M. NOMAD cipes sacrés qui leur imposaient la négation de l'Etat et la répudiation de toute forme de gou- • • • • • vemement, prrrent une part active aux mst1tut1ons républicaines, du conseil des ministres jusqu'aux moindres municipalités.) Confirmation frappante des théories émises par Ro.bert Michels et Vilfredo Pareto quant à la circulation perpétuelle des élites. Citons encore à ce propos une parcle de Makhaïski. A quelques sympathisants un peu sceptiques qui lui demandaient s'il n'était pas à supposer que les travailleurs incultes continueraient à être trompés et maintenus en servitude par leurs maîtres et cc libérateurs » plus instruits, il répondit que cc les moyens de tro~- perie s'épuisent d'eux-mêmes ». Qu'on le croie ou non, les disciples s'inclinèrent au moins provisoirement devant cette réponse. La '' Conspiration ouvrière,, LES IDÉES de Makhaïski quant au caractère néo-bourgeois des travailleurs intellectuels (« les serviteurs privilégiés du capital » 11 , comme il les appelait) ont pris place dans l'histoire des mouvements sociaux en Russie comme une intéressante contribution à la pensée révolutionnaire. Par contre, ses efforts échouèrent lorsqu'il voulut utiliser sa critique de l'intelligentsia socialiste comme un atout maître en faveur de sa propre organisation anticapitaliste ultra-révolutionnaire. Après son évasion de Sibérie en 1903, Makhaïski avait gagné l'Europe occidentale et c'est en Suisse qu'il prépara l'édition imprimée des trois parties de son Ouvrier intellectuel, de sa Faillite du socialisme au XJXe siècle, et d'un opuscule populaire de propagande, La Révolution bourgeoise et la cause des travailleurs. Tous ces ouvrages sont en russe. A peine la dernière feuille d'impression futelle sortie de presse que leur auteur secoua sur Genève la poussière de ses souliers pour retourner en Russie où la révolution de 1905 était déjà sur le déclin. Avec quelques-uns de ses vieux amis d'exil sibérien, il entreprit une activité conspiratrice parmi les ouvriers et les chômeurs de SaintPétersbourg. Ses partisans, qu'on appelait les makhaievtsy, s'en prenaient à l'intelligentsia révolutionnaire, lui reprochant de détourner le mécontentement des ouvriers vers la lutte pour la démocratie politique. En dépit de violentes réactions des socialistes de toutes étiquettes, les makhaievtsy réussirent dans certaines régions de chômeurs à faire voter leurs résolutions demandant des secours immédiats pour les sans-travail et l'organisation de vastes travaux publics. Ils persistaient à penser qu'une campagne de ce genre, combinée avec la lutte économique généralisée pour l'augmentation des salaires, dresserait 11. L'OutJri,, int,11,ctu,l, pr~face,p. VI. Biblioteca Gino Bianco 277 un front de classe irrésistible contre la bourgeoisie et donnerait le signal à la révolution ouvrière dans le monde entier. Cependant, le groupe des militants fut bientôt disloqué par les arrestations et, vers la fin de 1907, Makhaïski dut reprend~e le chemin de l'exil. 11 ne put rentrer en Russie qu'après la révolution de 1917. Le nom de « Conspiration ouvrière » donné par Makhaïski à son groupe (et au périodique qu'il édita en 1907) exprim1it bien les méthodes d'organisation qu'il préconisait. Ava1;1~m~m~ que Lénine n'eût pris sa fameuse position en faveur d'un parti strictement conspiratif de « révolutionnaires professionnels »_ 1 2 - . formule réser~~e? avant 1917, à la seule Russie tsariste - Makha1ski avait déjà formulé en 1899 son idée d'une organisation conspirative mondiale, s'étendant aux pays déni)cratiques aussi bien qu'aux autres. En effet, la forme légale revêtue par les divers , , . . ' partis ou m::>uvements avances tem::>1gnait a ses yeux de leur soumission à la légalité, de leurs intentions pacifiques au regard du statu quo, à tout le m::,ins d'un premier pas vers cette attitude. A Saint-Pétersbourg, à Odessa et à Varsovie, toutes les tentatives de susciter un m:>uvem~nt inspiré par ses idées firent fiasco. Une conjuration qui prétend soulever les misses ne peut se contenter d'un théoricien en chef et de quelques amis dévoués : il lui faut encore des cadres militants recrutés parmi les gens instruits. Or l'attitude hostile de Makhaïski envers l'intelligentsia, propre sans doute à lui gagner des sym~athi~s parmi les illettrés aux mains calleuses, n'avait rien d'attrayant pour les intellectuels révolutionnaires ou les autodidactes sortis du rang. La critique de Makhaïski dénonçant les chefs socialistes comme autant de champions d'~e nouvelle classe moyenne ascendante com?osee d'aspirants au rôle dirigeant dans un systèm~ collectiviste fondé sur l'inégalité économique pourrajt bien avoir été i?spi,ré par U? passage de L' Etatisme et l'anarchie ou Bakoumne accuse les marxistes de tendre précisém ~nt à une nouvelle form ~ d'exploitation à base collectiviste 13 • _La similitude des vues de Makhaïski et de Bakourune s'affirme encore sous un autre rapport. Bakounine élaborait, lui aussi, deux théories contradictoires : l'une, destinée au grand public, préconisait la complète destruction de l'État imm~diatem_nt après la victoire révolutionnaire ; l'autre, exprim~e dans des documents confidentiels, réservée aux m~mbres d'un cercle restreint, tablait sur la die12. A l'époque, un certain lustre romantique s'attachait encore à cette expression ; car le « révolutionn ir prof ~- sionnel » était souvent un bohème ascétique t héroïque, et non un mercenaire ou un gangst r usant d un v abulnir politique en perpétuel chang m nt dicté par 1 s b oin momentanés du gouvernement qui l'emploie. 13. Michel Bakounine, GossoudarsttJ nnost i Anarkhia (:etatismc et anarchie), dans Œuvres choisies, Pétrograd-i1oscou, 1922, vol. 11 pp. 233-237.
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