QUELQUES LIVRES Kremlinologie MYRON RUSH : The Rise of Khrushchev, Washington, D. C., Public Affairs Press, 1958, 116 pp. CE PETIT· LIVRE de moins de cent pages sans les appendices et les notes a bénéficié du savoir de dix-huit personnes. L'auteur mentionne Hans Speier et Nathan Leites comme l'ayant « encouragé » après lecture de la rédaction première ; puis Robert Tucker, Léon Gouré, Herbert Dinerstein, Jerzy Gliksman et Raymond Garthoff qui l'aidèrent de « leur connaissance de la politique soviétique » ; puis Herbert Goldhamer qui donna une « critique utile » d'une rédaction ultérieure et Paul Kecskemeti, Alexandre George et Martin Albaum qui firent « des commentaires et des suggestions » profitables ; puis Anne Jonas qui contribua à l'ouvrage par ses « recherches précises et imaginatives » ; puis Arnold Horelick qui indiqua certaines « significations subtiles » de textes soviétiques ; enfin Sibylle Crane, Aline Port, Ian Graham et Rosalie Fonoroff qui firent « d'utiles suggestions » pour la rédaction finale. Qu'est-il résulté de cette multiple coopération réalisée afin d'expliquer« l'ascension de Khrouchtchev» ? M. Myron Rush révèle qu'à la fin de 1955, il u découvrit » une preuve frappante que «Khrouchtchev postulait la succession de Staline». Découverte d'autant plus remarquable que Khrouchtchev tenait déjà depuis 1953 la place de Staline au secrétariat du Parti, sans détenir la même omnipotence. Ce fut l'objet d'une étude écrite pour la Section de Science sociale de la Rand Corporation, restée inédite. M. Rush approfondit ensuite son travail sur les « ambitions » de Khrouchtchev jusqu'en mars 1957 pour conclure, dans une nouvelle étude inédite, « que Khrouchtchev tenterait d'éliminer ses opposants du presidium du Parti ». Autant qu'on sache, il se produisit exactement l'inverse : les adversaires de Khrouchtchev tentèrent de l'évincer, mais l'affaire tourna mal pour eux, le Comité central ~t intervenu en sens contraire. Néanmoins M. Rush ~crivit un nouveau « papier suppléBiblioteca Gino Bianco men taire » pour se donner raison et, une fois de plus, ·pour découvrir les intentions dictatoriales de Khrouchtchev (proclamées en long et en large depuis longtemps par tous les journaux du monde). · Les études successives de M. Rush servirent de base au présent livre. Quand Joukov fut expulsé de la « direction collective », notre auteur y vit une preuve de plus à l'appui de sa thèse (quelle thèse ? ), car selon lui la victoire de Khrouchtchev en juin 1957 sur ses opposants « réduisit le pouvoir des chefs militaires ». Or ce pouvoir, au sens politique, n'existait simplement pas, il a été inventé de toutes pièces à l'étranger par des gens incompétents, il ne pouvait donc être «réduit» : les maréchaux et généraux soviétiques sont aux ordres du Parti comme tous les autres dignitaires du régime, leur autorité ne s'exerçant que dans l'ordre professionnel. Après s'être décerné lui-même plusieurs témoignages de satisfaction dans sa préface, M. Rush aborde ainsi son sujet au fond : « Deux grands mystères enveloppent la carrière de Khrouchtchev depuis la mort de Staline. Ils s'entre-mêlent de telle façon que la solution de l'un implique celle de l'autre. Comment Khrouchtchev a-t-il remporté sa grande victoire sur ses rivaux en juin 1957 ? Pourquoi a-t-il accusé la tyrannie sanglante de Staline le 25 février 1956 dans son discours maintenant fameux, alors qu'une semaine plus tôt il avait lamenté la mort du tyran comme une perte pour le Parti ? » Il commence par le deuxième mystère et affirme que le discours secret n'a pu être décidé de propos délibéré par les « leaders soviétiques » puisqu'il a provoqué confusion et rébellion dans le monde communiste. D'après ce beau raisonnement, l'état-major soviétique serait infaillible et ne saurait commettre une erreur de prévision. Les fâcheux effets du discours secret seraient nécessairement dfts à quelque autre origine, en l'espèce « un incident dramatique dans le déroulement de la crise successorale ». M. Rush devrait pourtant savoir, et ses dixsept conseillers aussi, qu'il n'y a pas d'improvisation ni d'initiative individuelles dans un congrès de l'ex-parti bolchévik tel que Staline a dressé son parti, et ce jusqu'à nouvel ordre. Le noyau
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