Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

QUELQUES UVRBS hitlérienne. On les a incluses dans cet ouvrage pour faire apparaître le caractère universel de la résistance allemande à Hitler. ·« La colère et la révolte rassemblèrent des gens venus de tous les horizons, et les poussèrent à l'action; leurs consciences outragées finirent par trouver ensemble une issue le 20 juillet 1944. » Mais s'il faut croire que le complot de Juillet - cette conjuration mal conçue qui réunissait des généraux désespérés, des officiers d'état-major et des hommes politiques en retraite - permit à toute cette émotion de se cristalliser, alors le sentiment de résistance chez les Allemands n'avait vraiment rien d'11niversel. On aurait tort, cependant, de juger les trentedeux victimes qui ne furent pas impliquées dans le complot de Juillet par la malencontreuse phrase citée plus haut. Seules quelques-unes d'entre elles furent en fait des résistants actifs. Certaines furent simplement victimes de leur imprudence. Sept furent exécutées pour propos défaitistes, notamment un jeune homme de dix-sept ans coupable d'avoir répété des nouvelles entendues à la radio anglaise. Le commandant d'une compagnie engagée sur le front russe et le conservateur d'un musée berlinois furent mis à mort l'un et l'autre pour une simple réflexion due à la mauvaise humeur, mais qui fut rapportée. Ces gens furent victimes d'une cruauté et d'une tyrannie odieuses, ils n'étaient certainement pas des résistants. Dans neuf autres des cas cités il n'y eut même pas la possibilité de résister. Ou bien les victimes furent assassinées au cours des désordres de 1933, ou bien elles furent arrêtées et mises à mort plus tard dans des camps de concentration, parce qu'au moment où Hitler prit le pouvoir elles appartenaient à des organisations de gauche, ou à des groupements chrétiens, les uns et les autres interdits. Il s'agit là encore de martyrs passifs. Certains furent victimes du hasard. Un acteur se suicida parce qu'il ne pouvait supporter l'idée de devoir se séparer de sa femme, d'origine juive. Une religieuse d'un couvent hollandais périt à Auschwitz parce qu'elle avait révélé qu'elle était d'origine juive. Le chef de la brigade des pompiers berlinois fut assassiné en prison pour en avoir trop dit sur l'origine de l'incendie du Reichstag. Cet ouvrage contient cependant des indications relatives à deux conjurations réelles, distinctes du complot de Juillet : la conjuration de la « Rose blanche », groupant des étudiants de l'université de Munich, et la « Rote Kapelle » • commumste. La u Rose blanche » apparaît dans les biographies que Mme Leber trace du professeur Kurt Huber et de son élève Sophie Scholl, ravissante jeune fille de vingt-et-un ans dont le portrait révèle la beauté quasi enfantine, beauté aussi émouvante que les extraits cités de ses lettres. Mais le martyr de Sophie Scholl et de son frère n'était pas tout. Seize autres f ersonnes furent poursuiviespour avoir distribu les tracts de la Biblioteca Gino Bianco 311 « Rose blanche», qui n'étaient pas aussi apolitiques qu'on a tenté de le faire croire. Ce mouvement réclamant la fin de la guerre coïncida avec la chute de Stalingrad, et, tout en hésitant à l'identifier avec le communisme, je voudrais attirer l'attention sur le rôle primordial - dont on ne parle pas ici - joué dans cette affaire par Alexis Schmorell, Allemand de la Volga, dont la mère était russe et qui avait été élevé en URSS. Au moment où circulaient ces tracts les progrès de la « Rote Kapelle » continuaient à se dérouler. A PROPOS de la « Rote Kapelle » Mme Leber joue à cache-cache avec ses lecteurs. Aucun d'entre eux n'apprendra dans son livre l'existence de cette organisation qui, dans une Allemagne en guerre, travaillait pour Moscou et le communisme. Pourtant elle fonctionna sur une échelle suffisante pour être en mesure, après l'exécution de soixantequinze de ses membres, de continuer à jouer un rôle gênant jusqu'à la fin de la guerre. C'est tout à fait incidemment que Mme Leber mentio~e qu'une femme très courageuse du nom de Mana Terwiel, qui fut exécutée pour avoir distribué le texte des sermons« subversifs» du cardinal Galen et aidé des Juifs à s'enfuir, avait utilisé le« groupe du capitaine Schulze-Boysen ». 11 n'y a pas un mot pour signaler que ce groupe appartenait à la « Rote Kapelle », pas un mot sur Harro SchulzeBoysen, petit-fils de l'amiral Tirpitz, communiste de la haute société berlinoise, qui fut sans doute le plus audacieux des conspirateurs allemands. Assurément Schulze-Boysen méritait une pla~e parmi ces biographies. Certes, on peut souterur que des conspirateurs travaillant e~ temp~ de guerre pour un gouvernement ennerm ne do1ven~ pas être mis dans le même groupe que ceux qw résistèrent à Hitler afin de rendre la liberté politique à l'Allemagne ou afin de conclure une paix honorable. Cependant aucun distinguo de ce genre ne fut observé par von Stauffenberg, le héros du complot de Juillet, ni par le mari de l'auteur, Julius Leber, qui fut arrêté et condamné pour avoir tenté, avec une folle imprudence, d'établir un contact, pour le compte de von Stauffenberg, avec l' « organisation communiste clandestine », qui était surveillée de très près. En excluant les militants de la « Rote Kapelle » de son martyrologe et en opérant une bizarre sélection parmi les membres de la conjuration de von Stauffenberg, l'auteur impose un certain conformisme politique aux « consciences révoltées » qu'elle nous décrit. Les communistes en sont exclus, ainsi que les maréchaux, généraux et ministres qui n'eurent pas de remords avant 1943 ou 1944. Au contraire, parmi ceux que le livre inclut, se trouvent au moins dix-huit hommes politiques, journalistes et chefs syndicaux de l'ancienne social-démocratie. Les archives de la Cour du peuple montrent que soixante-seize personnes furent condamnées à mon en liaison

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