Q.UBLQ.UBSUVRBS période» (p. 246). L'analogie est d'ailleurs ùappante avec les accusations mensongères lancées par Moscou pendant la révolution hongroise ; on pense irrésistiblement aux contre-vérités de Khrouchtchev en lisant cette phrase sur Cronstadt : « Par la bouche de Zinoviev et de Trotski, le Comité central s'empressa de qualifier l'insurrection des marins de tentative contre-révolutionnaire, fomentée de l'étranger par les « gardes blancs» et conduite par les anciens officiers impériaux» (p. 251). Au lendemain de la défaite de la Commune de Cronstadt, écrasée par les soldats de Toukhatchevski aux ordres de Trotski, le xe congrès du Parti ouvrit la voie vers le parti monolithique, Lénjne déclarant dès le deuxième jour des travaux : « Plus d'opposition désormais, camarades ! Et, à mon avis, il faudra que le congrès en arrive à la conclusion qu'il est temps de mettre fin à l'opposition, de tirer le rideau sur elle ; nous en avons assez de l'opposition» (p. 261). De rideau en rideau, le pays finit par se trouver tout entier derrière un rideau. L'alternative devant laquelle Lénine à l'époque fut placée est ainsi formulée avec clarté par M. Schapiro : « 11 lui fallait soit reconnaître son échec auprès de la majorité, adoucir la politique qui lui avait servi à assurer le monopole du pouvoir politique et se résigner par conséquent à perdre ce monopole, soit le conserver à tout prix et se rendre en même temps la tâche plus facile en supprimantquelques-unesdescauseséconomiques du mécontentement populaire au prix d'un sacrifice en matière de doctrine communiste. Il choisit la seconde solution ... » (p. 294). C'était le premier grand« tournant» soviétique. Depuis lors le Kremlin s'est trouvé à maintes reprises devant une alternative analogue ; son choix fut toujours le même. On ne peut regretter que la disproportion entre les qualités de l'ouvr~ge et le peu d'échos et de commentaires qu'il a suscités jusqu'à maintenant dans les pays libres. BRANKO LAZITCH Le populisme russe JAMES H. BILLINGTON: Mikhailovsky and Russian Populism. · Londres, University Press, 1958. LES OCCIDENTAUqXui s'intéressent à l'histoire du marxisme russe ont quelque idée du mouvement politique de gauche connu sous le nom de populisme. Le populisme ( narodnitchestvo), précurseur immédiat du marxisme, représentait l'idéologie de l'intelligentsia russe d'avant-garde. Le père du marxisme russe, G. V. Plékhanov, en mtronisant ce mouvement attaqua violemment les populistes et leur plus célèbre porteparole N. K. Mikhailovski. Avec encore plus de rigueur que Plékhanov, Lénine continua, Biblioteca Gino Bianco 377 suivant un usage marxiste plus tardif, à prendre les populistes pour cibles favorites. En conséquence, le peu que nous connaissions du populisme nous est venu à travers le prisme déformé du marxisme. Néanmoins, comme le fait remarquer le jeune professeur américain James H. Bi11ington dans son étude très intéressante et bien documentée, il est impossible de comprendre la vie politique et culturelle en Russie dans la dernière moitié du x1xe siècle sans avoir un aperçu de ce que représentait le populisQie. M. Billington a réussi à présenter de ce mouvement une étude objective, exempte des « préjugés et caricatures» de Lénine. Cette réussite lui vaudra la reconnaissance de tous ceux qui s'intéressent à l'étude de l'histoire culturelle de la Russie. C'est au début du x1xe siècle que le populisme s'élabore dans la pensée russe. Récemment, le professeur italien Franco Venturi, dans son important ouvrage sur l'histoire politique du socialisme en Russie*, le fait remonter aux idées d'Herzen et d'Ogarev. Le populisme, dans son essence, peut être défini comme un slavophilisme de gauche. 11 repose sur l'idée fondamentale que la Russie était capable d'échapper à l'industrialisation capitaliste de l'Occident et, en raison même de la persistance en Russie d'une structure sociale primitive, la commune rurale, qu'elle pouvait devancer et même guider l'Europe .dans la voie menant inévitablement au socialisme. Herzen, le brillant idéologue du populisme, admettait explicitement que cette thé·orie était une transposition économico-sociale, à des fins révolutionnaires, des vues messianiques des slavophiles sur l'effondrement immédiat de l'Europe librepenseuse et sur la future grandeur de la Russie orthodoxe. Néanmoins, tout comme les slavophiles, les populistes ressentaient vivement l'infériorité culturelle de la Russie au regard de l'Europe, tout en se croyant capables de faire face aux problèmes posés par l'évolution économique. M. Bi11ington n'a traité cette première phase du populisme que superficiellement et, ce faisant, a minimisé l'influence qu'ont eue les idées de Herzen sur les générations suivantes ; mais cela n'altère pas le tableau qu'il dresse du mouvement dans son plein épanouissement des années 1870. En réalité, jusqu'à cette date, le populisme n'était pas une idéologie distincte, mais seulement un aspect du mouvement général des idées à l'époque. De grands esprits comme Tchernichevski, Dobrolioubov et Pisarev étaient, en ce qui concerne le paysan russe et la commune rurale, beaucoup moins optimistes que Herzen. Sans toutefois rejeter ouvertement les idées de ce dernier, ils laissèrent dans l'ombre leur aspect messianique en insistant sur la nécessité pour la Russie d'acquérir les connaissances scientifiques et techniques de l'Occident. • Il popu/innorwso, 2 vol., Turin, 1952. •
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