p: lus éten~ue, s_o~strait les moyens de prodt1ct1on à la disposition discrétionnaire de leurs propriétaires. Mais il 7. Klau -Pet r Schulz: Opposition ais politisch s Schicksal ?, V<:rlagfür Politik und Wirtschaft Cologne 1958.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==