252 défauts contraires à ses traits distinctifs. Quelque opinion qu'on ait du communisme hérité de Staline, il importe de ne pas le confondre avec le marxisme dont il se réclame indûment et surtout de ne pas croire que ce qui est détestable soit nécessairement quantité négligeable. Pendant des années, en Occident, il a été professé que l'Union soviétique était d'une faiblesse incurable et, en outre, qu'elle allait délibérément provoquer une guerre mo11diale.Auparavant, le thème favori de~ prophètes voulait qu'un régime odieux ne fût pas viable, alors qu'il dure en dépit de l'éthique et d'une logique formelle. Durant la guerre, il fallait admettre contre toute évidence- que les peuples soviétiques ne demandaient qu'à se faire massacrer pour la plus grande gloire de Staline. Depuis peu se répand la légende d'une Union soviétique irrésistible, sous prétexte de performances scientifico-techniques réalisées à un prix monstrueux en sacrifiant le bien-être des travailleurs dans l~ur ensemble. Maintenant ·on s'avise de prendre en con.sidération l'immense organisme de documentation qui doit permettre à l'URSS de rattraper son retard scientifique et technique, retard réel qui dément les généralisations arbitraires inspirées par , des fusée_s vertigineuses et des satellites artificiels .. 11 reste à prendre au sérieux l'essentiel, à savoir l'inlassable entreprise d'expansion et de domination dont la tête est à Moscou et les ramifications partout dans le monde. Les hommes d'État occidentaux ne cessent de s'interroger sur ce que veulent les dirigeants communistes et ils croient en avoir le cœur net · LE CONTRAT SOCIAL en acceptant de conférer « au sommet» avec ces personnages réputés énigmatiques. Or il n'y a rien de caché dans les conceptions de ces demi~rs, qui veulent tout simplement et ouvertement conquérir la planète, qui déjà· se flattent de commander à un bon tiers de l'espèce hqmaine et dont les visées se dessinent clairement sur la carte géopolitique. En ce qui concerne leurs plans à brève échéance, il suffit de fréquenter les librairies soviétiques pour y voir pulluler des livres et des brochures sur l'Afrique, le ProcheOrient, !_'Indonésie et l'Amérique Latine, des dictionnaires de langues africaines et asiatiques, des ouvrages d'ethnographie, d'économie, de sociologie et d'histoire ayant trait aux pays que sillonnént et où s'implantent des missions soviétiques de toutes sortes. Les manœuvres diplomatiques et les projets d~aide économique étalés au grand jour ne laissent pas douter des arrièrepensées de l'état-major communiste que confirme une abondante littérature mise à la disposition des spécialistes. 11 ne manque aux défenseurs de la civilisation traditionnelle que de prendre au sérieux le problème majeur de l'époque actuelle, insoluble par les seuls préparatifs- militaires. Voici bientôt un siècle qu'Alexandre Herzen écrivait dans l'édition française de la Cloche : « On écrit des livres, des articles, des brochures en français, allemand, anglais; on prononce des discours, on fourbit les armes... et la seule chose que l'on omet, c'est l'étude sérieusede la Russie. »8 De nos jours, on omet toujours l'étude sérieuse de la Russie, outre celle du phénomène soviétique et de la perversion pseudo-communiste. Correspondance L'Université et l'idéologie D'UNE LETTRE du professeur P. Berteloot (Avesnes), nous extrayons les passages suivants où la critique d'un article de notre collaborateur Léon Emery enchaîne sur des considérations de politique française actuelle dont elle est inséparable, c·onsidérations qui détonnent ùn peu dans cette revue : Je me permets ici de vous dire ce que je pense de votre rev-ue. D'abord le bien : articles intéressants sur le marxisme et c'est bien dans cet esprit que je l'ens_eigneaux élèves, en leur montrant I. que Marx n'est pas ~énine; 2. qu'il n'a pas tout vu ni tout prévu. Quant au mal que je pense de votre revue, cela m'est surtout inspiré par l'article de M. Emery sur l'Université et l'idéologie. C'est pourquoi je vous prie de bien vouloir lui' commitniquer ma lettre, non pour le chagriner mais pour lui donner mon témoignage sincère. Il y a dans l'Université des communistes qui enseignent le marxisme dans la ligne russe et cela sans précautions devant des élèves naïfs ou peu critiques. Mais je ne vois pas pourquoi l'auteur trouve mauvais qu'on enseigne Alain. Moi je m'attache à Alain et à Simone Weil et je n'y vois pas de mal. On ne voit pas très bien comment M. Emery conçoit la laïcité. Pour moi elle consiste à dire ce~qu'on pense sans l'imposer et je ~uis toujours ravi de trouver un élève qui ne pense pas comme moi. J'en ai beaucoup qui sont « bien pensant! » et plutôt conservateursBiblioteca Gino Bianco que marxistes. En quoi consiste cette modestie que nous devrions avoir ? Consisterait-elle à tout exposer sans prendre· position- sur rien ou à s'en tenir aux généralités de la morale sans aborder les problèmes politiques concrets ? Il y en a qui le font m<1,ijse trouve que c'est hypocrisie ou manque de courage. Faut-il prôner l'ordre établi, la raison d'État, lécher les bottes du « maréchal» ou du , . ·«général·» ? Ily en a qui lefont,je n'en suis pas. Je regrette donc de ne pas être plus modeste, mais je ne le puis. . - . Revenons à l'orientation générale de la revue (car elle a beau _être savante, elle n'est pas rz.eutre, elle non plus). C'est très bien de dénoncer la tyrannie communiste mais elle n'est pas la seule et j'attends avec curiosité dans les prochains numéros des articles sur « La sociologie du coup d'État » ( légal et illégal), les rapports entre l'armée et le pouvoir civil et autres questions instructives et actuelles pour les professeurs et les élèves. J'ai fort peur que ce qui vient de se ;asser rejette les universitaires vers les positions communistes, le « Coup d'Alger » compensant le « Coup de Prague » et les communistes devenant plus intéressants quand ils sont emprisonnés et torturés que lorsqu'ils tor - turent et emprisonnent. Il y aura donc encore beaucoup de pain sur la planche pour M. Emery. Je lui ferais aussi remarquer que d'après les nouvelles officielles 30 % du , 8. Cf. dans le Contrat social n° 4, de septembre 1957, le texte d'Herzen où se trouve cette remarque toujours vraie, p. 252. ..
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