• E. RABINOWITCH . discipline est désignée sous le nom d' « armements » dans le répertoire des académiciens de Vucinich. Le progrès de la science fondamentale est beaucoup plus difficile à planifier. On a appris que., lorsque les exigences d'un plan furent pour la première fois imposées aux instituts de recherche., les autorités présentèrent comme plan de recherche pour l'année suivante les résultats déjà obtenus dans l'année en cours., afin d'assurer une réalisation à 100 3/ 0 • Comme dans d'autres domaines., une part non négligeable de cette manipulation factice des plans se poursuit., mais il n'en résulte pas que la planification centrale soit tout à fait inefficace. Pour citer un exemple, en I 946 une conférence fut organisée par l' Académie afin d'apprécier l'état de la recherche sur la photosynthèse. On constata qu'elle souffrait d'un certain retard, et une décision fut prise en vue de la développer. En 1957, une seconde conférence sur la photosynthèse vit la présentation d'environ cent cinquante communications, contre dix au congrès précédent. D'une façon analogue, la recherche dans les calculateurs électroniques et l'automation a été accélérée par les résolutions de l'Académie. Bien- entendu, des pressions de ce genre ont beaucoup plus de chances de favoriser le progrès dans les domaines où la science soviétique est reconnue comme en retard sur l'Occident, que dans des domaines nouveaux, encore inexplorés. Elles peuvent faire progresser l'arrière-garde, mais non conduire la recherche. Les résolutions proclamant la nécessité de réaliser des percées dans les régions encore inconnues de la physique ou de la biologie sont destinées à ne demeurer que des mots, à moins qu'un esprit créateur n'ouvre la voie, le plus souvent dans une direction inattendue. Malgré toutes les tentatives de planification' le facteur décisif pour de nouvelles découvertes reste l'intérêt personnel et la vocation des savants individuels, qui ne peuvent être planifiés. Le développement récent de certains domaines de la recherche scientifique, qui exigent des instruments coûteux (réacteurs, accélérateurs de particules, radiotélescopes, etc.) et la coopération de nombreux groupes de chercheurs n'a rien changé au fait que la science dépend avant tout des efforts individuels. Les accélérateurs de particules se développèrent en Amérique non BibliotecaGinoBianco 223 parce qu'une organisation centrale l'avait décidé, mais par le génie d'Ernest Lawrence. Dans le même domaine, la science soviétique doit ses succès principalement à Wechsler. En un mot, le développement de la science fondamentale en Russie soviétique procède d'une façon analogue à celle de l'Occident, par le jeu des talents et des vocations individuelles. Quant à la prétendue disparité du progrès scientifique en Union soviétique, imputable à une concentration planifiée dans quelques seèteurs, si elle est réelle, elle n'affecte que la science appliquée. Si l'on relève dans divers domaines comme la physique nucléaire, la physique moléculaire, la physique atomique, la chimie organique, l'enzymologie, le nombre d'articles publiés respectivement en Russie et aux États-Unis sur ces sujets., on découvre un rapport plus ou moins constant, indiquant que la science soviétique, du moins en ce qui concerne l'ampleur des publications., a généralement rejoint la science occidentale. On constate de grandes différences dans des domaines particuliers, mais des disparités semblables seraient aisées à trouver dans l'ensemble de l'activité scientifique d'un pays quelconque. Il est significatif que ces relevés statistiques, qui s'étendent sur plusieurs années récentes, font ressortir une augmentation continue de la contribution de la recherche soviétique à la. plupart, sinon à toutes les disciplines scientifiques - tendance qui se manifestera sans doute d'une manière de plus en plus sensible dans les années à venir. Toutefois, la supériorité scientifique n'est pas dans le nombre, ce nombre fût-il celui des techniciens ou des textes scientifiques. Elle résulte avant tout de travaux personnels siillÏficatifs : la Hollande et le Danemark, par exemple, ont joué en science un rôle hors de toute proportion avec le nombre, non seulement de leur population, mais aussi de leurs savants et de leurs publications scientifiques. De tels travaux viendront-ils, de plus en plus nombreux, de l'URSS, en raison du développement de ses ressources et de son potentiel humain et scientifique ? Ou demeureront-ils relativement peu importants, en raison de l'atmosphère générale de conformisme et de méfiance à l'égard de la pensée créatrice ? Seul l'avenir le dira. ( Traduit de l'anglais) EUGENE RABINOWITCH • •
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