320 problèmes * que soulève cette opposition, volontairement simplifiée (rapports des régimes de parti monopolistique, fasciste et communiste, régimes constitutionnels. ou semi-constitutionnels . sans compétition organisée de partis. ou avec· .un parti semi-monopolistique). -·Nous considér'erons d'une part les régimes constitutionnels-pluralistes, d'autre part le régime -communiste, jusqu'à présent l'exemple le plus parfait de régime de parti monopolistique, et nous nous demanderons quelles sont les causes de corruption de l'un et de l'autre. Une première question se pose à propos des régimes constitutionnels-pluralistes. Sont-ils corrompus par les répercussions inévitables de la croissance économique ? Quelles transformations subissent-ils du fait de cette croissance ? . . . ' ·Reportons-nous· au cas le plus clair,· celui de la Grande-Bretagne, où l'évolution constitutionnelle n'a été rompue par aucune révolution depuis la fin du XVIIe siècle. Le régime a changé en même temps que l'infrastructure sociale. Le suffrage universel a succédé au suffrage censitaire, les partis de masses ont· pris la place des groupes parlementaires ou des clientèles, la Chambre des Lords subsiste mais avec des prérogatives strictement limitées, la Chambre des Communes, directement issue du suffrage universel, détient aujourd'hui une prépondérance qui n'est même .plus contestée. · Ce devenir nous paraît, dans ses grandes lignes, :typique. Il . peut être résumé, abstraitement, par la formule : du parlement aristocratique au parlement de partis. Certes, le parlement n'a pas été partout aussi aristocratique à ses origines qu'en .Grande-Bretagne. Il y a une tradition parlementaire d'origine bourgeoise sur le continent (et -pas seulement dans les fonctions judiciaires). ,Quelles que soient les variations de pays à pays, la tendance. est vers le suffrage universel, vers la :prépondérance de l'assemblée directement issue du suffrage populaire, vers l'organisation de partis, -vers un personnel politique issu de toutes les classes de la nation et ·non pas seulement d'une ·minorité privilégiée. La « démocratisation » des régimes .cori.stitu- :tionnels-pluralistes est, de multiples manières, :favorisée sinon. déterminée par la croissance économique. L'urbanisation ronge les hiérarchies traditionnelles, elle enlève leurs fidèles aux aristocraties du passé d'essence militaire, enracinées •dans les campagnes. Les travailleurs des usines · vivant dans: les faubourgs ·n'ont pas de cadre .naturel, ils choisissent des • hommes politiques e pour représentants, des meneurs de masses pour ··porte-parole. L'assemblée élue s'ouvre· fatalement à ces ·interprètes des non"'."privilégiés. •· Quelques-uns sont abordés dans le cours fait en Sorbonne : pendant l'hiver :t957-58 et publié au Centre de Documentation universitaire (Paris, place de la Sorbonne) sous le titre : Sociologie des sociétés industrielles.· ]jsquisse d'une théorie des régimes politiques. . · . . Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Nous nous refusons à considérer cette démocratisation comme une corruption. Le régime constitutionnel-pluraliste de style et de recrutement -aristocratique est corrompu par l'accroissement de la richesse, l'élévation du niveau de vie, la volonté des. travailleurs et des petits-bourgeois de participer à la vie publique. Une espèce de régime constitutionnel-pluraliste est corrompue par la démocratisation, mais l'on passe d'une espèce à une autre sans solution de continuité et l'espèce populaire n'est pas en tant que telle inférieure à l'espèce aristocratique ou grandebourgeoise. En revanche, quelle que soit l'espèce, le régune .est menacé de corruption sur le plan strictement politique (encore que des phénomènes économiques et sociaux rendent cette corruption plus ou moins probable). 11 suffit, pour apercevoir les risques intrinsèques de corruption, de comprendre l'essence d'un tel régime : celui-ci organise la concurrence entre les groupes ou partis pour l'exercice du pouvoir, il a pour objet de faire sortir une volonté commune du choc des opinions, une décision impérative pour tous de la rivalité des intérêts et des idéologies. Le principe de la démocratie moderne (le terme étant pris au sens que lui donne Montesquieu dans l'Esprit des Lois) est l'esprit de compromis. Les régimes constitutionnels-pluralistes se corrompent par excès ou insuffisance d'esprit de compromis, .d'ordinaire par un mélange d'excès et d'insuffi- .sance,celui-làsuscitant,par contrecoup,celle-ci. _ Les gouvernants d'un régime constitutionnelpluraliste doivent tenir compte des intérêts de .tous, producteurs et consommateurs, paysans ·et ouvriers, producteurs et rentiers. Dans nos sociétés industrielles, il n'y a guère de décisions des pouvoirs publics qui, directement ou indirectement, n'influe sur la répartition des ressources ·collectives entre les divers emplois, sur la répartition des revenus entre les catégories sociales. Les gouvernants, qu'ils appartiennent à un parti ou à plusieurs, sont conciliateurs ou arbitres. Entre eux ou avec les représentants des intéressés, .ils procèdent aux «marchandages », aux « cotes mal taill~es » ou aux « partages équitables », (selon les cas ou selon l'humeur du témoin) qui appartiennent à l'essence du gouvernement dans les sociétés hétérogènes de notre temps. Mais encore faut-il que le public n'ait pas le sentiment que les compromis entre intérêts se font aux dépens de la collectivité tout entière. Encore faut-il que dans les matières où la demimesure est, en tout état de cause, la pire solution, la concurrence des partis permette de dégager une volont,é. Quand cette volonté n'apparaît pas · et que la collectivité glisse d'échec en échec, , alors le régime semble condamné aux yeux des citoyens eux-mêmes et les «activistes», à droite et à gauche, cherchent une issue hors du « système ». Que le nombre des révolutionn~es, qui, désespérant du système, se refusent désormais à jouer le' jeu, augmente et _lesfidèles du régime
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