Le Contrat Social - anno III - n. 2 - marzo 1959

88 adonné à l'étude des relations sociales en rapport avec la religion, la psychologie. Adepte du néo-kantisme, W. contribua dans une large mesure à introduire des conceptions idéalistes dans la science économique. Ses ouvrages traduits en russe sont : La Cité, Pétrograd 1923 ; Histoire de l'économie, Pétrograd 1923 ; Histoire agraire du monde antique, t. I, Moscou 1925. Cette notice sommaire appelle deux observations : la première, que le ton n'a rien d'injurieux ou d'offensant >. la deuxième, que le communisme tel qu'on le concevait sous l'influence de Lénine n'interdisait nullement, au contraire, l'étude consciencieuse des théories différentes. Rien n'est plus faux que d'identifier, dans le régime soviétique, la phase de Lénine et celle de Staline, malgré la filiation incontestable. En 1931, quand paraît la Petite Encyclopédie Soviétique, c'est encore une phase intermédiaire avant le stalinisme et quelque chose de la tradition de Lénine subsiste en s'effaçant peu à peu. Avec la toute-puissance de Staline, il ne sera évidemment plus question de traduire ni d'éditer Weber, le ton change et voici la plus longue notice de la Grande Encyclopédie Soviétique ( 1951) : WEBER Max (1864-1920), sociologue, historien et économiste réactionnaire allemand, néo-kantien, ennemi acharné du marxisme. Dans ses livres Histoire de l'économie, Histoire agraire du monde antique, La Cité, et autres, W., à la suite de Windelband et de Rickert, avançait des conceptions antiscientifiques selon lesquelles il n'existerait pas de lois objectives dans la vie sociale. Selon W., le sociologue et l'historien ne découvrent pas les lois de l'histoire, mais les créent artificiellement. La signification de classe de cette conception subjective idéaliste des questions de l'histoire consistait en ce que, niant dans le principe la réalité des lois du développement historique, .W. et ceux qui pensent comme lui cherchaient à contester ainsi les lois de la transformation révolutionnaire de la société capitaliste en société socialiste découvertes par le marxisme. Ils s'efforçaient à présenter le régime capitaliste comme une catégorie éternelle et immuable. A l'enseignement marxisteléniniste ·des cinq formations socio-économiques qui expriment dans leur ensemble le mouvement graduel, progressif de la société, l'idéaliste W. opposait la théorie réactionnaire pseudo-scientifique des « types idéaux de la société » construits artificiellement par la raison humaine. Du point de vue de W., le régime capitaliste est la meilleure forme de l'organisation sociale. Apologiste du capitalisme, W. recommandait aux sociologues et aux historiens d'abandonner l'étude des contradictions dans les méthodes capitalistes de production pour se limiter à décrire les événements qui se déroulent dans la vie sociale et les apprécier subjectivement. Ces idées réactionnaires de W. tendaient à liquider la science historique. V. I. Lénine démasqua W., qui s'était livré à de méchantes railleries à propos du soulèvement de décen1bre 1905 à Moscou, le traitant de « savantissime » professeur incarnant la « sagesse professorale de la bourgeoisie poltronne » (Œuvres, 4e éd., t. 23, p. 243). On ·voit que l'auteur de cette notice a pris soin de consulter l'index onomastique des œttvres complètes de Lénine pour y trouver une référence, la seule d'ailleurs qui s'y trouvât, afin de montrer son érudition tout en se mettant.à couvert: Magister dixit. Or Lénine n'a nulle1nent « démasqué » Weber, BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL il ne le .connaissait guère, comme le prouve cette référence unique à quelques mots de blâme prononcés au cours d'un « rapport sur la révolution de 1905 » fait par Lénine à Zurich en 1917 devant un ai,ditoire de la jeunesse ouvrière suisse. Lénine se borne en passant à vitupérer très brièvement Weber qui jugeait «insensé» le putsch de 1905 à Moscou, en quoi l'opinion de Weber coïncidait avec celle de Georges Plékhanov. A part cette allusion, il n'y a rien sur Weber dans les trente-huit volumes de Lénine. Faute d'un héritage de directives ou de formules svffisantes venant du maître suprême, le prétendu «marxisme-léninisme» fait désormais tout simplement abstraction de Weber. Le Petit Dictionnaire Philosophique (4e éd., Moscou 1954) dont la réputation dérisoire n'est plus à faire, le passait déjà entièrement sous silence 2 • Une nouvelle Petite Encylopédie Soviétique ( 1958) en cours de publication, plus ample pourtant que les précédentes, suit le fâcheux exemple du Larousse - recul sensible et significatif depuis l'édition de 1931, surtout depuis les éditions en langue russe par les communistes. Il n'empêche que la sociologie de Weber subsiste et qu'il faudra bien la discuter un jour, donc l'étudier en Union so·viétique comme on paraît s'y décider en France, si tant est qu'on puisse espérer que Le Savant et le politique soit bientôt suivi d'œuvres maîtresses du même auteur, entre autres sa critique du niarxisme. AX WEBERa été un homme de science, il n'a été ni un homme politique ni un homme d'État, occasionnellement journaliste politique. Mais il a été, toute sa vie, passionnément soucieux de la chose publique, il n'a cessé d'éprouver une sorte de nostalgie de la politique, comme si la fin ultime de sa pensée aurait dû être la participation à l'action. Il appartenait à la génération qui assista, arrivant à l'âge d'homme, à l'épanouissement de l'empire allemand, à la chute de Bismarck et à la prise des responsabilités par le jeune empereur. Les quinze dernières années du xrxe siècle, pour Max Weber les années de formation . . , entre vingt et trente-cinq ans, sont marquees à la fois par le développement de la législation 2. Ce curieux dictionnaire philosophique tiré à des millions d'exemplaires ne mentionne d'ailleurs ni Montaigne ni Pascal, ni Vauvenargues ni Saint-Évremont, ni Desttut de Tracy ni Maine de Biran, ni Jouffroy ni Victor Cousin, ni Cournot ni Renouvier, pour ne nommer que quelques Français parmi des centaines d'absents. Les lacunes systématiques ne sont pas moins effarantes en fait de philosophie grecque et latlne, médiévale et orientale, allemande et russe : leur énumération exigerait des pages et des pages. Quant à commenter les commentaires « matérialistes » infligés au lecteur qui n'en peut mais, il y faudrait un gros volume. Cf. Treize articles du Petit Dictionnaire Philosophique de l'URSS, Paris, supplément de la revue « Preuves », une brochure in-8 contenant la traduction française des articles : li enri Bergson, cosmopolitisme, John Dewey, existentialisme, freudisme, idéologie, néo-thomisme, pacifisme, personnalisme, pragmatisme, Bertrand Russell, etc.

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