Le Contrat Social - anno III - n. 2 - marzo 1959

MAX WEBER par .Ray1nondr Aron Pour la première fois, des textes de Max Weber traduits en français viennent de paraître et il convient de saluer cette publication tardive comme un événement dans la vie culturelle (au vrai sens de ce terme dont il est fait de nos jours un abus insensé). Il ne s'agit, certes, que de deux conférences traitant du « travail intellectuel » et prononcées à l'université de Munich en 1918. Mais d'autres œuvres du même savant vont être enfin éditées chez Pion en traduction française dans la même collection « Recherches en sciences humaines» que dirige Eric de Dampierre. · Sous le titre global : Le Savant et le politique, on pourra donc lire en français deux conférences intitulées respectivement : Le métier et la vocation de savant, et Le métier et la vocation d'homme politique. Elles sont suivies de notes et d'une bibliographie très utiles. La traduction, méritoire, est de Julien Freund. Et nul n'était mieux qualifié que Raymond Aron pour écrire l'introduction qui présente Max Weber au public de langue française. Les pages qui suivent sont empruntées à cette Introduction, avec la permission de l'auteur et des éditeurs. Jusqu'à présent, il n'existait en français qu'un seul ouvrage sur Max Weber, celui de Marcel Weinreich (Paris, Vrin, 1938, grand in-8 de 212 pp.), travail consciencieux mais de lecture peu facile. On ne connaissait guère l'éminent sociologue allemand que par les livres de Raymond Aron (La Sociologie allemande contemporaine, Paris 1935; Essai sur la théorie de l'histoire dans l'Allemagne contemporaine, Paris 1938 ; et Introduction à la philosophie de l'histoire, Paris 1948) et par des études partielles d'Henri Sée, de Maurice Halbwachs. Autant dire que Max Weber a été longtempsP._resquiegnoré en France. Le Larousse du xx0 siècle, tome paru en 1933, Biblioteca Gino Bianco donc treize ans après la mort de Weber, ne lui accorde pas une ligne 1 . Il semble qu'une ironie amère et involontaire ait inspiré Marcel Weinreich quand il a terminé sa Préface en ces termes : « Et si Weber, de nos jours, semble être voué à l'oubli dans sa patrie [allusion au régime hitlérien], c'est tout particulièrement en France - pays de la liberté intellectuelle par excellence - que l'on devrait garder vivant le souvenir d'un esprit indépendant et libre. » En réalité, c'est tout particulièrement en France que Weber a été méconnu. Ses œuvres principales furent traduites en anglais, plusieurs le sont en italien et en espagnol, deux le sont en japonais, mais il a fallu attendre l'année 1959 pour avoir cent cinquante pages de lui en français. Mê1ne en Russie soviétique, du temps de Lénine, trois de ses livres les plus importants ont paru. Contrastant avec le Larousse, la Petite Encyclopédie Soviétique donnait en 1931 la notice suivante : WEBER Max, économiste et sociologue allemand (1864-1920). Outre les questions économiques, il s'est I. Que le Larousse soit muet sur Max Weber comme sur le disciple de celui-ci, Robert Michels, dont plusieurs ouvrages majeurs sont édités en France, cela n'a rien d'étonnant si l'on prend la peine de constater d'une façon générale l'abaissement constant du niveau de ce dictionnaire encyclopédique depuis l'entreprise initiale de son fondateur au x1xe siècle. On y chercherait en vain les articles attendus sur des représentants de la pensée française aussi indubitablement distingués que Maxime Leroy, dont l'œuvre mérite vraiment gratitude et considération, ou sur un autre plan Vacher de Lapouge, si discutables que puissent être certaines de ses vues. Les lacunes incroyables du Larousse contrastent singulièrement avec un remplissage oiseux consacré à maints personnages insignifiants ou pires que médiocres, pour ne rien dire des erreurs innombrables qui pullulent dans ses colonnes où figurent des sujets dans l'ordre des qu stions sociales, historiques et religieuses. Une critique sérieus du Larousse équivaudrait à un bilan du déclin de la culture en France . •

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