N. IASNY Il y ~ des changements imprévus et fréquents dans les procédés de calcul des produits agricoles. Pendant environ 20 ans, jusqu'en 1954, Staline a opéré avec le rendement soi-disant « biologique » en grains, et de même pendant un temps un peu plus court pour d'autres récoltes ; ce qui s'éloignait de la réalité pour un substantiel pourcentage, jamais avoué. Récemment, certaines denrées végétales ont été incluses dans la production de viande pour la rendre plus présentable. Les chiffres relatifs au lait ont également été gonflés sans aucune explication. L'idée que les statistiques soviétiques ne sont pas délibérément faussées implique que le Bureau central des statistiques de Moscou serait composé de novices. Or les spécialistes soviétiques sont meilleurs que la plupart de ceux qui, en Occident, analysent leur travaux. Mieux que les Occidentaux ils en connaissent les points faibles, les grandes falsifications et les contradictions entre elles. Ils seraient trop heureux pour la plupart de publier des statistiques honnêtes, mais ils agissent par ordre et n'ont pas le choix. Ils peuvent d'ailleurs se féliciter de leur efficacité dans la propagande soviétique. LES MÉTHODEeSmployées dans le fastidieux et décevant travail d'analyse des données soviétiques sont variées. Seules les plus importantes seront . , . . exanunees 1c1. L'économie soviétique comme celle de n'importe quel autre pays forme un tout composé de chaînons assemblés. Les produits agricoles servent de matières premières aux industries alimentaires dont la production parvient au consommateur par l'intermédiaire du commerce de détail ; les transports, entre les divers stades, assurent la liaison. En bref, chaque maillon se rattache à celui qui le précède et à celui qui le suit. L'image se retrouve dans de nombreux exemples : minerai de fer et cokéfaction - fonte - acier - machines - investissement en équipements ou en matériaux de construction - enfin construction en tant que partie intégrante de l'investissement. Dans u11pays où les statistiques économiques sont exactes, le spécialiste ne s'attardera à ces interconnexions que dans certains cas spécifiques, par exemple lorsqu'il s'intéresse à la production agricole globale mise sur le marché. Dans une étude sur l'économie soviétique, l'examen attentif des interconnexions est un des principaux moyens de travail, sinon le principal. Le degré d'inexactitude varie dans chaque chaîne de maillon à maillon, parfois dans d'énormes proportions.Un tableau du recueilofficiel l'Économie de l'URSS en 1956 (p. 34) donne les principalesindicationsquant au développement Biblioteca Gino Bianco 47 de l'économie nationale de 1913 à 56. En voici quelques-unes (1913 et 1928 = 100) : Nombre de salariés Investissements fixes de l'État Fonds de base Revenu national Production industrielle brute Transports marchandises (5 réseaux) 1913-56 443 - 1.480 1.922 3.021 1.136 1928~56 446 3-527 1.089 1.615 2.288 1.092 De ces six séries, seules deux estimations, celles des salariés et des transports, sont raisonnables ; les quatre autres sont comparativement beaucoup trop élevées. La contradiction ne peut être élucidée par des considérations d'ordre général. Il semble évident, d'autre part, que la production industrielle brute ne pouvait, dans la période 1928-56, avoir augmenté de plus du double des transports, ceux-ci servant essentiellement à l'acheminement des produits industriels et des matières premières que nécessite leur fabrication. Les chiffres ci-dessus impliqueraient que les matières premières et les produits industriels se sont transportés aux usines, puis d'usine en usine, enfin des usines aux magasins de détail par leurs propres moyens. Or cela ne s'est jamais vu, même dans un pays socialiste. Un accroissement approximatif de 800 % pour 1928-56, tel qu'il ressort des calculs de D. Shimkin et de l'auteur, semblerait plus en rapport avec l'indice officiel des transports, celui-ci étant , suppose correct. L'estimation officielle du revenu national en 1928-56 est encore plus exagérée, relativement à l'augmentation des transports, que celle de la production industrielle. Un accroissement de 400 à 500 % serait plus vraisemblable. L'examen des interconnexions révélant le plus souvent des exagérations et des déformations, on ne pourra donc se faire qu'une vague idée d'ensemble, indiquant la direction dans laquelle la recherche doit être poursuivie. * )(. )(. LES STATISTIQUEdSe l'économie nationale sont en général établies par des organismes spécialisés. Ce qui rend difficile l'analyse des statistiques soviétiques en Occident, c'est qu'elles sont entreprises par des spécialistes isolés, au mieux par de petits groupes. Il devient alors malaisé d'utiliser le matériel disponible lui-même. Dans ces conditions, comment procéder à une analyse d'ensemble ? Deux possibilités s'offrent : obtenir des résultats minutieux à un prix prohibitif et par des efforts prolongés, ou employer des méthodes de simplification (soit en se fondant sur de petites quantités, soit en se livrant à un travail de détective, interprétant les implications, etc.). Ces procédés, s'ils sont judicieusement menés, peuvent donner des résultats
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