Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

Anniversaire LE CENTENAIRE DU MATÉRIALISME HISTORIQ!.IE par Michel Collinet .· N JANVIER 1859, Marx achevait la préface à sa Contribution à la critique de l'Économiè ___ politique dont les deux premiers chapitres, formant un ouvrage séparé, paraissaient en j11in la mêm~ année. Il s'agissait d'une première mouture de çe qui devait être huit ans plus tard le Capital, mais écrite en un style clair, étranger au jargon hégélien dont Marx crut nécessaire d'e~uminer le premier livre du Capital. Son intention était alors de publier sous forme de monographies distinctes ses recherches d' économie politique. Il les avait commencées en I 8t.J, p~s interrompues durant les années révolutionnaires et un~ seconde fois entre 1853 et 1856, pour enfin les reprendre à une époque où il prévoyait qu'une nouvelle crise économique rallumerait la révolution éteinte en 1849. La Critique de l'Économie politique portait en sous-titre : le Capital en général, mais il n'en était pas question dans les deux chapitres publiés ayant trait à la marchandise et à l'argent. Marx explique, dans une lettre à Engels, pourquoi il préférait ne pas publier le troisième chapitre relatif au capital. « Si le début a du succès, écritil, le troisième chapitre qui traitera du capital pourra suivre à bref délai. Ensuite, comme ces messieurs ne pourront pour la partie publiée, et d'après la nature même du sujet, se borner dans leur critique à m'accuser d'idées tendancieuses et que l'ensemble a un air très sérieux et très scientifique, je forcerai ces coquins à prendre assez au sérieux mes idées sur le capital » (IS janvier 1859). Marx es~érait donc en publiant par petites doses sa théone du capital désarmer l'hostilité des économistes bourgeois et de ses anciens amis hégéliens. En outre, il escomptait quelque revenu de la vente de son livre 1 ; il 1. • Si l'ouvrage prend à Berlin, il y aurait peut-etre à faire .un bon coup avec un ~diteur de Londres pour une traduction anglaise et à Londres on paie bien mieux qu'à Berlin• (lettre à En1el1 du 21 janvier 1859). Biblioteca Gino Bianc • n'avait trouvé un éditeur à Berlin que par l'intervention de Ferdinand Lassalle, dont il sollicitait l'aide amicale tout en le couvrant de sarcasmes dans sa correspondance avec Engels. 2 La publication des deux chapitres passa complètement inaperçue et les chapitres suivants ne virent jamais le jour. Les uns et les autres devaient être rassemblés et refondus dans le livre premier du Capital paru en I 867. Les deux chapitres de la Critique n'auraient intéressé que les marxologues n'était la préface. Sous la forme réduite de quelques aphorismes (soixante-huit lignes de la première traduction française 3 ), celle-ci a constitué jusqu'en 1932, date où parut l' Idéologieallemande, le seul exposé systématique du matérialisme historique tel que le concevait Marx au moment où il entamait la rédaction du Capital. Plus tard Engels reprit la question en divers ouvrages (Anti-Dühring, LudwigFeuerbach, etc.) et en de nombreuses lettres ou préfaces, modifiant suivant les cas la conception exposée dans la Préface de 1859. Il est hors de question d'analyser ici les thèses d'Engels, mais on citera pourtant l'opinion de Benedetto Croce, écrivant à la fin du siècle dernier que si l'on voulait « mettre d'accord toutes les formules que Marx et Engels en ont données [du matérialisme historique], on se heurterait à des formules contradictoires qui ne permettraient pas à un interprète prudent et méthodique d'établir ce qu'a été pour eux, en général, le matérialisme historique» 4 • Même si l'on se tient à la seule Préface, on doit se demander avec le philosophe italien s'il faut prendre Marx à la lettre ou l'interpréter assez largement pour le -------- 2. Cf. Corr,spondanc, Marx-Bng,ls (tomes s et 6). 3. Par Lton Rlmy, ~d. Schleicher (1899). 4. B. Croce : Mat,rialis,n, historiqu, ,r ,conomi, marxist,, p. 130. • •

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