Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

186 tage au désir de liquider un vieux compte datant de l'ère napoléonienne qu'à la prétention d'imposer à ces peuples un genre de vie particulier. Avant 1914, les socialistes des deux côtés du Rhin arguméntaient pour savoir quel pays pouvait se prévaloir de la meilleure démocratie. Malgré des différences importantes, il n'est pas niable que ces deux nations participaient à un même type de civilisation impliquant pour leurs citoyens une liberté et une sécurité comparables. Aussi la première guerre mondiale apparaîtelle comme une tragique absurdité, une querelle de famille dégénérant en un massacre général et détruisant de ce fait l'équilibre mondial fondé sur la · prédominance des États européens et de leur type commun d'existence sociale. L'ANTAGONISMacEtuel entre l'Amérique et l'Union soviétique exprime en termes de puissances un conflit d'une autre nature que les anciens antagonismes européens. Derrière les fusées intercontinentales et les engins nucléaires dont la planète est menacée, il s'agit de savoir quel destin sera réservé à chacun de ses habitants : l'homme deviendrat-il partout, comme il l'est déjà dans le bloc soviétique, un instrument fonctionnel, dépourvu de liberté et de personnalité, pour une monstrueuse machine hiérarchisée guidant la société vers un avenir préfabriqué ? Ou bien l'homme pourra-t-il en gardant liberté et initiatives se choisir un destin marqué de toute la spontanéité dont la vie seule est capable ? L'enjeu du conflit actuel engage la totalité de l'avenir humain, quelle que soit la volonté de tel peuple ou de tel individu de ne pas y participer. Le « neutralisme actif » d'un Nasser ou d'un Tito se résume à un chantage envers les deux camps. Loin de résoudre leur antagonisme, il le suppose au contraire d'autant plus accusé que l'apport marginal d'une puissance même secondaire à l'un des camps ait assez d'importance pour rendre leur équilibre instable. Le « neutralisme actif » se détruit lui-même dans la mesure où, poussé jusqu'à son terme ultime, il rompt l'équilibre dont il est provisoirement le bénéficiaire. Se réclamant de la « paix », il la sape quand par ses manœuvr_es_il__renof rce l'expansionnisme communiste et par là rapproche le moment fatal où les dés seront jetés. · Dans le nouvel équilibre entre le monde totalitaire et celui qui se veut enèore libre, Biblioteca Gino Bianco LB CONTRAT SOCIAL l'Europe démocratique n'est plus cet olympe dont les querelles intérieures faisaient trembler les autres continents. Les peuples qui la constituent sont autant de proies désirées dont la possession assurerait au bloc communiste une maîtrise peut-être décisive dans le règlement final. Pour eux, il ne s'agit _plus d'une question de préséance, comme au début de ce siècle, mais d'une question d'existence. :E:treou ne pas être, c'est à quoi se réduisent leurs choix politiques. Et il est absurde d'imaginer un tel choix dans le vieux cadre des nations indépendantes et antagonistes du x1xe siècle. Isolées les unes des autres, claquemurées dans leurs économies indigènes, elles ne peuvent ni justifier leur raison d'être démocratique qui implique un niveau de vie conforme aux aspirations actuelles des populations, ni s'assurer une protection efficace contre la menace communiste. L'expansion soviétique n'a laissé subsister que la moitié occidentale del' ancienne Europe: une bande côtière, terriblement étroite en quelques points, qui va de la Laponie à l'Adriatique, et un grand pays comme l'Allemagne coupé en deux. Ainsi, l'Europe démocratique fait aujourd'hui figure de rescapée dans le naufrage de la seconde guerre mondiale. Après les épreuves des fascismes, de la dévastation militaire et de l'invasion communiste, elle a jusqu'à maintenant réussi à tenir sa tête hors de l'eau grâce à l'appui américain~ De cette situation précaire, beaucoup d'hommes ont pris conscience et ont fait des efforts méritoires pour « constituer » l'Europe - au vieux sens .du terme. Mais l'extrême lenteur des réalisations, la diversité non surmontée des intérêts économiques et des attitudes politiques, la permanence d'idéologies périmées sont des freins puissants à ce qui devrait · se présenter comme un réflexe spontané de conservation vitale. En eux se mélangent un égoïsme étroit et à courte vue, qui agit dans le présent comme s'il avait la solidité des choses éternelles, et la nostalgie d'un passé mort, disparu dans les guerres où la vieille Europe des nations s'est suicidée. Les grands cataclysmes politiques sont irréversibles, mais leurs témoins ou même leurs acteurs n'en ont pas toujours une conscience claire. Nombreux sont ceux qui, aveuglés par leurs intérêts ou leurs préjugés, n'y voient qu' épisodes accidentels ou superficiels laissant intactes les situations antérieures. Incapables de reci:éer cette situation, ils préludent à de nouveaux bouleversements qui élargissent davantage le fo~séentre le réel et l~ur conscience.

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