Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

L. EMBRY s'inscrivent en des frontières incertaines ou bizarres, ils manquent de traditions politiques autant que de ressources et de machines; ils font vivre au-dessus d'une plèbe misérable et affamée une ploutocratie féodale et des spéculateurs internationaux, tandis qu'une faible élite d'hommes sincères se débat comme elle peut en ce chaos. Il n'est pas besoin de poursuivre très loin l'examen pour comprendre que le communisme a la partie belle dans cette anarchie ou dans cette zone friable qu'il travaille assidument; s'il parvient à s'y implanter solidement, de la Malaisie au Moyen-Orient et à l'Afrique noire, il aura remporté une victoire plus grande encore que celle qui l'a porté jusqu'à Berlin, Prague et Changhaï. Peut-être s'en est-il fallu de très peu qu'il réussisse cette conquête. S'il avait pu en pleine apogée stalinienne, alors que son prestige était i11imité, lancer partout ses agents et faire surgir du sol les partis à sa dévotion, tout était décidé. Mais un retard de quelques années a déterminé, disons au moins et en toute prudence, une remise en question du problème. Certes, à Moscou comme à Pékin on forme les agents de la pénétration continue, on met au point toutes les méthodes de_l'invasion clandestine et de la guerre psychologique. Que les résultats obtenus ne soient pas minces, qu'il faille s'en alarmer et surtout réagir sans perdre une minute, personne n'en doute ; osons dire cependant qu'ils sont moins nets et même moins assurés que ne le donnait à craindre 1a vraisemblance. Quelles sont les raisons de ce ralentissement ou de cette indécision ? 11 faudrait tenir compte .ici de la politique américaine qui, en dépit de ses faiblesses et de ses bévues, n'est pas aussi vaine qu'on le prétend ; mais mieux vaut mettre l'accent sur un autre élément du jeu. Il semble bien que, par la seule action des années qui passent, le messianisme communiste ait partiellement perdu sa force de rayonnement ; c'est 111aoifesteen Occident, supposable ou percep- . . . . • • • Biblioteca Gino Bianc 25 tible en Asie ou en Afrique. Dans les pays nouveaux qu'il convoitait, les cadres et les partis, les moyens de la prise du pouvoir, n'ont pas été mis assez vite à pied d' œuvre ; une première occasion a été perdue. Du coup ont pu s'éveiller, puis se développer ces forces élémentaires ou instinctives dont nous avons parlé et dont la plus influente est évidemment orientée dans le sens du nationalisme. Ces forces ont pu être attisées et canalisées tantôt par des souverains qui, tel le sultan du Maroc, sont aussi des pontifes, tantôt et bien plus souvent par des chefs militaires dont l'armée est l'instrument. Un chapelet d'États fascistes est donc en train de se créer à travers les continents et l'on voit paraître des épigones plus proches de Kemal ou de Franco que de Mussolini et surtout de Hitler. Nous- entendons bien qu'il faudrait nuancer, que la Tunisie par exemple est plutôt phalangiste tandis que la Guinée incline vers un régime russe ou chinois ; mais outre que tout est fluctuant, il semble bien que la toile de fond soit tissée par le principe vivant des nationalités, à moins que, brûlant les étapes, on en soit déjà comme Nasser à l'impérialisme ethnique. D'autre part il est clair que les dictateurs de la· dernière promotion se doivent de nourrir leurs peuples d'orgueil s'ils ne peuvent faire mieux, d'où leur intransigeance verbale devant les colonisateurs d'hier et les Américains bailleurs de fonds, d'où leur flirt plus ou moins poussé avec les bons apôtres russes qui se flattent de leur apporter une aide désintéressée. Ces grands airs n'empêchent ni l'acceptation des crédits occidentaux, ni le double jeu, ni le louvoiement obligé entre les deux blocs. Nous sommes très éloignés d'une cristallisation des tendances et c'est en cette fluidité qu'une diplomatie habile peut encore faire merveille. Puisse-t-elle fixer le sort à l'avantage de l'Occident en usant des complexités naturelles qui s'offrent à ses prises. LÉON EMERY • • • •

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