Le Contrat Social - anno II - n. 6 - novembre 1958

L'expérience communiste· LES RAPPORTS DE TRAVAIL· EN U.R.S.S. • par Paul Bar~on ES MÉTHODES soviétiques pour résoudre le problème de la niain-d' œuvre sont souvent _ jugées moralement condamnables, mais extraordinairement efficaces. Pour d'aucuns, le second aspect prime même le premier ; et ils recommandent en Occident d'adopter, afin de l'emporter dans la lutte pour la liberté, des procédés analogues, en particulier de mettre les syndicats hors d'état de nuire. 1 Il s'agit de s'entendre sur les termes. Si, relativement à la politique et à la législation du travail, on entend par efficacité le maintien de l'ouvrier en état d'indigence et de soumission, la réussite soviétique ne fait pas de doute. Mais lorsqu'on songe à la fonction fondamentale du droit ouvrier et de la politique sociale : l'aménagement des rapports de travail pour éliminer du processus de production les bouleversements causés par le hasard et l'arbitraire, et pour lui assurer ainsi un déroulement bien ordonné, la méthode soviétique s'avère alors contraire à toute efficacité. Par son souci unilatéral de faire œuvrer les hommes aux moindres frais, elle aboutit à désorganiser les rapports de travail et, du même coup, à semer le chaos dans l'industrie. Le chaos LESEFFETSnuisibles d'une telle politique sur les relations industrielles apparaissent d~autant plus clairement que le coût de la main-d'œuvre est davantage en jeu. On peut donc les étudier à propos des salaires. Comme on sait, la détermination de ceux-ci ne relève pas, én URSS, des 1. Cf. par exemple Peter Wiles : cr Are Trade Unions Necessary ? »., dans Encounter., septembre 1956 ; id. : « What is to be done about the Success of Soviet Industry ? »., dans Congress for Cultural Freedom : The Soviet Economy., Londres, 1956 ; id. : « L'économie soviétique et la politique extérieure », dans L'Économie soiJiétique en 1957, Institut de sociolo~e Solvay, B~elles, 1958. Biblioteca Gino Bianco négociations entre employeur et ouvriers : elle s'effectue par décrets. De plus, cette réglementation autoritaire révèle une forte· tendance à la centralisation. Or, si la fixation des salaires au moyen de conventions collectives a prévalu dans presque tous les pays industriels, c'est que cette méthode seule permet de tenir compte des multiples circonstances qui influent sur la rémunération et de réagir promptement aux changements qu'apporte l'évolution technique et économique. Aussi bien, les procédés adoptés en URSS, tout en permettant de refuser au travailleur un salaire équitable, se révèlent très lourds et peu adaptés aux réalités. Le chaos qui en résulte ressort des quelques faits suivants, puisés aux sources officielles : . Plus de 1.900 barèmes de salaires, dont chacun comprend sept à douze classes tarifaires, sont en vigueur dans l'économie soviétique. 2 Il existe, par exemple, 162 barèmes différents dans 410 usines de constructions mécaniques. 3 Jusqu'au 1er janvier 1956, on comptait dans le bâtiment 320 échelles différentes, 161 taux horaires de base et 34 tarifs de salaire applicables aux terras- .siers, sans parler de nombreux « coefficients rectificatifs » ; environ I 50.000 normes de rendement étaient en vigueur sur les chantiers. 4 On se sert de 140 barèmes dans l'industrie chimique, de 170 dans la métallurgie, de plus de 200 dans la fabrication des matériaux de construction, etc. 5 Dans la plupart des cas, les tarifs d'avant guerre continuent d'être en vigueur bien que, du fait de l'inflation, le niveau de la rémunération ait été porté ,du simple au double dans l'intervalle. Les chefs d'entreprise se tirent d'affaire tantôt 2. Conférence Pétrotchenko, Radio-Moscou, • • 20 Janvier 1957. 3. Troud, 8 juin 1954. 4. Sovietskié profsoiouzy., 1955, n° II. 5. N. Maslova., dans Voprossy lkonomiki, 1955.,n° 8. •

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