Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

Débats et recherches L'ÉVOLUTION RÉFORMISTE DU MARXISME par Lucien Laurat COMME toutes les évolutions, l'évolution sociale est, elle aussi, sujette à des constantes et à des variables, l'action de ces dernières étant souvent définie comme « le rôle du hasard dans l'histoire». Mignet lui-même, dont la conception matérialiste de l'histoire est bien plus rigide que celle de Karl Marx, son disciple, et qui voit dans les phases successives de la Révolution de 1789 un enchaînement quasi fatal, estime qu' « il serait pourtant téméraire d'affirmer que la face des choses n'eût pas pu devenir différente». Aussi est-il permis de se demander ce qu'aurait pu être l'évolution sociale de notre époque si l'un des hasards de l'histoire avait fait perdre à Lénine la bataille du Palais d'Hiver, si les constantes qui agissaient sur la structure· sociale de l'Europe - et du monde - depuis le début du x1xe siècle n'avaient été modifiées et déviées par la variable imprévue et imprévisible du 7 novembre 1917. La question est d'autant moins oiseuse que la victoire de Lénine et de Trotski découla d'un concours de circonstances tenant du miracle. La célèbre « nécessité historique » ne fu! mobilisée que plus tard pour faire d'un coup d'Etat hasardeux une« révolution» dictée par le « sens de l'histoire ». Il serait évidemment vain de vouloir imaginer ce que serait le monde d'aujourd'hui si l'URSS n'était jamais née. Nous ignorerons toujours si une Russie échappant au bolchévisme aurait été matériellement en mesure d'éviter BrestLitovsk et si la démocratie russe, après avoir repoussé l'assaut de Lénine-Trotski, n'aurait pas connu d'autres convulsions. Mais on peut affirmer avec certitude qu'il n'y aurait jamais eu de pacte Hitler-Staline puisqu'il n'y aurait pas eu Staline sans Octobre 1917, ni Hitler sans Staline dictant ses ordresaux communisteasllemandsI,l n'y Biblioteca Gino Bianco aurait d'ailleurs pas eu de communistes, ni en Allemagne ni ailleurs, l'Internationale communiste n'ayant dû sa naissance qu'au coup de main victorieux des bochéviks. A part ces quelques certitudes, une historiographie fondée sur des si et des mais ne peut rien apporter. Sur le plan des idées, au contraire, il est possible de concevoir avec assez de précision comment la doctrine socialiste aurait évolué si le bolchévisme accidentellement victorieux ne lui avait fait subir depuis quarante ans de multiples distorsions, qui ne restent d'ailleurs pas limitées à la théorie : l'action socialiste s'en ressent elle aussi dans le monde entier. Cette influence s'est exercée de différentes manières : tout d'abord par l'ascendant d'une doctrine à laquelle le coup d'État victorieux avait conféré une auréole d'invincibilité (ceux qui la professent sont censés .être dans le sens de l'évolution historique) ; ensuite par l'affaiblissement du mouvement socialiste du fait de la scission qui plaça ce mouvement devant des problèmes nouveaux et difficiles à résoudre; enfin par l'existence d'un État de type inédit, dont l'agressivité permanente et inflexible bouleverse toutes les données classiques de la politique extérieure et, partant, de la politique socialiste, traditionnellement attachée au maintien de la paix. L'influence corruptrice du bolchévisme ~ur l'idéologie socialiste a eu des effets d'autant plus nocifs qu'allant à l'encontre d'une évolution perceptible depuis la fin du siècle dernier, elle retardait l'adaptation de la politiqué socialiste aux impératifs de l'époque, ce qui, dans toutes les nations modernes où les partis socialistes ont un rôle important, aggrave les difficultés que ces nations ont à résoudre. C'est tout à la fin du x1xe siècle que l'essor du mo\lvemenotYvrier, tant politiqueque syndical,

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