Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

12 sont tout autre chose. On ne saurait les dériver ni de la tradition diplomatique commune, ni de la tradition nationale russe. V LE COUP d'État tchécoslovaque de 1948 offre une illustration frappante de la conception soviétique en matière de soi-disant «sécurité». Il importe de revenir ici sur cette question, d'un intérêt considérable pour le thème de l'impérialisme. Dans la conception traditionnelle que partageait entièrement la diplomatie russe d'avant la révolution, la sécurité extérieure d'un Etat pouvait être garantie par des mesures comme la conclusion d'accords politiques et militaires, la « rectification » des frontières stratégiques ou, dans les cas extrêmes et si cela était possible, l'établissement de sphères d'influence ou de protectorats .dans les -pays limitrophes. De ce point de vue traditionnel, la sécurité nationale de la Russie en tant qu'Etat était largement garantie par les relations établies jusqu'en 1948 entre l'Union soviétique et la Tchécoslovaquie. La Tchécoslovaquie était comprise dans la sphère d'influence soviétique, elle avait signé tous les accords politiques et économiques que le gouvernement de Moscou exigeait d'elle et cédé «de plein gré» à l'Union soviétique le territoire de la Russie subcarpathique, lui donnant ainsi un accès direct à la Hongrie et «rectifiant» sensiblement la frontière stratégique russe. Dans leur désir de conserver l'« amitié» de l'Union soviétique, les dirigeants tchécoslovaques durent aller plus loin encore dans la voie de l'alignement de leur politique sur les exigences de Staline. En politique intérieure, les communistes se virent octroyer une part d'influence au gouvernement qui ne correspondait pas à leur nombre dans le pays. 5 En politique étrangère, l'interdiction catégorique de Moscou força le gouvernement de Prague à renoncer au plan- Marshall auquel il avait déjà donné son accord. Dans une certaine mesure, la Tchécoslovaquie se trouvait sous protectorat soviétique dès avant le coup d'État de février I 948. ~i Staline eut néanmoins besoin de ce coup d'Etat (inutile de démontrer qu'il s'accomplit. selon les instructions et avec l'aide active de Moscou), c'est seulement parce que tout ce qui avait été obtenu jusqu'alors lui semblait insuffisant du .P~int de vue ya, conception · spécifiquement soviêtiquede la << securite ». Par contraste avec les idées traditionnelles, la conception soviétique a en vue non la sécurité territoriale de l'État, mais 5. On fait souvent remarquer qu'aux élections les communistes avaient recueilli plus de voix que n'importe quel autre parti. Mais ils se trouvaient néanmoins en minorité et sans la pression soviétique rien n'aurait pu empêcher Bénès de former un gouvernement de çoalition avec les • • partis non -commurustes, . . BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL la sécurité politique du régime. La Tchécoslovaquie de Bénès et de Masaryk restait dangereuse pour le régime soviétique, car même dans l~s conditions créées après la guerre, elle conservait une certaine part de liberté démocratique dans sa vie intérieure et une certaine liberté de contact avec le monde occidental. Or aux yeux des maîtres soviétiques, rien n'est plus dangereux que le voisinage de la liberté. C'est dans cette peur de la liberté que réside le sens profond de la théorie soviétique de la « sécurité ». Le régime totalitaire établi en Russie ne se sentira jamais, dans n'importe quelles conditions, tout à fait en sécurité tant que le même régime, sous le pseudonyme _de «triomphe du socialisme», n'aura pas été instauré dans le monde entier. Son programme maximum demeure le but final. La tâche immédiate consiste ·dès lors à « rendre sûrs » les pays les plus proches tombés dans la sphère d'influence soviétique. Et pour cela les méthodes traditionnelles s'avèrent insuffisantes. Il faut recréer toute la vie intérieure des pays voisins à l'image et aux traits caractéristiques du régime soviétique. De l'instauratio11 de la « démocratie popul!}ire » à la soviétisation complète dans ces Etats, la transition est inévitable. Par sa nature même la politique soviétique de la «sécurité » a donc un caractère agressif. De même que dans la conception hitlérienne l' « espace vital » pour l'Allemagne devenait un cimetière pour les autres peuples, la sécurité du régime soviétique porte en elle un danger mortel pour la liberté et l'indépendance des autres pays. Et comme dans_la conception stalinienne une sécurité complète est impossible tant que le régime soviétique n'est pas établi dans le monde entier, cette politique n'a pas de limites territoriales : après avoir étouffé la liberté dans un pays, il devient indispensable d'extirper tout danger dans les pays contigus. La différence radicale entre cette politique et la politique traditionnelle de sécurité suivie par la Russie tsariste est évidente. Nicolas Jer pouvait préférer les monarchies allemandes conserva- . trices aux monarchies constitutionnelles de France et d'Angleterre, comme Alexandre III a pu hésiter à conclure une alliance avec la France républicaine. Mais jamais l'idée de garantir la sécurité nationale de la Russie par l'extension de l'absolutisme dans le monde entier - ou seulement , dans les Etats voisins - n'aurait pu venir à l'esprit d'aucun empereur ni d'aucun diplomate de Saint-Pétersbourg. • VI IL EST·des théories qui relient l'impérialisme russe à telle ou telle particularité de l' « esprit national ». Ainsi pour Kucharzewski le peuple· russe est un peuple nomade, incapable de créer sur sa terre une culture assez -riche et solide, mû par une constante aspiration à s'étendre

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==