34 par et pour l'État. Le collectivisme de la commune rurale, disait-il, apparut partout où. le laboure ut était à la fois privé de droit de propriété et asservi aux classes supérieures ou à . l'Éta~. Ç'avait été le cas non seulement en· Russie mais en Égypte, en Inde et en Chine. 34 En Russie, l'ensemble du processus avait pris des centaines d'années et, en vérité, n'avait atteint sa forme achevée qu'à l'époque de fétersbourg. 35 C'~st seulemeht sous Pierre le Grand· que le principe qui attachait le paysan à la glè~e ! ut remplac~ par la formule que nul ne doit etre exempte d'impôts. Dès lors, par l'intermédiaire de la commune rurale, l'Etat entreprit de garantir à chaque laboureur un lopin de terre. Bientôt, pour assurer aux familles membres de la commune les moyens· de payer l'impôt, la répartition périodique des terres fut instituée comme technique pour adapter l'importance des parcelles au nombre changeant de ces fanuµ~s,- Vint ~nsuite l'établissement de la responsabilite collecttv~ en matière fiscale, de sorte que si pour une raison quelconque un membre devenait incapable de remplir ses obligâtions envers l'État, les autres membres étaient tenus de les assumer à sa place. 36 Ainsi la commune paysanne russe· des temps modernes fut, selon Plékhanov, un instrument du despotisme étatique, sa fonction étant d'aider l'État à arracher aux paysans une plus. grande part de leur production que ne l'avait fait aucun autre État dans l'histoire. 37 Ses caractéristiques collectivistes n'existaient que pour qu'elle pût remplir plus efficacement son rôle. 38 Même au x1xe siècle, les mêmes principes de la politique fiscale de l'État continuaient à jouer. Les réformes tant vantées du comte Kisselev, sous Nicolas 1er, redistribuèrent plus équitablement les terres domaniales aux paysans uniquement pour qu'ils pussent mieux servir l'État; et de fait, les activités de Kisselev réduisirent les paysans domaniaux à une situation proche de celles des / ellahin de l'ancienne Égypte. 39 Lorsque les serfs furent enfin émancipés dans les années 1860, on les libéra avec .la terre dans ce qui s'avéra «une nouvelle tentative de garantir les besoins financiers 34. Ibid., IX, pp. 137-40. 35. Ibid., IX, pp. 137-40; XV, p. 33. Autre question sur laquelle Plékhanov n'était pas conséquent avec lui-même. Le sens des passages en question est que le « système oriental» n'a été complètement établi en Russie qu'en pleine période pétersbourge3is. ~r, dans ~n autre. o~vrag~, Plékhanov disait : « Notre Ru s1e moscovite se· d1st1ngua1t par un caractère entièreme~t iatique. » Ibid., X, p. 86. . 36. Ibid., IX, pp. 138-40. 37. Ibid., X, p. 86. Comparer avec Max Weber qui affirm_e que pour la majorité des spécialistes la commune n'était pas d'origine primitive, mais .un produit du système fiscal et du servage. General Economie History, p. 19. 38. On peut noter, entre ~arenth~ses, qu'une t~lle_analyse de la co:nmune s'accordait parfaite1:11entavec 1 orientation politique de Plékhanov, car elle mett:iit fonda~entalement en question l'interprétation des populistes, maintenant ses adversaires idéologiques . 39. Sotchinbzia, IX, p. 146. Biblioteca Gir,o Bianco DÉBATS ET RECHERCHES de l'État aux dépens des paysans ». 40 Ils furent émancipés avec des lopins de terre pour ass~~er un flot ininterrompu des revenus de la chawmere du paysan au Trésor. public. * )f. )f. CETTE DISCUSSION des origines a nécessairement effleuré de nombreuses particularités, quoique pas toutes, d: la « société orientale » ~uss~ comme système en vigueur. Tel que le voyat! Plekhanoy, c'était un ordre où l'État, ayant pris en main les seuls moyens· de produc~on, avait pouvoir_ d~ vie et de mort sur ses suJets. 41 A ceux-et il allouait des terres et ainsi le droit de vivre, m~s à la condition expresse de servir l'État, serv~ce. militaire-administratif pour quelques-uns, se!-""1ce de travail et fiscal pour la p!upart. Il faut so?ll~er ~ que pour Plékhan~v c~t eta~ de choses ,e~t la conséquence de l'frectto~ du~ ~~at Lev1~than · fondé sur une economie pr1m1ttve, agricole, naturelle. La construction de Plékhanov ~era fortement confirmée sur beaucoup J de pomts par Max Weber qui, décrivant l' en~emble ~e l'économie de l'Égypte et de la Mesopotam1e comme auxiliaire de l'entreprise royale, écrira : Le _résultat du système dans son ensemble fut. ~e placer la population dans ~e re,latio~ d~ servilité envers le prince. Cette relation s exprimait dans le service obligatoire de tous les sujets et dans la re~ponsabilité collective du village quant aux charges imposées... Sous ce système, le paysan individuel n'était pas seul à être attaché à la glèbe, le village l'était aussi ... la condition du paysan correspond partout à celle du membre du mir russe. 42 A certains égards, pourrait-on remarquer, la Russie alla plus loin q~e les despotism~s fab1;11e~ . de l'Orient. Le pouvoir du pharaon etait 11m1te par le ma'at, concept qui, en théorie à tout le moins, l'obligeait à gouverner justement. 4 ~ En Chine, l'idée confucéenne du Mandat <!,uCiel et son corollaire Mencien du « droit à la révolte » ont pu servir à tempérer le pouvoir impérial. 44 Mais en Russie il n'existait rien de comparable qui restreignît le tsar. Si ironique que c~la p~sse paraître, le gouvernement du « petlt . pere » (batiouchka), COIJ?meles par~ans appelaient_ le tsar, ne manifestait guère à 1egard de ses suJets la sollicitude paternaliste évidente par moments en Égypte e~ en Chine. Bien que fidèle à l'interprétation matérialiste de l'histoire, Plékhanov ne sous-estimait pas la 40. Ibid., X, p. 86. 41. La description que fait Plékhanov de l'anatomie de la société orientale, sur ce point comme sous d'autres aspects disèutés· plus loin, offre une similitude frappante avec. celle de R. Jones. op. cit., 5, pp. 123-5 et passim. Toutefois, R. Jones ne classait pas la Russie dans cette catégorie sociale. 42. General Economie History, p. 316. 43. J. A. Wilson : The Burden of Egypt (Chicag~, 1951), pp. 48-50. · . 44. Fairbank : The United States and China, p. 63 ; Michael and Taylor : The Far East in the Modern World, pp. 46-7,
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