Bicentenaire de Robespierre* LE 9 THERMIDOR par Emmanuel Berl E 9 THERMIDOR est avec - et bien entendu, après - le 14 juillet une des dates de notre histoire qui conservent le plus de puissance pathétique pour la sensibilité des Français. Elle signifie la fin de la Révolution, dont la prise de la Bastille signifie le commencement. Elle signifie même la revanche de la réaction. Le mot «Thermidor» est entré dans le langage mondial. Trotski traitait Staline de «thermidorien». La personne de Robespierre s'était si bien identifiée avec la Révolution française que la fin de l'un et celle de l'autre semblaient devoir coïncider, en vertu d'une concordance préétablie « dans les siècles et dans les cieux». C'est pourquoi il y a peu d'événements historiques qui aient suscité plus de travaux et mobilisé plus de passions. 11y en a peu qui soient plus célèbres et plus méconnus, parce qu'il y en a peu dont on ait tant parlé, et dont on ait parlé avec moins de froideur. Le récit de Michelet reste un des plus émouvants de toute la littérature française. L'exécution de Robespierre et de Saint-Just continue, après bientôt deux siècles, à être ressentie comme une douleur ou comme une joie personnelles par ceux qui en entendent le récit. On ne peut s'étonner beaucoup si, dans ces conditions, le récit risque d'être inexact, qu'il soit fait par les amis ou les adversaires de la Révolution. • Voir igalement, dans nos pr~c~dents num~ros, Robert Petitgand : • L'homme de la Vertu• (janvier 1958); Michel Collinet : • Le monde ferm~ de la Vertu• {man 1958); • Observations sur Maximilien Robespierre • de Philippe Buonarroti et • Notes aur Robespierre• d'Auguste Blanqui (mai 19,a). Biblioteca Gino Bianco Beaucoup d'historiens - à commencer par le manuel classique que j'ai sous les yeux - parlent comme si le gouvernement de la France, au printemps de 1794, avait été celui de Robespierre, et le 9 thermidor donc, une sorte de coup d'État qui provoqua la chute de ce gouvernement. Mallet et Isaac parlent même d'une « conspiration contre Robespierre». Et d'ailleurs, à l'époque, beaucoup de personnes à Londres, à Vienne, à Berlin, parlaient des « ministres de Robespierre». Cela tient sans doute au prestige qu'il a eu et à l'influence qu'il a exercée. Cela tient aussi, je pense, à notre habitude de voir, en France et hors de France, des «cabinets• formés, présid~s par un chef, dont le nom les désigne. La notion de gouvernement collégial heurte cette habitude, qui la brouille. Il en résulte beaucoup d'inexactitudes et de malentendus sur le gouvernement de l'URSS comme sur celui du Directoire et de la Convention. A relire la collection de nos journaux, on pourrait croire, par exemple, ·qu'il existait, au Kremlin, un gouvernement Malenkov, qui tombe, victime d'une opération politique montée par M. Khrouchtchev et ses amis. Or, ce n'était pas M. Malenkov, mais bien le Politburo qui détenait le pouvoir. Certes, l'influence de M. Malenkov y était grande. Elle avait, néanmoins, ses limites : la preuve en est que M. Malenkov chercha à éliminer certains membres du Politburo, dont M. Khrouchtchev. M. Malenkov était d'accord avec quelques-uns de ses collègues ; ils disposaient d'une grande autorité, ils étaient pourtant:minoritaires, comme la suite fit voir. Ils auraient pu réussir, il s'en est •
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