QUELQUES REVUES provoqu~ par des circonstances extérieures au développement de l'économie proprement dite : certaines transformations du capitalisme d'après-guerre paraissent en effet de caractère irréversible quelle que soit leur origine. On notera non seulement le rôle croissant de l'intervention de l'État dans l'économie et sa part prépondérante dang les investissements qui ne font qu'accentuer des tendances classiques, mai~ aussi les méthodes d'auto-financement qui permettent aux grandes entreprises d'échapper de plus en plus aux fluctuations du marché des valeurs, et enfin l'avènement des institutions économiques supra-nationales. S'il demeure imprudent de prophétiser, on peut constater que le caractère irrémédiablement c anarchique , attribué au développement de l'économie capitaliste a cessé présentement de correspondre à un fait. La Nouvelle Réforme N° 3, mai 1958 : « Le problème historique », par Rudolf Hilferding (traduit de l'allemand par Jean Gourdin)-!. CB TEXTE important peut être considéré comme le testament philosophique du célèbre auteur du Capital financier, l'un des principaux représentants de l'école marxiste autrichienne, disparu en France en 1941 après son arrestation par la Gestapo. Il s'agit apparemment d'une révision complète de ce qu'il est convenu d'appeler c matérialisme historique ». Hilferding estimait, en effet, que « le pouvoir est déterminant. Ce n'est pas l'économie qui détermine le contenu, le but et les résultats du pouvoir ; l'issue de l'action provoquée par le pouvoir déterminè l'économie » (p. 339). Cepeodant Hilferding pensait demeurer fidèle à la pensée de Marx convenablement interprétée à partir de la notion fondamentale du « rapport de production » : • Le rapport de production reste en même temps un rapport de droit, chaque structure économique est un rapport déterminé de propriété, donc un rapport de droit immanent. Mais un rapport de droit est toujours un rapport de puissance, donc politique.» (p. 347). Dans ces conditions, ce sont les conceptions d'Engels sur le rôle de l'État qu'il faut réviser au minimum : c Il est faux de ne pas tenir compte de la propre puissance de l'État et de ne le considérer que comme le simple organisme exécutif ·d'une catégorie sociale » (p. 349). Il s'ensuit, et c'est la thèse fondamentale d'Hilferding dans son application aux problèmes de notre temps, qu'à partir d'un certain moment historique caractérisé par l'avènement de l'État totalitaire, les données du problème traditionnellement considérées par les marxistes se trouvent entièrement renversées : « Seule la volonté de l'État détermine son comportement envers l'économie soumise et non l'inverse» (p. 342). Cependant, comme en convient Hilferding, la volonté de l'Etat continue à se heurter à des limitations de fait. La notion d'une révolte des forces productives contre la volonté des dirigeants paraît donc conserver un sens par rapport à l'État totalitaire qui a supprimé juridiquement l'autonomie de la sphère économique ,ans parvenir à la supprimer réellement. - c Karl Marx et l'Amérique», par Earl Browder (fin). Nous avions signalé dans le précédent numéro du Contrat social le début de cette étude correspondant à un cycle de quatre conférences. L'ancien dirigeant du parti communiste des États-Unis distingu dans les testes de Marx la théorie du salaire-subsistance d'insBiblioteca Gino Bianco 315 piration ricardienne et ce qu'il appelle la théorie du salaire social : selon la première conception, la valeur de la force de travail serait déterminée comme celle de toutes les autres marchandises, tandis que la seconde conception admet l'intervention d' « un élément historique et moral», selon les propres termes de Marx. Le texte le plus caractéristique est celui de l'adresse de Marx au Conseil général de l'Association Internationale des Travailleurs en 1865 : « ••• la valeur du travail elle-même est une grandeur non pas fixe, mais variable, même si l'on suppose que la valeur de toutes les autres marchandises demeure constante». Il s'ensuit que le salaire-subsistance représente la limite au-dessous de laquelle le salaire ne peut descendre et non la norme autour de laquelle il devrait osciller sans pouvoir s'en affranchir. Dans la dernière conférence, Earl Browder s'efforce de réfuter la conception dite (à Moscou) de la c paupérisation absolue et relative » selon laquelle bien que les salaires réels puissent augmenter, ils ne peuvent jamais augmenter proportionnellement aux forces productives. Dans ces conditions, il y aurait au moins « paupérisation relative » puisque le travailleur recevrait une moindre part du produit social et en admettant que cette part soit constamment décroissante, il y aurait « paupérisation absolue ». Se fondant sur des statistiques précédemment invoquées par John Strachey, Browder montre que dans les cent dernières années, en Angleterre comme en Amérique, l'augmentation des salaires a été proportionnelle à celle de la productivité générale. Dans ces conditions il n'y a ni paupérisation relative, ni paupérisation absolue. On observe toutefois avec John Strachey que si la proportion est demeurée constante, elle ne s'est pas élevée. La question se pose donc encore de savoir s'il n'y a pas de ce côté une limite fixe valable pour l'économie capitaliste ou pour tout système économique en général. Socialisme ou barbarie N° 24, mai-juin 1958 : « La lutte des classes en Chine bureaucratique », par Pierre Brune. IL CONVIBNT de signaler cette importante étude qui n'occupe pas moins de soixante-huit pages de la revue. L'auteur, qui puise la plus grande partie de sa documentation directement aux sources chinoises, comme l'attestent ses références, est vraisemblablement un sinologue de profession qui n'a pas de peine à se gausser des pauvretés colportées par des pélerins trop connus. Il s'agit encore, ce qui est plus rare, d'un sinologue qui joint à sa compétence professionnelle une formation économique et sociologique marxiste, ce qui lui permet de retourner contre des dialecticiens prétendus les armes dont ils voudraient se prévaloir : le concept de « capitalisme bureaucratique » qui signale sa non-orthodoxie (au sens de Moscou et de Pékin) est son principal instrument d'analyse. On peut estimer qu'il amorce, en administrant les preuves de l'exploitation et de l'anarchie bureaucratiques, un travail comparable à celui que Lucien Laurat avait autrefois mené à bien pour « l'économie soviétique ». Fort curieuses et instructives sont également ses considérations sur la formation hétérogène de la nouvelle bureaucratie chinoise qui a pu absorber une partie de l'ancienne bourgeoisie : le Parti est le ciment de ce qui est communément appelé la « pagode aux dix-huit étages . On appréciera aussi l'adaptation de la vieille s phistiqu chinoise à la • dialectique », ave la distin tion d , • ontradi tions contradictoires • et d s « contradictions non-contradictoir s • du au génie philosophique de Mao Tsé-
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