Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

L. EMBRY à une simple comédie, l'entier contrôle de la vie économique, de la presse et de l'enseignement. Mais on est fort éloigné de tout comprendre tant qu'on s'en tient à une statique des institutions et des régimes ; il faudrait au contraire considérer avec grand soin les conditions de naissance, l'orientation des genèses, les facteurs psychologiques et moraux qui dans l'un et l'autre cas fomentent en partie les événements. Cet examen n'empêche pas de confondre dans la même réprobation, si l'on y tient, les deux grandes variantes modernes du totalitarisme, mais le jugement de valeur une fois prononcé, on n'en est que plus libre pour noter des différences qui ne sont pas minimes. 11est à peine besoin de rappeler d'abord qu'en Italle, en Pologne, en Hongrie, en Espagne, en Allemagne, en Chine, le fascisme fut une réplique au communisme, un moyen de se défendre contre lui et de le proscrire, souvent d'ailleurs en lui empruntant ses procédés et même des hommes ; il se définit alors comme un phénomène de retournement ou· d'inversion, comme une riposte dialectique ou plutôt une réaction vitale. Plus généralement encore il est facile de constater que si les collusions entre fascisme et communisme furent nombreuses et parfois sensationnelles, elles n'atténuèrent aucunement une méfiance profonde qui, se combinant aux jeux de la qiplomatie, finit par engendrer une lutte à mort; Qui ne sait que les oppositions les plus implacables dérivent souvent de ressemblances prof ondes ? Que fascisme et communisme soient des frères ou des cousins, des produits jumeaux du monde moderne, il le faut tenir pour avéré sans doute ; mais cette parenté les voue à l'opposition, à la rivalité et à la guerre beaucoup plus qu'à l'entente. Force est donc bien de conclure qu'il entre dans la nature de chacun d'eux des éléments incompatibles avec l'essence de l'autre. Le communisme a fait subir au marxisme des altérations si énormes qu'on se demande parfois ce qui reste de la doctrine authentique ; pareille recherche intéresse l'histoire des idées, non point l'histoire vivante qui d'ailleurs ne renie pas entièrement l'autre. A travers variations et contradictions, on prétend à Moscou, Pékin ou Belgrade maintenir la pleine autorité de la loi et en déduire une politique systématique. D'où il suit qu'en dépit de vicissitudes sans nombre et d'incroyables embardées se dessine un axe de marche dont on ne peut pas s'écarter absolument. On développe à l'intérieur de l'État un appareil militaire et policier peut-être sans exemple, mais, dans le langage officiel, l'État n'est pas autre chose que l'émanation du peuple des travailleurs. On mobilise au service du régime toutes les forces de la tradition nationale et du patriotisme, mais la fiction du cosmopolitisme socialiste cautionne un impérialisme virulent. On déclare par opportunisme respecter les religions, mais on enseigne. l'athéisme et le matérialisme. En définitive, rien ne peut faire qu'une Biblioteca Gino Bianc 23 société communiste ne résulte de l'application forcée à une masse humaine d'une théorie conçue par des idéologues, la doctrine fût-elle en contradiction manifeste avec la psychologie des foules et les conditions naturelles de l'existence en un terroir déterminé. Le rôle des intellectuels marxistes est à l'origine tout à fait prédominant ; pour prolonger leur influence, même en falsifiant leur pensée, on multiplie les écoles de cadres et l'on fait ruisseler sans arrêt un Niagara de littérature dogmatique. Qu'on ne s'étonne donc pas de voir le communisme allier à de savantes méthodes de contrainte physique celles, plus raffinées encore, de la prévarication doctrinale ; il en est ainsi chaque fois que des volontés arbitraires se heurtent à des réalités qu'elles ont méconnues. Construire de fond en comble une société comme on construit une usine, c'est se vouer non seulement à la tyrannie, mais à l'hypocrisie permanente et, tôt ou tard, à l'échec. Il n'est pas d'autre moyen de poursuivre l'expérience que d'enserrer tous les sujets dans le réseau multiforme que compose le Parti, représentant fidèle à tous les degrés de la pensée qui vient des sommets. Une équipe d'intellectuels imbus des sacro-saints principes, une légion de militants d'abords recrutés parmi les ouvriers révolutionnaires, puis amplifiée par cooptation et bientôt par hérédité, enfin une masse rurale qu'on façonne comme une matière première, tel est en quelque sorte le schéma génétique des empires communistes. Il est vain d'y vouloir déceler, comme on le tente fréquemment, une action personnelle de certaines collectivités, par exemple de l'armée ou du corps des techniciens ; cette action est dans l'ordre des choses et l'heure viendra d'en enregistrer les effets, mais ce sera lorsque le communisme aura atteint le moment fatal de sa décrépitude et de sa dissolution. Relativement au communisme, le fascisme paraît être d'une nature beaucoup plus simple ou plus grossière, ce qui ne signifie pas qu'il soit moins viable, ce qui a même toutes chances de signifier le contraire. 11 ne s'embarrasse pas d'idéologies et méprise volontiers les intellectuels ; il se caractérise par l'appel à l'action et à l'instinct, par la confiance en l'élan vital et en l'énergie combattive, par le recours à l'esprit de la tribu ou de la race. Aussi est-il né dans les camps, parmi les soldats ; sommairement, le communisme est l'œuvre d'un parti qui se donne une armée, le fascisme est celle d'une armée qui se transforme en parti pour exercer le pouvoir. Dès l'origine on constate la divergence, car Lénine triompha en reniant la guerre nationale, tandis que Mustapha Kemal la commençait ou la recommençait ; les compagnons les plus dévoués de Mussolini comme de Hitler furent des soldats revenus du front et qu'enrageait la défaite. Même lorsqu'il fallut prendre en main les destinées d'une nation, organiser la dictature selon des règles qui ne varient guère, se parer •

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