LE SYNDICALISME D'ÉTAT EN POLOGNE par Paul LE QUATRIÈME congrès national des syndicats, qui s'est réuni à Varsovie du 14 au 19 avril 1958, fera certajnement date dans l'histoire du syndicalisme d'Etat polonais. Les décisions adoptées, non pas certes par le congrès lui-même, mais à son occasion, marquent la fin d'une période trouble, pendant laquelle les syndicats officiels ont été soumis à une rude épreuve : pris entre les deux feux de la révolte ouvrière et de la crise d'autorité, ils ont connu pendant quelque trois ans une existence pleine d'incertitude et de péripéties qui risquaient de les transformer en associations ouvrières authentiques. Or, ils sortent ébranlés, mais victorieux de cette épreuve. Au plus vif des attaques contre les pratiques du passé, rien d'irréparable ne s'est fait. Et les changements décrétés à l'occasion du quatrième congrès national rétablissent le pseudosyndicalisme totalitaire dans ses aspects essentiels, tout en résorbant, si l'on peut dire, les réformes des dernières années. Le grand débat Jusqu'à 1954, tout semblait aller pour le mieux dans les syndicats polonais. Ceux-ci exécutaient comme il se doit les ordres du Parti, du gouvernement et des chefs d'entreprises, étouffaient en germe toute revendication ouvrière et se bureaucratisaient avec un zèle remarquable, un syndiqué sur trois étant chargé d'une fonction. Bref, en fait de conformité au modèle soviétique, ils auraient pu être cités en exemple. 1 Or, un - 1. Cf. ,c Les conventions collectives en Pologne », dans Informations sociales (BIT), 1949, n° 10 ; « Les activités économiques et sociales des syndicats professionnels en Pologne ,,, dans Revue Internationale du Travail, 1950, n° I ; « L'organisation syndicale en Pologne », dans lnf ormations sociales, 1950, n° 4 ; « L'inspection du travail en Pologne », ibid., Biblioteca Gino Bianco Barton fait imprévu vint tout troubler. L'économie nationale commença à craquer sous le fardeau de plans insensés. 2 On s'aperçut alors que la vie « exemplaire » des syndicats était entièrement factice, qu'en se soustrayant à l'influence des ouvriers, ils avaient du même coup perdu toute capacité de contrôler ceux-ci et de les diriger. En mai 1954, au troisième congrès syndical national, le président avoua : « Les ouvriers lésés, persuadés que leurs syndicats ne leur viendraient pas en aide, s'adressent dans de nombreux cas à des organismes extra-syndicaux». 3 Et un des secrétaires confédéraux de constater que Jes salariés « ne considèrent plus les délégués syndicaux comme leurs représentants, mais comme de simples fonctionnaires >>. 4 En pareilles circonstances, les syndicats étaient d'évidence incapables de « mobiliser>> les énergies de la classe ouvrière pour faire face aux difficultés croissantes de l'économie nationale. Deux ans plus tard, dans .un article publié par la revue théorique du Parti, 1950, n° 12; Jean Malara et Lucienne Rey : Les syndicats polonais sous la botte, C.G.T.-F.O., Paris, 1951 ; Jozef M. Bilinski : « Zwiazki zawodowe », dans Kultura, 1952, numéro spécial; Jean Malara et Lucienne Rey : La Pologne d'une occupation à l'autre, Editions du Fuseau, Paris, 1952, pp. 130135 et 207-212 ; « Les conventions collectives en Pologne », dans Informations sociales, 1954, n° 4; « Troisième congrès national des syndicats professionnels de Pologne », ibid., 1954, n° 9; Christophe Gorski : « La politique syndicale dans la République populaire de Pologne», dans Saturne, juin-juillet ,1956 ; Kazimierz Grzybowski : « Social and Economie Roots of the Workers' Uprising in Poznan », dans Highlights of Current Legislation and Activities in MidEurope, 1956, n° II ; Christophe Gorski : cc Révélations de la presse officielle sur la condition ouvrière en Pologne », dans Saturne, août-novembre 1956. 2. Ce phénomène fut analysé avec une franchise remarquable par Oskar Lange dans Zycie Gospodarcze, 16 juillet 1956. , 3. Glos Pracy, 6 mai 1954. 4. Przeglad Zwiazkowy, 1954; n° 5.
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