Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

--288 - 2. Le contrat de travail se vide de so:i contenu, la détermination des conditions d'emploi devenant affaire de réglementation autoritaire. · En outre, il se décompose à mesure qu'on lui ajoute des éléments étrangers : le salarié e~t rendu ~esp~nsable du résultat de son travail, dont il· n est pas le maître, et doit même partager le risque de l'entreprise. Au contrat ainsi désintégré, qui d'évidence ne peut pas régir les rapports. de travail, se substituent des moyens de contramte, pour la plupart empruntés aux diverses structures juridiques du passé. 3. Le droit des rapports collectifs_ de trava}l (droit de coalition, conventions collectlves, rel?resentation des intérêts du personnel à l'usme, conciliation et arbitrage des conflits collectifs) fait place à l'étatisme et au ~orporati~me. Les institutions et procédés du droit collectif du trav~il sont en partie éliminés (grève, règlement des conflits collectifs), en partie changent d~ nature (syndicats, comités d'entreprise, COJ:?-Ve~tlons_collectives) à mesure que sont supprJ?Ies les ~~ndements sur lesquels repose le droit en matiere de rapports collectifs : droits de l'individu ; !econnaissance de l'existence dans la production de deux parties ayant des intérêts distincts et même opposés ; indépendance des institutions sociales. · 4. Les autorités spécialement chargées de la politique du travail s'effacent de-yant les organes gestionnaires de l'économie nationale et abandonnent à ceux-ci leurs attributions les plus importantes. La politique du travail. perd son autonomie P?Ur se transf orm_er en mstr?II?-ent de la réalisation de la productio!1 et, du benefi~e prévus. La protection de la main-d œuvre subit de ce fait un avilissement continu. La contradiction entre ces tendances et les prescriptions récent~~ ~ saute aux y~ux.. Au~si certains auteurs sovietiques se sont-ils risques, surtout pendant les premiers mois après le yi!1~- tième congrès, jusqu'à condamner les activi~es législatives _de toute l'époque des plans qumquennaux. 50 D'autres, plus prudents et sans doute convaincus d'assister à un aménagement partiel et non à un renversement des tendances profondes, se contentent de s'en pre.~dre,, a~sez discrètement d'ailleurs, à la toute derniere periode précédant les .réformes _présent~s. _ 51 D'autres encore et parmi eux certains des Juristes les plus écouté;, tel le professeur Dogadov, évit_ent soi~ gneusement de critiquer quoi que ce soit, commentant simplement les textes nouveaux. 62 · 50. Cf. notamment K. G. Moskalenko : « Zakon o gos~oudarstvennykh pensiakh v SSSR l) (La loi sur les pensions d'État en URSS), dans Soviéttkoé gossoudarstvo i pravo, 1956, n° 6. . 51. Cf. l'article cité du professeur Alexandrov dans Sotsialistitcheski troud, 1958, n° 5. 52. Cf. V. M. Dogadov : « Pravo oukh~da s raboty po sobstvennomou jélaniou rabotnika » (Le droit du _travailleur de quitter l'emploi de son propre gré), dans Sovietskoé gossoudarstvo i pravo, 1957, n° 6. Biblioteca ·Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE Une interprétati.on erronée DEVANT cette négation de la politique poursuiyie jusqu'à présent et ces réactions variées des .c?mmentateurs qui tous occupe!1t de~ . posit1ons officielles, il importe d' exam1ner se~ie_use~ent la portée et la fonction de la nouvelle legisl~tlon, ; et, à cet effet, d'en rechercher les ~ause~ immediates. Certains observateurs ont vite fait de la classer : c'est un signe, à les en croire, d~ la « démocratisation » ou « libéralisation » du régime, - de la « détente intérieure», etc. Pareille explication est également suggérée - avec bien entendu une terminologie différente - par la plupart des auteurs au service du pouvoir. Elle n'en est pas moins fausse. Les nouvelles mesures ne sont pas toutes favorables aux salariés, certaines tendent même. à aggraver leur situation. Par exemple, un des l'rmcipes directeurs de la réforme des baremes de salaire consiste à ouvrir encore plus l'éventail des rémunérations. 53 11 est précisé en outre que toute la refonte du système des salaires doit s'effectuer « dans les limites des fonds alloués ». , Autant dire que si la paie des uns est augmentee, d'autres· en supporteront les frais. Aussi bien, en citant en exemple l'usine Altaïselmach où fut menée à bien une radicale mise en ordre des . , . normes de rendement, un auteur soviet1que constate avec satisfaction que le gain des ouvriers ne diminua pas « en règle générale », qu'il s'accrut même « dans une série de cas » 54 • Autre exemple de rigueurs supplémentair~s : on a commencé à rétablir dans les entreprises les « tribunaux de camarades ». 55 11 s'agit d'organes extra-judiciaires placés sous l'égide _des syndicats et qui doivent connaître. d~s .affaires ne pouvant pas, parce que trop _msigmfiante~, faire l'objet de la procédure cnmmelle. Etab~s bientôt après la révolution d'Octobre, ces « tribunaux » furent, pendant quelque vingt ans, un important instr11ment de la perpétuelle campagne de « renforcement ~e _la dis,cipline ;>· A en juger d'apres la descnptlon dune seance ·datant de 1937, la ·procédure n'offrait pas. la moindre garantie au salarié : à la fin d'une réumon syndicale, le président donna. lecture de l'~ct~ d'accusation contre un travailleur et celui-ci, qui n'en avait eu aucune connaissance, dut improviser sa dé~ense ; . tous le~ pr~sents, même ceux qui ne savaient rien de 1 affaire, eurent le 'droit d'intervenir dans la discussion qui s'ensuivit · au bout d'une demi-heure, on arriva à une c~nclusion que l' « inculpé » fut censé accepter. 56 Le~ « tribunaux de camarades» tombèrent 53. Cf. l'article déjà cité de N. Maslova dans Voprossy ékonomiki, 1955, n° 8. 54. Article cité de V. Chouroue;v dans Sotsialistitcheski troud, 1957, n° 12. 55. Cf.' l'article de G. Anachkine, vice-ministre de la Justice de la RSFSR, dans Izvestia, 14 décembre 1956. 56. Harold J. Berman : Justice. i~ Russia. Harvard University Press, Cambridge, 1950,. pp. 266-269. . -

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