1'ev11ehistoriqi1e et critiqi,e des faits et des idées MARS 1959 Vol. III, N° 2 ( UN CONGRÈS ORDINAIRE par B. Souvarine E SOI-DISANT congrès communiste extraordinaire qui s'est tenu à Moscou du 27 janvier au 5 février n'a eu d'extraordinaire que sa date, avancée d'un an par rapport à la date statutaire. Staline avait laissé s'écouler quinze ans entre deux congrès de ce genre. Ses -successeurs n'ont pas été capables d'observer l'intervalle de quatre ans qui, régulièrement, aurait dû séparer ce dernier congrès du précédent. A part cela, le meeting en question n'a rien présenté que de très ordinaire : sous la conduite d'un praesidium apparemment élu, en réalité sélectionné par cooptation, tout s'est déroulé selon un programme établi en haut lieu et ne permettant ni spontanéité, ni improvisation, par conséquent nul véritable échange de vues ; tout s'est passé sous une stricte discipline ne livrant absolument rien au hasard. Il ne s'agit donc pas encore d'un congrès au sens normal du terme. La question se pose d'abord des raisons qui ont pu motiver la convocation anticipée de cette assemblée. Il n'y a pas de réponse certaine, dans l'état actuel des informations. On ne peut qu'écarter à priori les interprétations arbitraires qui ont eu cours en Occident, propagées par des commentateurs sans coonajssances spéciales : intérêt personnel de Khrouchtchev, règlement de comptes mtérieur, nécessité de politique extérieure et autres invraisemblances. Rien de tout cela ne mérite discussion. La seule hypothèse plausible, sous réserve ·de révélations ultérieures, serait celle qui rattache le congrès aux trois sessions du Comité central réunies dans le trimestre précédent : fréquence insolite qui atteste le sérieux Biblioteca Gino Bianco avec lequel la << direction collective » entreprend la réalisation de ses plans économiques. Il est évident que le cercle dirigeant veut donner aux cadres supérieurs de l' « appareil » le sentiment de prendre part aux grandes décisions, de partager les responsabilités du pouvoir. L'obéissance passive instaurée sous Staline dans la terreur ne suffirait plus à mettre en œuvre les ambitions proclamées du régime soviétique en matière de production, de rendement. Il y faut l'émulation réelle combinée avec la satisfaction des appétits de la nouvelle classe privilégiée. Quant aux conflits dans les hautes sphères du Parti et aux jeux de la politique internationale, ils relèvent exclusivement du Comité central et de ses organes : le congrès se borne à leur faire écho. Les autorités communistes se sont donné beaucoup de mal pour conférer aux dernières assises de leur parti une importance exceptionnelle, au moins en apparence, usant et abusant de tous les procédés possibles en propagande, en réclame tapageuse, en battage charlatanesque, et dont l'excès même prouve qu'elles ne réussissent pas à intéresser vraiment la population soviétique. En répétant inlassablement de sempiternelles formules stéréotypes, en employant sans cesse les mêmes expressions grandiloquentes, en conjuguant toujours au futur les verbes prometteurs, le Parti s'avère étranger aux peuples soumis et silencieux dont il se prétend l'interprète et qu'il se montre incapable de convaincre. Ce que confirment pleinement les rares témoins authentiques aptes à discerner la vérité sous l'aspect superficiel, au nombre desquels ne figurent pas les politiciens •
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