Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

QUELQUES LIVRES ces : le nom de Léon Trotski, par exemple, conservait encore un grand prestige, et c'était en lui, non en Staline, que l'on voyait le prototype même du révolutionnaire, voire du libérateur byronien. C'est l'époque où l'on disait : « Un verre de trop, et chaque stalinien se fait trotskiste. » En 1934, l'assassinat de Kirov, puis le jugement et l'exécution de Kamenev et de Zinoviev plongèrent les communistes américains et leurs sympathisants dans un assez grand désarroi. Parmi les intellectuels les avis étaient très partagés ; bien des aspects de cette période restent à préciser. Autour du Parti se débattaient alors les grandes questions : celle de la vérité, celle de l'autonomie de l'esprit. Howe et Coser ne l'ignorent pas, mais à ceux qui veulent comprendre cette époque, ils laissent bien du terrain à défricher. On n'en dira pas autant de leur analyse des années 40, période qui de toute évidence leur est plus familière en ce qui concerne tant l'évolution politique de la gauche que la vie du pays dans son ensemble. * Les derniers chapitres sont parmi les meilleurs du livre. En conclusion, Howe et Coser tentent de donner une explication du stalinisme. Ils esquissent bien des vues intéressantes, mais sans atteindre à une véritable théorie du phénomène. « Dans la mesure même où en Occident la tradition de gauche s'inspirait effectivement d'une théorie élémentaire et optimiste du progrès, elle devenait plus perméable à l'infiltration stalinienne. » Ce point de vue est contestable, surtout lorsqu'on évoque à ce propos l'exemple des intellectuels français. Faut-il rappeler en effet que depuis Renan c'est en France que se rencontrent certains des esprits les plus sceptiques et les plus réticents à l'égard du progrès ? La France ne résiste-t-elle pas au progrès depuis plusieurs dizaines d'années, comme l'a brillamment montré Herbert Lüthy dans la France autour de son clocher ? Howe et Coser écrivent plus loin •: « Avec la technique moderne, l'emprise totale de l'État, l'exercice de la terreur et une théorie faisant fi des valeurs morales, on peut tout faire des hommes, de leurs esprits et du passé. » Le peut-on vraiment ? C'est la question fondamentale que pose le stalinisme, de même que tout totalitarisme. C'est sur cette base que le communis- • En revanche, dans leur analyse antérieure de la pmode 1919-20, marquée par les « rafles de Rouges » de Palmer ( Palmer Reds raids) et pendant laquelle de nombreux communistes et révolutionnaires furent arbitrairement arrltés, emprisonnés et expulsés, les auteurs se lai11ent aller à des conjectures non moins arbitraires. Ils croient pouvoir affirmer en effet que ces raids « n'auraient gutre âé possibles sans l'accord général de l'administration Wilaon • et que leur « importance m~me prouve suffisamment que le Président (Wilson) les approuvait ou tout au moin1 les tolérait •· Il n'en est rien. Wilson était épuisé, malade. L' Attorney General (ministre de la justice) R. Mitchell Palmer vit dans l'hystérie de l'opinion un moyen de 1ervir 1c1 ambition• politique,, tandis que l'administration mit démoralisée par l'affaiblissement de son chef. Lei auteur, argumentent mieux aur Ica points de détail, lor1qu'il1 traitent d'tvtncmcnta dont ils furent témoins. Biblioteca Gino Bianco 57 me stalinien fait la guerre à la nature humaine - et qu'il conspire contre le genre humain. Précisément, Howe et Coser critiquent les vues du philosophe américain Sidney Hook, qui traite le communisme comme une conspiration. Ils ont en partie raison : le communisme stalinien est davantage que cela. Mais, devant sa complexité, il faut isoler les différents traits du stalinisme selon leurs significations propres : politique, morale, psychologique, sociologique. En soulignant que le communisme est une conspiration Hook a raison, mais sous réserve de bien comprendre que membres du Parti et compagnons de · route n'ont pas tous participé à cette conspiration. En ce sens, les reproches que nos auteurs adressent à Hook sont en partie justifiés, en partie pure querelle de mots. Howe et -Coser parlent du stalinisme au passé dans leur chapitre final. D'un point de vue littéraire l'effet est frappant, mais pour l'intelligence du sujet les risques sont pat~nts. Aussi les auteurs ont-ils soin de rappeler que malgré les changements de ces dernières années, le stalinisme et ses redoutables effets n'ont pas disparu. Ils concluent en déclarant. : « La solution de ces problèmes, loin d'être d'ordre purement théorique, dépendra dans une large mesure de l'activité humaine, de la conduite politique des hommes libres.» Dans leur préface, les auteurs ne cachent pas qu'ils ont mené leur enquête dans une perspective bien déterminée. Mais celle-ci, loin de nuire à l'objectivité, au sérieux de l'ensemble, leur a permis de renforcer certaines de leurs analyses. La tradition socialiste exalte en effet des valeurs que trop de spécialistes des questions communistes ont eu le tort de négliger. Elle fut la première que le communisme ait éprouvé le besoin d'attaquer avec la brutalité que l'on sait. Sans rien saisir de l'esprit du socialisme il est -impossible de ce_>mprendrele mouvement qui en est issu et qui est en même temps son ennemi le plus acharné. Abordant en conclusion la question de fond - celle des fins et des moyens de l'action politique - les auteurs témoignent d'une intuition qui ne manque pas de grandeur. Peut-être, écrivent-ils, le stalinisme n'a ni fin ni but réels ; peut-être les moyens sont-ils devenus pour lui la fin. Le stalinisme est un mouvement voué, coûte que coûte, à la conquête du pouvoir universel. Indirectement, le parti communiste américain a exercé une influence indéniable durant des années, notamment au temps du Front populaire et pendant la guerre. Influence néfaste, le Parti n'étant qu'une section de cette entreprise mondiale de domination totale. Le déclin du Parti américain montre le vide de l'entreprise, dénuement moral qui à son tour révèle ce qu'il y a de tragique dans l'histoire de notre siècle. En Russie, la lutte contre l'autocratie impériale fut une lutte pour la liberté et la vérité. Elle donna naissance à certaines des plus hautes aspiration de notre époque. Que d'hommes de génie, qu de person-

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