314 tradition» (p. 33). Le second est un compagnon de cette .après-guerre, car « deux mille compagnons du Devoir font annuellement leur Tour de France en amalgamant les techniques les plus modernes de leur profession avec la morale humwie du Devoir » (ibid.). La cayenne des compagnons charpentiers de La Villette, « qui n'a pas changé d'adresse depuis plus de cent quarante ans » (p. 166), forme toujours aux dures disciplines du métier, et c'est là que l'on vint chercher aussi bien en 1951 du Vénézuela le maître charpentier qui « mit au levage » les cintres qui devaient porter de vertigineux viaducs su~ la route de Caracas que les compagnons qut ont restauré à Versailles !'Opéra de Gabriel (p. 171). « Cent familles ouvrières ... cinq cents authentiques compagnons éparpillés à travers la France... ont suffi à assurer la pérennité du compagnonnage pendant le temps des « masses »••• A partir de 1944, ils ont commencé l'adaptation moderne de la plus noble des institutions du • LE CONTRAT SOCIAL travail que le monde ait sans doute jamais possédées » (p. 33). . . Quel démenti apporte aux pauvres philosoph!es qui dénient tout rôle dans l'évolution des sociétés à la volonté et au cœur des hommes, le succès restreint, mais incontestable, de ces quelques compagnons qui surent maintenir, pw~ faire revivre une institution dont on assurait que l'effacement était conforme aux lois de l'histoire •.• * CLAUDE HARMEL • Deux ouvrages récents contiennent sur le compagnonnage d'utiles et imposantes bibliographies. Cc sont Compagnonnage, par les Compagnons du Tour de Fr~cc, p~és~n~és par Raoul Dautry, Paris, Pion, 1951, 448 pp. (1 « Essai ~1bliographique sur les compagnonnages de tous les devoirs du Tour de France et associations ouvrières à forme initiatique • est de Roger Lecotté, bibliothécaire à la Bibliothéque Nationale) ; et l'ouvrage que l'abbé Jean Briquet, fils d'un compagnon charpentier du Devoir - « Limousin, l'Ami du Trait» - a consacré à .A.gricol Perdiguier, compagnon du Tour de France et reprlsentant du peuple, 1805-187S, Pari1, Librairie Marcel Rivière, 1955, 468 pp. (h!elques revues Les Temps modernes N° 147-148, mai-juin 1958 : « Les Juifs et la question nationale », par Hyman Lévy. MALGRÉ l'immensité de sa bonne volonté, le professeur Hyman Lévy, un des piliers intellectuels du petit parti communiste britannique, n'a pu s'empêcher de remarquer, au cours d'un voyage en URSS, que les Juifs étaient l'objet d'un traitement apparemment contradictoire : d'une part, la nationalité juive est mentionnée sur les diverses pièces officielles, ce qui permet d'éventuelles discriminations politiques ou universitaires, mais d'autre part, la personnalité culturelle reconnue aux autres nationalités soviétiques est refusée aux Juifs qui n'ont plus de presse, de littérature et de théâtre qui leur soient propres, leurs principaux représentants culturels étant pour plus de simplicité encore portés disparus. Se satisfaisant d'une explication assez « idéaliste », le professeur H. Lévy estime qu'il doit s'agir d'une erreur de dialectique : constatant l'échec de la politique de concentration des Juifs au Birobidjan, les autorités soviétiques se seraient rejetées mécaniquement vers une politique d'« intégration ». Mais l'erreur de dialectique n'expliquerait qu'une moitié des données du problème puisque les Juifs continuent à faire l'objet de mesures de discrimination. La formule de l' « intégration discriminative » paraît au contraire très « dialectique », au moins dans le sens où l'entendent les nouveaux messieurs du Kremlin. Telle est sans doute la raison pour laquelle, après avoir été exclu du Parti, le professeur H. Lévy est véhémentement condamné par R. Palme Dutt, vice-président du Parti dont les Temps modernes, fidèles à leur belle impartialité, recueillent la sentence. Ainsi se clôt l'« affaire Lévy», belle illustration de la candeur d'un certain révolutionarisme universitaire. Critique N° 133, juin 1958 : « Du krach à la récession », par Jean Piel. LE TERME «récession» s'est introduit dans le vocabulaire économique occidental pour désigner les faibles Biblioteca Gino Bianco dépressions économiques de l'après-guerre (1949, 1953-4, 1957-8), phénomènes de moindre intensité, de moindre durée, de moindre extension et surtout de moindre soudaineté que ceux qui caractérisaient les grandes o: crises , cycliques d'avant guerre. Aucun phénomène comparable à la grande crise de 1929-33 ne s'est manifesté dans le développement du capitalisme mondial d'après guerre, bien que les économistes soviétiques n'aient cessé d'en prophétiser le retour. 11 serait sans doute également imprudent d'exclure ce retour, mais il convient d'examiner les phénomènes caractéristiques de l'après-guerre qui peuvent expliquer la substitution des faibles « récessions » aux grandes « crises » dont l'apparition était signalée par le phénomène brutal du « krach » financier ou boursier. Deux hypothèses peuvent se présenter que l'auteur ne sépare pas d'une manière abrupte, mais que son argumentation permet de distinguer. Il est bien connu qu'une économie de guerre est incompatible avec l'apparition d'une « crise» au sens classique du mot puisque la crise est toujours un phénomène de défia- . tion, tandis que l'économie de guerre développe une tendance inflationiste. On pourrait soutenir qu'en un certain sens, l'économie capitaliste occidentale n'a pas cessé d'être une économie de guerre, dans les conditions de la guerre « froide , compliquée par des escarmouches chaudes comme celle de Corée. Un raisonnement assez schématique et assez simpliste conduirait à penser qu'une véritable c détente » dans les rapports internationaux amènerait inévitablement le retour de la grande crise classique. Il n'est pas exclu qu'un calcul de· ce genre ait été à l'origine du souci des dirigeants , soviétiques de provoquer apparemment une « détente » de ce genre pour accélérer la fin du capitalisme. Mais on sait maintenant suffisamment ce qu'il en a été de la « détente » et il est vraisemblable que les promoteurs de cette entreprise n'y croyaient guère eux-mêmes puisqu'ils n'ont même pas cherché à sauvegarder les apparences. Sans exclure les données sur lesq-qelles se fonde l'hypothèse précédente, un certain nombre de faits autorise à penser que la substitution des récessions épisodiques aux grandes crises pourrait être autre chose qu'un phénomène temporaire
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