Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

QUELQUES LIVRES des besoins des hommes, non plus au profit de quelques-uns ou au service de la volonté de puissance des maîtres. » C'est ainsi que Thierry Ma111nierconclut sa méditation sur la révolution hongroise : écrasés sous les chars soviétiques, les ouvriers de Budapest ·et de Csepel ne sont pas morts en vain s'ils ont fait éclater l'absurdité du sta1inisme et préparé sa destruction. A la condition que leur message soit entendu - et que nous soyons capables de l'utiliser. Car on voit mal encore comment pourra s'effectuer la grande transformation que Thierry Maulnier annonce. De part et d'autre du rideau de fer, il existe encore d'énormes injustices sociales. Quant aux peuples arriérés, leur adaptation à notre société technicienne ne se fera pas sans heurts violents ; au reste, la compétition « pacifique » entre l'Ouest et l'Est n'est pas seulement rivalité économique, elle est au moins autant irréductible antagonisme sur les valeurs essentielles : le sens de la vie, la liberté, l'esprit. Les Hongrois se sont soulevés contre la misère et l'oppression étrangère ; ils se battaient aussi (et peut-être surtout) contre un faux ordre, contre l'inhumanité foncière du bolchévisme. Thierry Maulnier leur reproche avec quelque injustice « l'extrême faiblesse de leur équipement idéologique». C'est reconnaître que si la révolte instinctive ne suffit pas, l'analyse « structurelle » n'est pas moins insuffisante. Le libér~sme est décevant, l' « abondance» peut-être grosse de risques technocratiques. En définitive, nous n'échapperons pas à une révision en profondeur de nos institutions, des principes qui les fondent, des méthodes qui les créent et les soutiennent. L'heure est peut-être venue d'une réflexion métaphysique appliquée à la politique. MÉTAPHYSIQUE ••• C'est le mot par lequel Paul Sérant clôt son ouvrage Où va la Droite ? Ce n'est pas la moindre originalité de son livre, qui va bouleverser bien des idées reçues. La droite ne se caractérise-t-elle pas d'abord par sa réduction de la politique à une pratique quotidienne, où une sorte de micromachiavelisme côtoie la référence verbale à quelques mots-clefs (Famille, Ordre, Patrie - la droite comme la gauche a ses mots à majuscule ...), où l'on se flatte plutôt d'administrer que de gouverner, où l'idéologie - mot abhorré - n'intervient jamais, tout au moins consciemment ? Mais Paul Sérant s'est jusqu'à présent fait connaître par ses préoccupations métaphysiques ; en témoignent son René Guénon qui fait autorité 3 et un essai sur l'ésotérisme, qui marque la place de celui-ci dans le monde contemporain 4 • P. Sérant croit au sérieux de l' existence ; à cc titre, on ne saurait le confondre avec 3. La ColoaJbe ~d., I9S3· • 4- Au 1,aul d, l'b1ot,rim1,, Gra11et ~d., 1955. Biblioteca Gino Bianco 309 les écrivains d'une certaine « jeune droite » dont l'ambition est de « se dégager» en se moquant avec beaucoup de désinvolture des poncifs à la mode et des faux penseurs du progressisme. Il est assez piquant de voir son livre préfacé pal Marcel Aymé, qui explique en trois pages étincelantes pourquoi il n'est pas « de droite» - mais pourquoi il ne veut pas être « de gauche ». A l'origine de l'ouvrage de P. Sérant, il y a peut-être une remarque d'Emmanuel Berl, lequel se refusait un jour à regarder l'auteur et le préfacier d'Où va la Droite? comme hommes de droite. A quoi P. Sérant réplique qu'il n'est de droite que dans la mesure où il se refuse à être de gauche ... On verrait là un signe de mauvaise conscience - sentiment qu'aux dires des gens de gauche .on ne trouve jamais à droite - si la lecture du livre de P. Sérant ne montrait ce dernier très conséquent avec lui-même. 11 commence par passer en revue les diverses droites, en faisant au passage un sort au fascisme, qui est authentiquement de gauche (Ataturk, Mussolini, Doriot). Et il analyse sans complaisance la droite honteuse des « modérés » ( qui ne sont pas, en paroles, « modérément républicains») et le romantisme impuissant des paléo-maurrassiens. C'est qu'il n'est nullement conservateur au sens que La Tour du Pin donnait à ce mot quand il stigmatisait cc ces conservateurs qui ne conservent que le désordre». L'entreprise de P. Sérant consiste au contraire à sortir la droite de son aveuglement, de son pharisaïsme, de ses inhibitions. C'est ce qu'avait tenté ce La Tour du Pin que nous aurions aimé voir cité par P. Sérant. Comme celui-ci, le sociologue d' Arrancy a essayé, dans ses Jalons de route et ses Aphorismes de politique sociale, de donner ou redonner à la pensée de droite le souffle, la largeur d'esprit, l'adaptation au monde moderne qui lui font trop souvent défaut. Il a été étouffé par une bourgeoisie qui ne savait s'évader de ses nostalgies passéistes que pour se rallier à la République parlementaire protectrice de la richesse acquise. Qu'avait-elle à faire avec un écrivain traditionaliste et révolutionnaire, partisan certes d'une monarchie représentative mais également d'un régime social abolissant le prêt à intérêt et réintégrant à une nation communautaire un prolétariat justement révolté ? 11 faut souhaiter que P. Sérant soit mieux entendu que La Tour du Pin dans sa tentative de rénovation et de clarification. Aura-t-il plus de succès que lorsqu'il s'est adressé à la gauche ? Dans son Gardez-vous à gauche 5 , il demandait à l'intelligentsia de gauche de rester fidèle à ellemême, aux valeurs qu'elle fait profession de défendre et notamment de se désolidariser nettement de l'jmryosture communiste. On sait que Budapest â éclairé certains hommes, le temps que les imm ..u. bles flambent, que les mitrail- ----- s. Collection • Libcllea », Fasqucllc ld., 1956.

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