QUBLQUBS LIVRES ni leur permettre d'en rapporter rien d'inédit, et bien entendu on ne saurait reconnaître à leur jugement la moindre valeur. Leurs deux livres, pourtant, ne sont pas tout à fait inutiles, et pas seulement parce qu'ils témoignent de la vanité des voyages officiels· aux pays « du grand mensonge ». Mme Lucie Faure affirme qu'incarné en Mao Tsé-toung, qu'elle croit animé par « un nationalisme intense » ( oubliant qu'il sapait, par la guerre civile, la force de son peuple au temps où celui-ci devait faire front à l'invasion japonaise), le communisme chinois est fort « différent du communisme soviétique» (p. 123). M. Edgar Faure a, lui aussi, promené quelque temps cette illusion sur la terre chinoise, mais il lui a bien fallu admettre qu~en matière économique au moins le comm1misme chinois ne se distingue de son modèle soviétique que par le moindre avancement de ses réalisations. Il avait cru que la Chine jouissait d'un régime d' « économie mixte» : il a dû constater qu'« il n'y a pas d'hésitation dans la démarche [qui mène au communisme intégral], pas de trouble dans la pensée, aucun signe d'une construction nouvelle, d'une audacieuse synthèse pour l'avenir » (p. 207). Ce qui reste de libéral dans l'économie chinoise n'est que survivance du passé, et survivance promise à disparaître prochainement. Certes, M. Edgar Faure ne veut pas s'être trpmpé complètement, et il assure qu'il existe malgré cela un « communisme à la chinoise» dont l'originalité serait dans la méthode : « Karl Marx chez Confucius, c'est une leçon de politesse, de patience et de prudence» (p. 267). Ce ne serait là,. après tout, qu'une nuance secondaire. Mais cette différence n'existe même pas, car selon notre auteur, « l'idée essentielle du communisme à la chinoise, l'origine de ses diverses particularités [tien4raient] dans les mots de Front uni» (p. 78), formule qui se traduit dans les faits par l'existence de partis «démocratiques» aux côtés du parti communiste. Mais comme la tactique du « front uni » fut définie par Lénine en décembre 1921, comme ce n'est pas en Chine seulement, mais dans tous les pays satellites (même dans la Hongrie de Rakosi) qu'il est resté longtemps, qu'il reste encore ici et là - associés aux communistes dans des « fronts » de qualifications diverses - des partis résiduels qui sont censés représenter des catégories sociales vouées à être « liquidées » en tant que classes, il est permis d'écrire que, quoiqu'il en ait, M. Edgar Faure ruine, par son témoignage, la thèse d'une différence de nature et même de méthode entre le communisme chinois et le comm,Jnisme stalinien. Laissonsde côté les propos que Mao Tsé-toung et Tchou En-lai tinrent à leurs hôtes, un peu IUIJ?ris, on le voudrait croire, qu'on les eût fait veo,r de si lo:,fuour leur confier, dans la liberté d'entretiens fi ·ers, ce que la propagande comm1,uistc répand à grand bruit chaque jour : • La Chinen'entendpas se m~lerdes affairesdes Biblioteca Gino Bianco 245 autres ... Elle est tout entière absorbée par l'imrpense effort de construction » (E. F., p. 32). Etonnons-nous seulement que M. Edgar Faure n'ait pas même esquissé un geste d'incrédulité quand on lui assura qu'il n'y avait pas de « bloc communiste » (L. F., p. 122) et qu'il ait enregistré « avec beaucoup de satisfaction», comme s'il s'agissait d'une nouveauté, ces paroles du Premier ministre chinois : « Le problème de l'Algérie n'est pas identique à celui du Maroc et de la Tunisie, mais je pense que vous devez trouver la solution en négociant » (E. F., p. 33). La formule figure dans la presse communiste à peu près tous les matins. Une seule affirmation est à retenir de ces conversations : la reconnaissance diplomatique de leur régime n'intéresse pas les communistes chinois ; elle leur serait même désagréable si elle ne s'accompagnait pas de la condamnation de la République chinoise réfugiée à Formose. Souci de l'unité du territoire national ? Mao Tsé-toung attend bien autre chose : il s'agit de faire savoir à tous ceux qui, en Asie et en Afrique, luttent contre l'invasion communiste qu'ils n'ont pas à compter sur l'aide de l'Occident. M. Edgar Faure pense que la France doit non seulement renoncer à « la fiction de la Chine de Taipeh » mais aussi à « la fiction des deux Chines ·», afin de pouvoir « aider la Chine... à accomplir sa modernisation » qui seule « peut la rapprocher de nous économiquement et politiquement ». N'est-ce pas courir au devant des pires déceptions ? Le serpent et la tortue, ce sont deux promontoires qui se font face sur chacune des rives du Yang Tsé-kiang. Un pont va les relier bientôt. M. Edgar Faure voudrait qu'un pont fût jeté de même entre le monde communiste et le monde « capitaliste ». Craignons que l'Occident ne soit la tortue, et le monde soviétique le serpent qui la fascine. GÉRARD LAFERRE Les origines d'Octobre AVRAHMYARM0LINSKY: Road to Revolution. Londres, Cassel & Co., Ltd., 1957. M. YARM0LINSKYl,ongtemps chef du service slave à la New York Public Library, donne un remarquable travail de vulgarisation sur les idées subversives en Russie au xixe siècle. Malgré la complexité du sujet, il a réussi à relater l'histoire du mouvement révolutio11naire russe avant le marxisme sous une forme simple, lucide et captivante. Sans céder à la tentation du sensationnel, comme l'y invitait en particulier la phase terroriste des années 70, il garde un point de vue équilibré et objectif à l'égard de l'obscurantisme tsariste et des dogmes fanatiques de l'intelligentsia d'avantgarde. Voici donc, appuyée sur les documents les
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