62 absolument immuable, donc qu'une marge d'erreur subsiste toujours et doit inciter à la prudence. Mais mieux vaut se tromper quelque peu par excès de fidélité aux connaissances antérieures (quitte à rectifier aussitôt" que possible) que d'errer et d'aberrer tout à fait en ne tenant aucun compte du savoir et de l'expérience quarantenaires. Il est acceptable, en certains cas, de recourir à une hypothèse. Mais construire ensuite une pyramide d'hypothèses reposant sur une base hypothétique considérée après coup comme une preuve établie, ce n'est plus acceptable. De même, on peut prétendre à tort ou à raison que Khrouchtchev exerce un pouvoir absolu ; mais on ne peut pas dire en même temps que Khrouchtchev passe sa vie à se battre contre Souslov, contre Pospelov, contre les maréchaux et contre Mao Tsé-toung. On n'a pas le droit nori plus de raconter que Tito, ou Mao, ou n'importe qui, donne son appui à telle ou telle fraction au Praesidium sans expliquer comment, par quelle voie ou quel moyen cela serait possible, et pourquoi le Praesidiuni tolérerait une immixtion quelconque dans ses affaires. bn ne saurait davantage disserter sur un prétendu rôle politique de l'armée dans la vie du parti sans avouer une méconnaissance totale des réalités soviétiques. Quant à découvrir des « libéraux » imaginaires parmi les staliniens éprouvés du Comité central, cela tient tout simplement du délire. Dans l'ordre des généralités, ce ne sont là que des exemples. · Après quoi, je précise les points qui m'apparaissent relativement sûrs. Malenkov, éliminé du Secrétariat dès mars 1953, a perdu alors sa position essentielle (pour perdre ensuite une à une ses positions secondaires) . Khrouchtchev, au contraire, a gagné la confiance de ses pairs (pour consolider ensuite sa primauté au Secrétariat). Une direction collective a ainsi affirmé sa volonté d' empêcher. de nouveaux excès terroristes à la Staline. Elle a supprimé Béria qui_refusait de rien eider de ses pouvoirs, puis abaissé Malenkov et Molotov qui influençaient une clientèle constituée de longue date. Elle a éliminé le « groupe antiparti » qui .voulait éliminer Khrouchtchev, puis Joukov qui se prenait pour quelqu'un. Elle traduit plus ou moins consciemment les sourdes tendances de la population à améliorer son bien-être, tout en tâchant de les cont~nir en ce qui concerne les aspirations vers plus de libre arbitre. Sa prétention d'accroître la production et la productivité l'oblige aux concessions à l'intérêt privé, le rendement étant plus ou moins proportionnel à la rétribution, aux stimulants. D'où la contradiction fondamentale · dont les effets se feront jour plus tard. La primauté de Khrouchtchev tient à son talent d'interpréter l'opinion moyenne de la direction collective, outre ses dons personnels. Dans tout cela, s'il existe de nouveaux « groupements», je n'en vois pas encore les contours. Une lutte pour le pouvoir, en Russie· soviétique, est une lutte pour s'emparer· du secrétariat du Parti; elle a eu lieu en mars 1953 à l'avantage de Khrouchtchev et en juin 1957 avec le même résultat. Sur bien des aspects de la situation, j'ai commenté ailleurs plus en détail à mesure qu'elle évolue, mais une lettre ne s()tffait être la· somme d'une centaine· d'études et articles. /D'autres occasions s'offriront d'y revenir. · M. Myron Rush nous a écrit, lui aussi, pour commenter· le compte rendu de son livre. Sa lettre sera publiée dans notre prochain numéro. · Une lettre de M. Alexandre Marc critiquant l'article de Max Richard sur Dix ans. de construction européenne n'a pu, faute de place, passer dans le· présent numéro ; on la lira dans le suivant (mars). BibliotecaGi:noBianco LE CONTRAT SOCIAL re1•11heistorique et critiq11eJes faits et Jes iJées Rédaction - Admjnistration: 165, rue de l'Université, Paris 7e ' SOLférino 43-30 Abonnements: voir tarif au dos de la couvertttre. r - MICHELKARPOVITCHn,é en 1888 à Tiflis où il fit ses premières études, a suivi les cours de Charles Diehl sur Byzance en Sorbonne, puis ceux de Klioutchevski , à l'université de Moscou. Après sa dissertation sur Alexandre Jer et la Sainte-Alliance, en 1914, il est envoyé par le gouvernement provisoire de Pétrograd à l'ambassade russe de Washington, en 1917, et il y assume ~ de hautes fonctions pendant cinq ans. A partir de 1927, il enseigne à Harvard l'histoire de la Russie, de la littérature et de la pensée russes. En 1947, il contribue à y fonder le Centre de Recherches sur la Russie et, depuis 1949 jusqu'à sa toute récente retraite, dirige la section des langues et littératures slaves. 'On lui doit entre autres d'importants travaux sur la Russie impériale, sur Klioutchevski, sur Vladimir Soloviev, sur Pouchkine, et l'édition des Esquisses sur l'histoire de la culture tusse de Milioukov. Depuis dix-huit ans, Michel Karpovitch dirige la Nouvelle Revue (en russe), où collabore l'élite intellectuelle russe en exil. · - BERTRAND E JOUVENELé, crivain et professeur, a publié depuis vingt-cinq ans nombr~ d'ouvrages d'histoire, d'économie et de philosophie politiques, notamment sur l'Angleterre et sur l'Amérique. Pour ne citer que les principaux, notons : la Crise du capitalisme américain (1933) ; D'une guerre à l'autre (1940) ; le Blocus continental (1942) ; Du pouvoir (1945) ; Problèmes de l'Angleterre socialiste (1947); l'Amérique en Europe (1948). 11 importe ici de signaler spécialement son édition annotée du Contrat social précédée d'un remarquable Essai sur la politique de Rousseau ( 1946). Il a été rendu compte, dans notre numéro de janvier 1958, de son dernier livre : De la souveraineté. A la· recherche du Bien politique (1955). Dès 1930, Bertrand de Jouvenel avait publié : Vers les États- Unis d'Europe. Il est aussi l'auteur d'une Vie de Zola (1931). En anglais, il a écrit The Ethics of Redistribution (Cambridge, 1951). 11 dirige la Société d'Études et de Documentation économiques, industrielles et sociales. - NORTON T. DoDGE est professeur d'économie politique à l'université du Maryland. Au cours d'un voyage en URSS, en 1955, il a pu étudier sur place le fonctionnement du système d'enseignement soviétique. ; 11\IPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE D'ÉDITION. 45, rue Colbert - Colombes (Seine) Le gérant : L. Cancouët Dépôt légal : 1er trimestre 1959 Imprimé en France
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