Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

CORRESPONDANCE corps enseignant corse ont fait la grève malgré la prése e des «paras». Ce n'est pas de la modestie, disons· simplement : du courage. P. BERTELOOT A la critique qui le vise, Léon Emery répond par les quelques lignes suivantes, sur notre invite : 1. Je n'ai évidemment pas eu à parler des généraux, des maréchaux, des parachutistes ou des grévistes de Corse, bref de la manière dont un professeur conçoit à titre personnel son devoir de citoyen. Mon article ne touche pas à ces questions. 2. Pas davantage je ne crois nécessaire d'affirmer que je reconnais la bonne foi et la conscience professionnelle d'un grand nombre d'universitaires et même, je l'espère bien, d, la plupart d'entre eux. S'ils peuvent librement parler à leurs élèves d'Alain, de Marx ou de Simone Weil ? Mais comment donc I Et pourquoi pas, s'il leur plaît, de saint Augustin, de Pascal et de Joseph de Maistre ? 3. J'ai étudié l'Université comme on étudie un corps d'État, comme j'aurais pu tenter d'étudier l'Église, l'armée ou la magistrature; j'ai cherché à montrer comment son histoire l'a imprégnée d'une doctrine au moins implicite qui, se définissant contre les valeurs métaphysiques et religieuses, est allée de plus en plus vers le scientisme et le matérialisme, frayant ainsi les voies à un marxisme diffus, puis au com - munisme politique. Si l'on en veut discuter avec précision, je ne demande pas mieux que d'être repris ou complété. 4. Ma conception de la laïcité, fort différente du laïcisme, est exposée en tout un livre qu'on a mille fois raison de n'avoir pas lu. Je ne puis la reprendre en deux lignes. 5. La cure de modestie r Elle consiste, tout en conservant une très haute idée de la dignité du métier, à savoir toujours mieux qu'on sait bien peu, à comprendre que l'école, dépositaire dans une certaine mesure d'une culture qu'il lui faut défendre, ne l'est aucunement d'une sagesse poli - tique ou d'une idéologie qu'elle aurait un droit éminent d'enseigmr. LÉON EMBRY A propos des ''Perspectives'' de Sidney Hook Nous AVONS REÇU de notre collaborateur Paul Barton la lettre suivante : Dans son article sur les Perspectives d'évolution, Sidney Hook jette sur les événements dans l'orbite soviétique un coup d'œil global pour en discerner les tendan~es profondes. Ce genre de réflexion peut être très utile à quiconque s'applique, pour y voir clair, à rassembler patiemment des faits, même des fragments de faits, à les examiner et réexaminer, à chercher la place appartenant à chaque détail dans le tableau d'ensemble. La connaissance des faits précis ne servirait à rien si l'on délaissait le contexte qui en détermine la signification. A ce propos, l'observation faite avec un certain recul peut apporter à la recherche un concours précieux. Mais cette façon d'aborder le problème comporte aussi de gros dangers : comme il s'agit de phénomènes complexes et souvent contradictoires, la méditation qui passe outre aux détails risque de perdre tout contact avec la réalité. J, crains que cela ne soit arrivé à S. Hook. D'autant qu, son but n'a pas consisté seulement à diagnostiquer, mais d trouver aux situations angoissantes une issue qui lui parait souhaitable: les opprimés du monde soviétique, abandonnés dans leur révolte par le monde qui se dit libre, pourraient tout d, mime retrouver peu à peu la lib,rt, 1,1&, d un, hJolution du totalitarisme. Biblioteca Gino Bianco 253 · Dans sa démonstration, S. Hook s'appuie sur certains renseignements et interprétations erronés. Il voit une hérésie dans la déclaration de Gomulka selon laquelle le socialisme « constitue un système social qui abolit l' exploitation et ·l'oppression de l'homme par l'homme ». En fait, il s'agit là d'une formule consacrée, mille fois répétée, avant et après Gomulka, par tous les propagandistes et dignitaires communistes. De même, c'est une simple erreur de fait que de croire que les sept tâches assignées aux conseils ouvriers par le nouveau dictateur polonais en mai 195 7 feraient de ces organismes « les maîtres des entreprises et, par conséquent, de toute l'industrie ». Au moment où il écrivait, S. Hook ne pouvait pas prévoir la façon dont le même Gomulka allait disposer des conseils ouvriers en avril 1958. Il n'en reste pas moins que pour tirer du discours de mai 195 7 la conclusion que je viens de citer, il faut méconnaître l'appareil administratif de l'industrie dans une économie étatiste. En effet, certains. conseils ouvriers, qui avaient pris leur rôle au sérieux, firent, entre l'automne 1956 et le printemps 1957, des efforts surhumains pour se libérer de la camisole de force dans laquelle les avait enfermés cet appareil, et ils essuyèrent un échec complet; d'autres, se rendant compte d'avance de l'impossibilité de sortir de l'engrenage, se contentèrent dès le début de servir d'auxiliaires aux directeurs désignés par l'État; dans bien des usines, d'ailleurs, les ouvriers ne procédèrent même pas à l'élection du conseil ouvrier, ou consentirent à une élection de purt forme dont ils sentaient la duperie. Dans le même ordre d'idées, on peut mentionner la conviction de S. Hook que « Gomulka reconnaît franchement aux travailleurs le droit de grève, tout en déconseillant cette manière de réagir contre les abus ». Pareils propos furent prêtés au chef polonais par certaines dépêches d'agences, il est vrai, mais on en cherche en vain la- trac, dans les textes publiés en Pologne. Il n'y a rien à dire contre la réhabilitation de Karl Marx que S. Hook entreprend. Tout au plus pourrait-on ajouter en. ce sens des arguments supplémentaires. Seulement ce raisonnement correspond à peu de chose dans la réali'té sociale du monde soviétique. L'étude du Capital ne figure pas parmi les mobiles de l'opposition; bien au contraire, l'obligation d'en apprendre par cœur certaines formules et de les répéter à la manière des perroquets a rangé l' œuvre de Marx parmi les écrits dont on évite la lecture dans la mesure du possible. D'autre part, en attachant une si grande importance à l'éventuel « retour à Marx », S. Hook semble exagérer le caractère explosif des contradictions entre la doctrine et les pratiques du régime. Le totalitarisme n'en est pas à une contradiction près et ce n'est pas cela qui donne à réfléchir aux intellectuels asservis ou aux militants du Parti. Ils ne demandent que d'être munis, à chaque tournant de la politique officielle, d'un argument permettant de « rationaliser » celle-ci, soit sur le plan d'une orthodoxie apparente, soit sur celui d'un sentùnent atavique (chauvinisme, antisémitisme, haine de l'esprit critique, respect de l'ordre établi, etc.). Le propre de toute idéologie totalitaire est de f ourni·r aux adhérents une ganune de référ nces contradictoires, ,nais pouvant servir dans n'inzporte quelle situation, plutot qu'une conception philosophique et sociale cohérente. Là où les co1n111unistesi,ntellectuels ou non, conunencent vraùnent à s'interroger, c'est devant l s craque111e11tsde J' édifice totalitaire. En adtnirant sans réserve la révolt des intellectuels polonais, on oublie trop souvent qu' li fut précédée, dès l'autonine 1954, par une cris dans la police secrète et, depuis le début de 1955, par un vague de discussions orageuses dans / s usin s où les salariés avaient catégoriquement rejeté les niéthod s d'exploitation et d'asservissement et formulé peu à p u l ur propr programm, social.

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