Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

B. BERL Maximilien Robespierre connaissait bien la Convention. D'autre part, la politique qu'il venait lui proposer lui paraissait parfaitement claire et simple, vu qu'elle l'était dans son esprit. Il voulait épurer les Comités, mettre en place un gouvernement robespierriste qui rétablisse l'ordre et conclue la paix. Rétablir l'ordre, donner son dénouement à 1a Révolution, chacun le voulait comme lui. Conclure la paix pouvait contrarier les grands industriels et les grands commerçants. Mais la France de 1794 n'était pas si évoluée économiquement ; elle restait trop agricole pour que l'immense majorité du peuple et de la Chambre ne désirât pas - comme Robespierre - que la guerre finisse et que les soldats de l'An II réintègrent leurs foyers. C'est pourquoi la Chambre l'avait applaudi. La confusion vint de ce qu'avant de mettre fin à la Terreur, Robespierre voulait s'en servir pour éliminer - dans une dernière charrette - ceux de ses adversaires qu'il jugeait irréconciliables, et qu'avant de négocier la paix il voulait mener la guerre très fortement, afin de traiter de la façon la plus avantageuse. Les députés, éperdus, doutèrent s'il voulait vraiment terminer la Terreur, ou au contraire l'aggraver, après qu'ils se seraient dessaisis, en sa faveur, du peu de pouvoir qu'il leur avait laissé. Il croyait qu'il serait compris, il le fut ·d'abord, mais il buta contre la méfiance d'hommes qui pensaient comme lui, mais qui n'étaient pas sûrs que lui-même pensât comme eux. D'où le revirement bizarre par lequel la Convention, quelques instants après avoir jugé, se déjugea, et revint sur la décision qu'elle avait prise d'afficher le discours. Il est trop clair que ce reniement suppose un malentendu, qui aurait certainement pu être évité si Robespierre avait suffisamment fréquenté les couloirs de la Chambre. Mais, depuis la chute de la Gironde, la Convention ne comptait plus beaucoup. Robespierre avait d'autres soucis. Il supputait, sans erreur, les sentiments des députés ; il se représentait moins bien leurs humeurs et leurs frayeurs. Il perdit donc pied. Pourtant, il triompha, le 6, aux Jacobins. L'équivoque, néanmoins, subsiste. Robespierre n'a plus de majorité, mais où est la majorité ? Où est d'ailleurs le gouvernement ? Où est l'opposition ? Les députés, qui tremblent, ne veulent plus de discours, ils veulent des gages. C'est alors que travaillent les agents Biblioteca Gino Bianco 213 d' Amar, de Fouché, de Tallien, qu'on échange non seulement des promesses, mais des signatures, qu'on vend à tel député tel dossier de police, qu'on lui dit : « Si je voulais te perdre, est-ce que je te donnerais, est-ce que je détruirais, devant toi, cette pièce ? » Saint-Just espère encore recoller la porcelaine que Robespierre a brisée. Il n'approuve pas le discours, il ne le blâme pas non plus. Il admet qu'on a affolé Robespierre, il ne comprend pas les oscillations, les contradictions du Comité. Il ne va pas aux Jacobins, reste avec ses collègues et prépare son propre discours, qui est un chef-d' œuvre de souplesse. Peut-être serait-il parvenu à rétablir provisoirement la paix. Le malheur voulut que Robespierre ait attaqué, avec véhémence, aux Jacobins, ses collègues du Comité, et que le propre secrétaire de Saint- Just, qui se trouvait dans la salle, l'ait acclamé,. comme toute l'assistance. Collot d'Herbois l'apprend. Il s'effraie, il s'enflamme. De même que Robespierre, l'avant-veille, soupçonnant SaintJust de jouer un double jeu, de pencher vers ses ennemis, Collot le soupçonne de perfidie et de vouloir le livrer à Robespierre. Certains disent qu'il se précipite sur lui, pour le fouiller, lire ses notes. Peut-être n'en est-il pas venu là, mais il doit être très violent, injurieux. « Quelqu'un, cette nuit, a flétri mon cœur ! » dira Saint- Just. La dernière chance de conciliation s'est donc évanouie avec l'aube. A cinq heures du matin, Saint-Just plie ses papiers et quitte le Comité. Ses collègues sont persuadés qu'il n'est venu, n'est resté qu'en accord avec Robespierre, afin de les espionner, de les paralyser. Tout nous donne à croire, au contraire, qu'il voulait traiter avec eux. Voilà donc qu'ils le regardent comme leur ennemi le plus dangereux, le plus hypocrite, le plus implacable. Sa situation est encore plus confuse et plus fausse que celle de Robespierre. Celui-ci au moins voulait qu'on changeât le Comité. SaintJust voulait rester neutre et arbitre entre Robespierre et ses collègues. Arbitre suspect à Robespierre et rejeté par les autres. Il devait parler, il allait parler. Mais à quel titre ? Comme membre du gouvernement ? Comme ennemi du gouvernement ? Toute la question est là. 11 commence son discours. Mais il faudra bien que les députés, eux, votent. Et ce vote engage leur tête. Qu' arriv.:ra-t-il ce soir ? Demain ? On sait seulement qu'aujourd'hui le Comité de Sûreté G 'nérale

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==