QUELQUES LIVRES dans les recueils ultérieurs, car les mêmes procédés de truquage ont été utilisés dans la mise au point de ces derniers. Cependant, l'intérêt du livre de J asny ne se limite pas à cela. Il ne suffit pas de le consulter en tant qu'ouvrage de référence, on doit le lire d'abord d'un bout à l'autre. Tout comme ses études antérieures sur le revenu national, sur le système des prix, sur les biens d'équipement et sur l'agriculture soviétiques - qu'il faudrait, enfin, rendre accessibles au public de langue française, plutôt que de les laisser piller par des auteurs désireux de « redécouvrir l'Amérique » - The Soviet 1956 Statistical Handbook éclaircit d'une manière originale de nombreux problèmes que d'autres spécialistes qualifiés n'ont pas réussi à résoudre. Certains passages, tels notamment ceux qui traitent des problèmes démogra- . phiques, de la main-d' œuvre kolkhozienne, du chômage saisonnier, de la campagne pour l'extension de la culture du maïs, de la mise en valeur des terres vierges et en friche, de l'évolution des salaires réels, etc., dépassent de loin le domaine de la statistique proprement dite, sans enfreindre en quoi que ce soit les règles rigoureuses de cette discipline. Une fois de plus, l'auteur se révèle non seulement comme un grand statisticien, mais encore comme un économiste hors pair et comme le meilleur connaisseur des problèmes agraires de la Russie. PAULBARTON CHARLES BOUVIER : La Collectivisationde l'agriculture. URSS, Chine et démocratiespopulaires. Paris, Librairie Armand Colin, Cahiers de la Fondation nationale des Sciences politiques, n° 91, 19.58, 246 pp. LE LIVRE de M. Charles Bouvier ne se prête pas à un véritable compte rendu, car il touche à un grand nombre de pays sur lesquels les sources d'information sont difficilement accessibles, et l'auteur s'abstient dans la plupart des cas d'indiquer ses références. On ne peut pourtant pas entreprendre un travail de détective pour être à même de juger si les sources ont été consultées comme il se doit, si donc les nombreuses affirmations et hypothèses de l'auteur sont fondées ou non. Dans ces conditions, une seule observation doit suffire : sans rien se dissimuler du caractère terroriste de la collectivisation entreprise dans le monde soviétique, M. Bouvier n'hésite pas à lui coller l'étiquette « socialiste » - ce qui fait apparaître sous un jour singulier ses capacités de réflexion théorique - et à envisager sérieusement le kolkhoze comme le point de départ d'une « nouvelle civilisation rurale ». Il écrit : Il serait vain d'établir si c'est le dépérissement de la propriété privée ou l'introduction du machinisme qui porte le coup le plus décisif à la civilisation paysanne traditionnelle. Et il serait aussi vain et hasardeux de pr~uger si c'est le machinisme ou les activités cultuBiblioteca Gino Bianco 373 relies des kolkhozes, ou encore la rémunération et l'organisation du travail agricole, proche du salariat mais exempte de certains de ses inconvénients humains, qui offrent les perspectives les plus riches au développement d'une nouvelle civilisation rurale. Quoi qu'il en soit, une ferme collective constitue un des cadres de ce qu'on appelle en URSS et dans les démocraties populaires « la révolution culturelle ». Celle-ci ne semble pas être strictement parallèle aux résultats économiques de la collectivisation. Pareilles énormités s'accumulent dans tous les passages où M. Bouvier essaie de formuler une théorie générale. Pour ne pas infliger au lecteur du compte rendu les mêmes épreuves que celles auxquelles l'auteur a exposé le lecteur du livre, arrêtons-nous à la citation de trois phrases, empruntées à la conclusion : Fonder un pronostic sur l'avenir de la collectivisation d'après l'état actuel des choses serait attacher une importance injustifiée à ce qui n'est qu'une étape; l'agriculture collective est encore une œuvre inachevée, en plein devenir et susceptible à plusieurs égards d'être modifiée. S'attacher uniquement au principe même de l'exploitation en commun serait oublier que la collectivisation n'est qu'une des réformes faisant partie de la transformation socialiste, qu'elle n'est qu'un des problèmes auxquels s'attaquent les pays sous-développés. Ce n'est que dans une confrontation du principe, tellement riche en promesses, et du bilan de 25 années, ambigu dans son ensemble et décevant à certains égards, que l'on peut espérer découvrir les perspectives de l'avenir. Une fois de plus, c'est le cas de dire : tout commentaire serait superflu. Mais la question se pose : la Fondation nationale des Sciences politiques est-elle dans son rôle en patronnant et en subventionnant des publications de ce genre ? P. B. Philosophes et économistes ROBERT L. HEILBRONER : Les grands penseurs de la Révolution économique. Paris, La Colombe, 1957, 300 pp. M. HEILBRONER, économiste et journaliste américain, a voulu rendre accessibles à l'homme moyen quelques-uns des thèmes développés par de grands économistes des temps modernes. Ces savants ont en général une réputation d'écrivains abscons et rébarbatifs. Aussi l'auteur n'a-t-il pas ménagé sa peine pour les rendre attrayants. Il mélange les exposés théoriques, présentés avec une grande habileté pédagogique et un sens robuste du concret, avec des anecdotes situant les idées dans le contexte historique qu'il suppose, non sans raison, être connu du lecteur. L'ensemble est plaisant et se laisse lire aisément ; il serait vain cependant d'y chercher autre chose qu'une description vivante mais assez superficielle des doctrines économiques. Il ne s'agit pas là d'un ouvrage scientifique, mais d'une sorte de manuel
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