revue ltistori'iue et criti'iue des faits et des idées JUILLET 1958 Vol. Il, N° 4 • AU-DELA DES NATIONALISMES par Michel Collinet L EST banal de constater aujourd'hui la décadence de l'Europe. Après avoir dominé la planète, les nations qui y subsistent encore après leurs mutuelles dévastations sont soumises de l'extérieur et de l'intérieur à la formidable pression du bloc soviétique. Chacune d'entre elles n'a ni les hommes, ni les ressources naturelles, ni les moyens techniques, ni l'espace pour résister plus de vingt-quatre heures à une agression venant de l'Est. Chacune s'essouffle avec ses moyens réduits à suivre la cadence de la nouvelle révolution industrielle fondée sur l'électronique et l'atome. Même si tout conflit armé était écarté, leur faiblesse économique remettrait en question l'avenir de la démocratie, dans l'incapacité où elles se trouveraient d'améliorer sérieusement le sort de leurs habitants. La civilisation européenne existe par son unité spiritueJle dans tous les sens du mot et elle déborde largement sur les autres continents, mais ses divisions politiques et économiques, héritage du siècle dernier et séquelle des deux guerresmondialesde notre siècle, la mettent dans un danger mortel. L'Europe moderne s'est construite,au siècle précédent, commeun ensemblede nationsindépendantes et rivales, et a vécu dans une paix douteuse par l'équilibre de ces nations, occupées chacune pour son compte à se tailler un empire Biblioteca Gino Bianco sur les autres continents. Cela signifiait que de l'équilibre européen dépendait celui du monde entier. Quand la guerre le rompit, elle prenait du même coup un caractère mondial. L'impérialisme européen n'est plus aujourd'hui qu'un souvenir de temps révolus : les anciennes colonies d' outre-mer se développent comme États indépendants et leurs alliances sont dirigées contre les vieilles nations d'Europe. Le principe des nationalités qui fut le fondement de l'Europe moderne s'est emparé du monde libre, il sert de moyen et de justification à la révolte des peuples d' outre-mer contre leurs anciens maîtres. En marge de l'Europe, les États-Unis sont devenus la puissance dominante par leur potentiel économique et technique. Enfin les deux cinquièmes de la population du globe appartiennent au monde communiste qui a conquis la moitié orientale de l'ancienne Europe. Il résulte de cette constellation que le nouvel équilibre des forces dont dépendent la paix et la guerre n'a plus son centre en Europe. 11 se fonde sur l'antagonisme américanosoviétique et diffère profondément de l'ancien équilibre européen par l'importance comme par la nature des réalités en jeu. 11 pouvait paraître indifférent aux peuples de la planète qu'au début de ce siècle l'Europe ftlt dominée par l'Allemagne ou par la France, dont les querelles ressemblaient davan- •
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