332 d'intérêt depuis que le pool charbon-acier, encore appelé plan Schuman ( et dont le vrai nom est Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, ou C.E.C.A.) est entré en vigueur; mais la première partie, véritable exposé des motifs, mérite d'être relue à la lumière des huit années qui ont suivi. En voici l'essentiel : L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée : l'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne. . Dans ce but, le gouvernement français propose de porter immédiatement l'action sur un point limité mais décisif : Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une haute autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe. La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes. La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l'Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. L'établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer, aboutissant à fournir à tous les pays qu'elle rassemblera les éléments fondamentaux de la production industrielle aux mêmes conditions, jettera les fondements réels de leur unification écono- • nuque. Cette production sera offerte à l'ensemble du monde sans distinction ni exclusion, pour contribuer au relèvement du niveau de vie et au progrès des œuvres de paix. L'Europe pourra, avec des moyens accrus, poursuivre la réalisation de l'une de ses tâches essentielles : le développement du continent africain. . Ainsi sera réalisée simplement et rapidement la fusion d'intérêts indispensable à l'établissement d'une communauté économique et introduit le ferment d'une communauté plus large et plus profonde entre des pays longtemps opposés par des divisions sanglantes. Par la mise en commun de productions de base et l'institution d'une haute autorité nouvelle, dont les décisions lieront la France, l'Allemagne et les pays qui y adhéreront, cette proposition réalisera les prenzières assises concrètes d'une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix. Tout est remarquable dans ce texte : l'idée que la pierre de touche de l'union européenne est la réconciliation franco-allemande, la «pré-vision» d'un marché commun généralisé, les perspeètives eurafricaines - enfin et surtout la volonté politique clairement affirmée. On a fait aux promoteurs de la C.E.C.A. des procès d'intention; on leur a en particulier reproché de vouloir bâtir l'Europe autour du charbon et de l'acier - comme si l'Europe n'était pas, d'abord,· un trésor de valeurs intellectuelles:, morales, etc. Mais à quoi servirait Biblioteca Gino Bianco LB CONTRAT SOCIAL de jouer les Graeculi du xxe siècle ? Un mjnjm11m (important) de puissance matérielle, surtout en notre âge dit économique, est indispensable à toute affirmation spirituelle. D'autre part, Robert Schuman et Jean Monnet affirmaient nettement que leur but était de créer une Fédération européenne. Le charbon et l'acier sont des leviers, non des buts. Si l'entreprise qui, l'année suivante, allait être fondée à Luxembourg comportait des risques de type technocratique, ils étaient imputables d'abord à ceux qui avaient rogné bec et ongles au Conseil de Strasbourg. Au demeurant, il suffit d'aller faire un tour à la Haute Autorité pour constater que les fonctionnaires interna"." tionaux qui, là-bas, se battent avec les tonnes de ferraille, les taux d'extraction, les ruptures de charge et les statistiques sont essentiellement des militants européens. Il ne s'agit plus là de « révolution fédéraliste», mais d'une méthode prudente d'approche par secteur, volontairement limitée, très exactement de ce que les Britanniques préconisaient à La Haye. ·Pourtant les Six 9 ne comprennent pas la Grande-Bretagne. C'est que le pool -groupe des institutions communes, instruments d'une discipline librement co~sentie : une Assemblée commune, un Conseil des ministres, un Comité consultatif, une Cour de Justice (dont l'importance symbolique est capitale, puisque par elle s'élabore un Droit européen), et last but not least une Haute Autorité, novation qu'on ne saurait sous-estimer. Cette Haute Autorité, formée de neuf membres qui deviennent entièrement et . , . . . umquement « europeens », est une mstttutton supra-nationale : elle prend des mesures directement exécutoires par les entreprises, sans passer-~ par l'intermédiaire des gouvernements • nationaux. Absente de· Luxembourg, la Grande-Bretagne n'en a pas moins signé avec la C.E. C.A. un traité d'association. Car la Haute Autorité est un véritable État « fonctionnel » auprès duquel une douzaine d'autres États sont représentés par des missio11-sdiplomatiques. La Communauté Charbon-Acier fonctionne maintenant depuis cinq ans. Les sceptiques pensaient qu'elle ne verrait jamais le jour ; les trembleurs en auguraient d'effroyables convulsions économiques. Aujourd'hui, ses pires adversaires de 1950 dans les milieux industriels intéressés seraient les premiers à protester si elle était dissoute. Quant aux syndicalistes, ils ne sont nullement insensibles à l'effort social (harmonisati6n des salaires par le haut, construction de logements ouvriers, réadaptation de la maind' œuvre reconvertie, etc.) poursuivi, par la Haute Autorité dès que ses ressources le lui ont permis. L'expérience est positive et concluante. Elle 9. Belgique - France - Italie - Luxembourg - Pays-Bas - République fédérale d'Allemagne.
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