Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

revue historique et critique Jes faits et Jes iJées SEPTEMBRE 1958 Vol. II, N° 5 LE RÉFORMATEUR par Yves Lévy DANS les grandes crises politiques, lorsque l'État est livré à la confusion, que les hauts fonctionnaires s'interrogent, et se demandent si le bien commun se confond encore avec l'autorité qui se dissout ou - moins noblement - pèsent les chances des prétendants, lorsque les gouvernants eux-mêmes en viennent à mettre le respect des traditions en balance avec les périls de la nation, les citoyens demandent aux augures la raison du malheur général. Et ceux qui par métier ou par occasion se mêlent de commenter, ne manquent pas de donner l'explication que chacun attend, celle qui est assurée de recueillir une adhésion quasi générale : si le peuple souffre, c'est que les mœurs ont dégénéré. Cette explication, présentée sous vingt, sous cent formes différentes, peut être décelée par l'analyse sous les formules les plus diverses, c'est elle, inlassablement, qui reparaît sous toutes les plumes. Cela fut dit et répété en 1940, cela se dit et se répète aujourd'hui. Écoutons un professeur de droit : « Il faut dénoncer une défaillance de la nation qui dans son ensemble néglige la politique (...) Les principaux responsables de la dégradation de la fonction parlementaire ne sont pas les parlementaires en exercice, ce sont les gens de valeur qui depuis la première guerre mondiale ont déserté la politique». Celui-là dit son fait à la nation. Cet autre met en cause les parlementaires et les partis : u La Constitution et les lois, écrit-il, ne sont que des cadres définissantles règles du jeu: elles ne peuvent m:>difier Biblioteca Gino Bianco • la disposition des joueurs ni leur façon de jouer.» 1 Un de nos observateurs politiques les plus autorisés, qui mainte fois, ces dernières années, a gémi sur les mœurs parlementaires, prononce : « Pour renaître, il faudrait que les partis actuels acceptassent de mourir à eux-mêmes». Le grand journal qui publie ces opinions - mais on en trouverait d'analogues dans tous les journaux, dans tous les partis 2 - cite un passage où Bernanos attribue la dégradation politique à « la défaillance des esprits et des cœurs ». Bernanos, il est vrai, n'était pas un juriste. C'était un poète, c'était un prophète. Et précisément, il ne fait ici que répéter les Prophètes. Que dit Isaïe, dès ses premiers mots ? « Nation pécheresse, peuple chargé d'iniquités, race de malfaiteurs, enfants dégénérés ! (...) Vous serez dévorés par le glaive». Que dit l'Éternel à Jérémie ? « Je ferai valoir mes griefs contre 1. Dans un livre récemment paru ce même professeur de droit, spécialiste de la science politique, nomme le principal coupable du « meurtre de la République •· Des jugements de ce genre, on le sent, ne requièrent pas de longues réflexions scientifiques. Un orateur de meeting, le premier journaliste venu en diront autant avec plus d'excuses. 2. Et chez d'autres professeurs de droit. Voir par exemple, dans le grand Traie, d, science politique que vient d'achever le professeur Bur<ieau, l'explication de la naissance d s régimes autoritaires (tome IV, pp. 372 sq.). L'analyse politique est inexistante. En revanche, on lit une longu analyse psychologique fondée sur les • défaillanc s • ou • déficiences du caractère •·

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