Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

N.T.DODGE Le silence de Counts s'explique peut-être par le fait que les effets catastrophiques des tentatives comm11nistes pour imposer une conformité idéologique à la littérature, à l'art et aux sciences humaines sont trop connus pour nécessiter plus de développements. La philosophie, l'histoire, l'économie, la sociologie et même la biologie et la génétique ont été si déformées, pour les forcer dans le moule du dogme « marxiste » de type soviétique, que ces disciplines avaient cessé d'exister en tant que champs d'investigation proprement scientifique. Ce qui intéresse Counts, c'est de savoir si la formidable machine à endoctriner construite par l'État soviétique a atteint son but de convertir un peuple entier, comme Lounatcharski le prédisait avec tant de certitude. Selon Counts, la ~~~se à cette question serait malheureusement ative, mais beaucoup d'observateurs ne . ' . . . partagent pas entterement son pessurusme trop prononcé. Les témoignages de récents visiteurs en URSS, de mê~e que les informations fragmentaires tirées de la presse soviétique, révèlent une fermentation croissante parmi les jeunes intellectuels et dénotent un réveil du scepticisme et même de l'esprit critique envers le régime • commumste. Conclusion CERTES,ce n'est guère que depuis un an ou deux que ces courants d'opposition ont pu apparaître en surface. Pendant les dernières années du règne de Sta1ine, et même plus tard, les voyageurs en URSS rapportaient invariablement la conviction que le poids massif de l'endoctrinement et de la propagande, joint à un isolement prolongé de tout contact extérieur, avait finalement « lavé les cerveaux » de la population entière. Et cependant, aussitôt que l'étreinte du terrorisme ~ta1inien se fut légèrement relâchée, la façade d'unité monolithique commença à craquer, tandis que se manifestaient le mécontentement et le doute latents jusqu'alors. L'auteur du présent article a pu observer, il y a tout juste trois ans, cette fermentation. Pour ceux qui ont vécu comme les citoyens soviétiques et savent par expérience personnelle combien les apparences, dans un système totalitaire, peuvent différer des réalités, la recrudescence des signes d'hostilité populaire au régime est sans doute moins surprenante que pour bien des observateurs du dehors. Les réfugiés qui ont Biblioteca Gino Bianco 53 contribué au volume de Kline confirment que, même au plus fort du sta1inisme, les étudiants soviétiques demeuraient intérieurement sceptiques devant bien des aspects de la foi commumste, encore que contraints d'y adhérer en apparence et de l'honorer du bout des lèvres. D'autre part, il serait certainement dangereux de supposer que l'attitude et le comportement des jeunes n'ont pas été influencés dans une mesure considérable par le long travail de dressage communiste. Dans une esquisse de la vie universitaire soviétique, recueillie par Kline dans son ouvrage, H. G. Friese, procède aux constatations suivantes (pp. 66-67) ~ Un des principes au moins du marxisme-léninisme qu'acceptaient sincèrement la plupart des étudiants d'université, de même que les élèves des écoles décennales, c'est que tous les systèmes politiques précédents, de même que les systèmes actuels hormis le socialisme soviétique, étaient et sont profondément injustes. Ce n'est pas seulement la critique <c scientifique » du Capital de Marx qui les a convaincus, mais aussi les œuvres littéraires russes du XIXe siècle : celle de Gogol, Tourguéniev, Tolstoï, Gontcharov, Tchernychevski, et parmi les écrivains étrangers, Schiller, Zola et beaucoup d'autres. Néanmoins, et bien que le témoignage des récentes années indique l'existence, dans la société soviétique, d'un nombre important de dissidents et de non-conformistes, il serait prématuré de conclure que leur apparition annonce nécessairement le déclin et l'effondrement prochain du système communiste. Counts et Korol mettent leurs lecteurs en garde contre les dangers d'une tendance très répandue en Occident - qu'ils regardent comme un produit du conditionnement et de l'héritage intellectuels qui nous sont propres - tendance à croire que la généralisation de l'instruction doit inévitablement accentuer les dissensions dans la société soviétique, frayant ainsi la voie au triomphe final de la liberté. Korol , . ecnt: Consciemment ou non, nous inclinons à attribuer à toute forme de l'instruction les idéaux sur lesquels nous comptons pour contribuer progressivement au bienêtre et à la qualité de la société humaine. Le système soviétique évoluera sans nul doute d'une façon distincte de l'expérience occidentale. Il reste à savoir si le pessimisme de Counts se trouvera justifié ou si l'instruction publiqu~, nouveau cheval de Troie, contribuera à la destruction finale du totalitarisme cnmrollllÎste. ( Traduit de l'anglais) NORTON T. DODGB

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