270 des domaines une vigoureuse poussée, riche d'excellentes intentions et de belles œuvres. , Certes, l'Eglise n'est pas absolument engagée par l'activité sociale de tous ceux qui se réclament d'elle ; elle vit sur un autre plan et ne peut oublier qu'elle a d'abord charge d'âmes. Il arrive cependant de plus en plus qu'on passe étourdiment, sans trop s'en rendre compte, de la mystique à la politique ; il arrive plus encore que les militants entraînent et compromettent les pasteurs. A partir de 1930 l'insertion dans la vie politique française d'une démocratie chrétienne volontiers extrémiste en ses affirmations prend un caractère ostensible ; or elle va recevoir le baptême du feu dans l'action « antifasciste » et prendre joyeusement sa place au Front populaire où elle cohabite avec les communistes. Le résultat ne se fait pas attendre ; lorsque le P. Honnert demande dans un livre significatif si le dialogue entre catholiques et communistes est possible, la réponse a déjà été donnée par les faits, et contre toute logique. On va bientôt voir paraître une revue intitulée Terre Nouvelle sur la couverture de laquelle la croix est élégamment encadrée par la faucille et le marteau. Il va de soi que Rome ne peut admettre pareille extravagance, que la revue est promptement interdite; on voit cependant jusqu'à quelles folies certains idéologues pouvaient se laisser entraîner. ON AURAIT donc grand tort de considérer comme une nouveauté le progressisme chrétien, non plus que les tentatives pour combiner en un étrange amalgame christianisme et communisme sous le couvert de généreuses préoccupations sociales et d'une acceptation résolue du temps présent. Nul doute pourtant que la seconde guerre mondiale, la résistance au nazisme, l'alliance avec la Russie stalinienne, la participation plus étroite que jamais à l'action des syndicats, des partis, des assemblées, n'aient porté à l'extrême les dangers de l'équivoque. Comme on ne peut tout dire, le mieux est peut-être de s'en tenir à un seul exemple qui ait valeur d'échantillon ou de microcosme ; rappelons donc la pathétique et probante histoire des prêtres-ouvriers. A l'origine il y eut, sous l'occupation allemande, le service du travail. Pour que les ouvriers français envoyés en Allemagne, parmi lesquels il y avait des séminaristes et des clercs, fussent moralement soutenus, on organisa une sorte d'aumônerie clandestine grâce à l'apostolat de prêtres sans soutane qui maniaient l'outil à côté de leurs camarades. On peut croire que l'activité de ces prêtres ne fut pas exclusivement tournée vers la religion. Quoi qu'il en soit, la méthode parut susceptible- d'une- application plus large; on put croire qu'elle fournirait un moyen d'évangéliser la classe ouvrière, le missionnaire gagnant la confiance de ceux dont il partagerait la vie et les espérances~ Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL • L'entreprise était noble et courageuse, elle fit appel à d'admirables dévouements. Dockers, mécaniciens ou manœuvres, les prêtres de l'avantgarde progressiste se consacrèrent à leur tâche avec le plus beau zèle. Comme il était inévitable, ils crurent réussir d'autant mieux qu'ils assumeraient sans réserve les obligations du rôle auquel ils se conf armaient ; on est ouvrier non seulement par ·1a fatigue corporelle et la pauvreté, mais par les pensées, par la solidarité, par l'action sociale. Voulant se faire prolétaires et compagnons d'armes, les missionnaires des usines et des chantiers furent dupes de la propagande ou de la légende et se persuadèrent qu'on ne pouvait sauver le peuple qu'en collaborant avec le communisme. On les vit dans les meetings, les manifestations, les bagarres ; ils acceptèrent des besognes syndicales, même ou surtout dans les syndicats cégétistes dont l'orientation n'est pas douteuse, ils signèrent des pétitions ou des articles qui, comme par hasard, coïncidaient à chaque instant avec les manœuvres de la politique stalinienne. L'expérience alla jusqu'à son terme fatal, c'est-à-dire une fois de plus jusqu'aux décisions disciplinaires du Vatican. Leur sens était d'autant plus clair qu'elles frappaient presque en même temps certains organes de presse et plusieurs personnalités dominicaines dont les vues politiques étaient jugées trop aventureuses. L'émotion fut intense en bien des milieux et nombre de catholiques déplorèrent que l'héroïsme des prêtres-ouvriers fût ainsi payé d'un cruel désaveu. S'il est vrai que la qualité de l'arbre ·se mesure à ses fruits, on ne peut reculer devant la netteté d'un verdict objectif. Les prêtres-ouvriers ont-ils vraiment converti des communistes ? Dans l'immédiat au moins, il n'y paraît guère. · Ont-ils été eux-mêmes contaminés par le communisme, insidieusement gagnés, détachés de la foi ? La manière dont ils accueillirent les ordres de leurs chefs et du pape lui-même dissipa brutalement les doutes qu'on pouvait s'efforcer de conserver. Soixante-dix d'entre eux choisirent la désobéis- . sance et le schisme; les raisons qu'ils en donnèrent ne laissent pas d'émouvoir, mais démontrent jusqu'à l'évidence qu'en leur style comme en leur pensée le marxisme vulgaire a complètement recouvert, oblitéré ou chassé la doctrine chrétienne qui subsiste seulement à l'état de vague sentimentalité. Cent vingt ans après Lamennais, les prêtres-ouvriers ont connu eux aussi la totale aliénation révolutionnaire ; un marxiste préférerait dire qu'ils ont été congr11ment « démystifiés ». , Le cas a quelque chose de tragique ou d'explosif ; par là, il est révélateur. Dans leur immense majorité, les progressistes chrétiens se flattent de conserver un meilleur équilibre et repoussent avec indignation tout soupçon d'hétérodoxie. Ils sont d'ailleurs passés maîtres dans l'art des compromis verbaux et leurs adversaires les accusent de savoir à merveille choisir dans les écrits pontificaux les formules dont ils se couvrent
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