Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

24 d'une philosophie venue après coup, se proclamer au besoin fanatiquement socialiste, le parti fasciste, le parti nazi conservèrent le goût de l'uniforme et des parades, le style césarien, l'état d'âme d'une milice ou d'une garde impériale. La structure militaire fut encore plus ostensible dans la Pologne de Pilsudski, l'Espagne de Franco, le Japon des généraux, la Chine du Kouomintang; les diverses pièces constituant le régime s'articulèrent nécessairement autour de l'armée. Alain résumait ces traits en une formule simple et claire : le fascisme, c'est l'ordre militaire maintenu dans la paix. Reste à mettre en place les principes que brandissait l'ordre militaire. En fait, une armée concilie facilement avec le culte des chefs et l'obéissance passive une sorte d'égalitarisme matériel, l'état de guerre ou de mobilisation permanente implique la répartition étatique des tâches et des subsistances ; le fascisme était donc en accord avec lui-même lorsqu'il recourait à la démagogie anticapitaliste, promettait de pendre les banquiers rebelles et d'instituer un socialisme marqué de son empreinte; mais, là encore, on voit bien que si les matériaux sont les mêmes que dans l'édification communiste, l'échelle des valeurs diffère sensiblement. Ce qui s'avère essentiel ou primordial dans l'idéologie fasciste, c'est la conscience nationale, l'attachement au sol, au sang, à la race. L'antisémitisme hitlérien fut simultanément présenté comme un moyen de défendre la pureté de la race «aryenne» et comme une politique d'élimination des agioteurs et spéculateurs. Que les doctrines fascistes aient largement admis le vague, l'emphase ou l'équivoque, c'était sans grande importance pour elles car leur efficacité venait d'autres sources. Elles mettaient en action des puissances affectives venues du fond des âges et toujours vivantes, des passions qu'on peut dire profondément naturelles et, tout en retournant vers la primitivité ou du moins vers l'historique, elles annonçaient une révolution bien plus concrète et plus réellement populaire que celle dont socialistes et communistes se faisaient les champions. Le fascisme déclarait ainsi la guerre d'une part au capitalisme libéral, de l'autre au marxisme ; c'était se donner la possibilité de manœuvrer entre eux et de jouer de leurs contradictions ; c'était aussi courir le risque d'être finalement serré entre les deux mâchoires de l'étau. On sait comment fut résolu le dilemme. Mais l'est-il définitivement ·? Avant d'esquisser une réponse, il'--€Ôllvientde répéter que l'analyse discerne dans le communisme et le fascisme bien des éléments semblables, que l'histoire enregistre les multiples interférences qui se sont produites de l'un à l'autre, mais qu'on doit bien se garder cependant d'en affirmer l'identité profonde. Dès qu'on s'efforce de les expliquer par. l'ordre des sentiments et la vie organique des groupes, on s'aperçoit au contraire qu'ils demeurent incom- • BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL patibles, chacun ne pouvant · triompher qu'en se nourrissant de ·ce frère maudit qui lui est . . ' . tentation, p1ege ou prote. QUANT AU PRÉSENT, il ne faut pas trop chercher à savoir ce que peut bien être le contenu positif de cette indépendance à laquelle accèdent depuis douze ans tant de peuples d'Asie et d'Afrique ; prenons argent comptant la terminologie officielle. Il importe seulement de remarquer que ce vaste mouvement s'est développé en pleine ambiguïté; à l'origine on trouve les déclarations libérales de Brazzaville puis, beaucoup plus décisives, celles du président Roosevelt. Le thè~e est ensuite repris et orchestré par Moscou dans le style de la propagande anticolonialiste, en sorte qu'on peut croire pendant quelque temps à un accord et à une continuité ; mais en raison d'une évidente situation de fait la pointe de cette propagande est dirigée non contre les vaincus de la guerre qui, le Japon mis à part, sont hors de cause, mais contre les maîtres des anciens empires coloniaux, Anglais, Hollandais et Français. Enfin,. par un retour ironique des choses, la dénonciation de l'impérialisme devient une tactique destinée à dresser les peuples contre les États-Unis et à les faire passer dans le camp communiste; c'est ainsi que les Américains furent remerciés d'avoir tout mis en branle au détriment de leurs alliés ... La question qui se pose désormais est celle de l'évolution politique des nouveaux États. Un premier point est acquis : la libération des peuples colonisés s'étant opérée en principe par la vertu de l'idéalisme américain et sous la garantie des Nations Unies, chacun d'eux s'était hâté de pavoiser · aux couleurs démocratiques et parlementaires ; l'imitation de l'Occident fut la règle commune. On vit donc éclore sous les tropiques quantité d'assemblées et de partis, se multiplier les bagarres électorales et les rivalités de clans ou de groupes. Mais d'ores et déjà l'expérience a prononcé ; presque partout les constitutions conçues sur le modèle occidental sont abolies en droit ou en fait après avoir été accusées d'engendrer l'impuissance et la corruption, de fournir un terrain d'action aux intrigues de l'étranger. Le témoin objectif ne saurait s'étonner de cette faillite, encore moins songer à contestef que les jeunes États indépendants étaient soumis en réalité à de lourdes dépendances et à de fortes pressions ; il s'efforce seulement de bien voir ce qui, la façade étant désormais réduite en poussière, se dessine d'une manière moins conventionnelle. A première vue, le spectacle n'est pas très encourageant, car ce qui paraît aux yeux c'est l'immense· dénuement des peuples sous-développés. Voici donc la mosaïque de ces États nés d'hier ou qui naissent présentement en Afrique ; ils

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