Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

B. RABINOWITCH . directeur d'un ~r~d insti~ut de recherches agricoles, et pr~tege d~ dictateur tout-puissant, Lysenko fa1U1t devemr le maître de la biologie (~mon de toute la science) en URSS. Des phys1ologues et cmbryologues distingués - Orbeli, Schmalgauzcn et autres - furent censurés et ob~gés de . se rétracter publiquement. Un stnct pavlov1sme fut déclaré obligatoire dans la ph~siologie du sy~tème nerveux et en psycholo~1e. 7 !;es f31?-tais~edse Mme Lépéchinskaïa, qui pretendait avoir demontré l'existence de matière vivante en dehors des cellules, furent récompensées par un prix Staline. 8 · . Que l',opp<:>sitio_n ~u~ vues e~trêmes du lysenkisme nait Jamais ete completement matée on peut le supposer lorsqu'on songe que les articles ~e ~ysenko. ;t de ses élèves n'étaient presque Jamais publies dans les revues de l'Académie des sciences. La publication, dans une revue de . l'Académie, ~e l'article d'un parasitologue érmnent, décrivant l'apparition de taches sur les cous .d'une portée de lapins nés de parents ~o~t, les · cous avaient été systématiquement 1rntes par des morsures de tiques, fut un événement exceptionnel. En ce qui concerne la physique, la cabale la plu~ ~enace fut dirigée contre l'interprétation statistique de la mécanique quantique : le principe d'incertitude de Heisenberg, le concept de complémentarité de Bohr. La tendance de nombreux théoriciens de la physique moderne à rejeter la notion de « réalité » des phénomènes physiques et à la remplacer par un système de relations mathématiques entre « grandeurs observables » constituait un défi au matérialisme dialectique, pour lequel l'esprit humain est doué de la capacité innée de percevoir les réalités du monde physique - ces réalités n'étant elles-mêmes, selon l'étroit postulat du x1xe siècle, que des « modes » différents de « mouvement » de la matière. Certains physiciens occidentaux, parmi lesqu~ls Einstein, Lou!s de Broglie et Schrodinger, ont egalement refuse d'admettre que les lois statistiques prédisant, à l'intérieur de limites défi~es, le ré_sultat des expériences pratiquement possibles, puissent remplacer de manière satisfaisante les lois causales reliant les phénomènes réels de la nature, que ce soit à l'échelle atomique ou à l'échelle ordinaire. Rien d'étonnant, donc, à ce que l'on encourage, en URSS, les efforts tendant à réinterpréter la mécanique quantique selon le principe de causalité. Malgré tout, l'élimination des physiciens partageant les idées prévalant en Occident sur la mécanique quantique ne fut jamais poursuivie d'une façon aussi radicale que celle des généticiens en 1948. Il est vrai que le rejet de l'« école idéaliste de Copenhague en physique théorique » (Bohr, Heisenberg, Born et la majorité des 7. Voir 1. D. London, Soviet Psychology and Psychiatry Bulletin of Atomic Scimtists, aoOt 1952. ' 8. Voir, du m!me auteur, « Toward a Realistic Appraisal pJ Soviet Seime,•• Bulletin of Atomic Scientists, mai 1957. Biblioteca Gino Bianco 219 théoriciens occidentaux) devint obligatoire et peut-être l'est encore. Quelques physiciens soviétiques vénérables, tels que J offé et Frenkel, furent pris à partie pour leur tiédeur dans leur conversion au matérialisme dialectique, conversion qu'ils manifestaient seulement dans les premiers chapitres de leurs ouvrages avec l'espoir que les censeurs ne liraient pas au-delà. Ils durent publier des rétractations et promettre de mieux faire à l'avenir. Mais la menace qui pesait sur eux, quoique manifeste pendant un temps, s'est adoucie au cours des dernières années. Les épurations, cependant, n'épargnèrent pas entièrement les physiciens. Parmi ceux-ci, les réfugiés juifs venus d'Allemagne après l'avènement d'Hitler furent sommairement expulsés après le rapprochement germano-soviétique en 1939. Certains, comme Houtermans, furent même arrêtés et gardés en prison de nombreuses années. Le théoricien le plus brillant de la nouvelle génération soviétique, Landau, connut aussi la prison. Khrouchtchev lui-même aurait déclaré que le d~yen des physiciens expérimentaux, J offé, figurait sur la liste des gens à exécuter au cours d'une épuration, et que son nom n'avait été rayé par St~ine que parce qu' « il peut encore nous etre utile ». Selon des sources qui semblent dignes de foi, Kapitsa lui aussi aurait été l'objet de sanctions pour avoir refusé, dit-on, de prendre part aux travaux sur la bombe atomique ; il aurait passé plusieurs années à la campagne, aux arrêts de rigueur. _Si, dans l'ensemble, les physiciens et les chimistes ont été mieux traités que les biologistes, c'est peut-être parce que les chefs soviétiques - y compris Staline lui-même - comprenaient que leur concours était essentiel pour renforcer la puissance militaire et industrielle de l'Union soviétique. Ils étaient considérés comme trop précieux pour qu'on osât les supprimer ; et ils firent la preuve qu'il en était bien ainsi. Stimulés par des encouragements matériels, par la pression de la direction politique et par l'esprit patriotique (qui a toujours joué un grand rôle chez les savants russes, surtout durant l'invasion allemande de 1942-45), les physiciens soviétiques maîtrisèrent rapidement les techniques nouvelles de la physique nucléaire. Ils produisirent la première bombe atomique en 1949, quatre ans seulement après Hiroshima. Ils sont arrivés, pr~sque en même temps que les savants américains, à une solution pratique du problème thermonucléaire. Ils se classent maintenant au premier ran~ des savants du monde entier pour la construction des grands accélérateurs de particules. Continuant la tradition des découvertes russes ~n aérodynamique et en balistique, ils ont maintenu leur large avance dans le domaine des ~usées _et_ont fabriqué, _en 1957, le premier sate~te artificiel et les premiers projectiles intercontmentaux. Par ce dernier succès, la science << soviétique ,. a révélé sa puissance, et son prestige en a été •

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