Le Contrat Social - anno II - n. 4 - luglio 1958

200 tions à venir de la société. Tout cela repose en dernière analyse sur l'idée que les êtres humains sont capables - une fois l'humanité délivrée de la lutte féroce pour la survivance physique - de goûter entre eux l'harmonie, l'entr'aide et la liberté. L'idéal communiste demeure un mythe, généralement enveloppé dans des sentiments généreux, romantiques et parfois chrétiens. Pour être approuvé de beaucoup de gens, il lui suffit d'êt~e en _opposition complète avec tout ce que la vie habituelle de l'homme comporte de déplaisirs, de restrictions et d'atrophies. Le communisme vi~nt restituer le Ciel à ceux qui ont perdu toute foi dans un au-delà surnaturel-ou qui se refusent à admettre que l'homme n'est pas assez maître de son destin pour pouvoir, avant la tombe, anticiper sur les bonheurs promis. Dans le communisme moderne, les concepts du progrès humain et de l'empire matériel, toujours plus éte1;1du, exercé par l'homme sur la nature, s'assocrent pour suggérer .la possibilité d'une réalisatio~ prochaine de l'utopie. Pour se pénétrer du climat et des circonstances dans lesquelles se sont formés les grands linéaments du système marxien il n'est pas inutile de prendre une vue générale de la crise intellectuelle des années 1840. Une révolte romantique contre l' or~e. existant a pris pour cible la bourgeoisie ca~it!11ïste ~~ntante, que Car!yle aperçoit « envoutee au milieu de ses sacs d' ecus et de ses livres de comptes ». L'opinion est de plus en plus frappée par le contraste aveuglant entre la pauvreté et l'insécurité des masses et une abondance théo~que 9ue le progrès_ sci~ntifique et technique (r~pre~ente par la machine a vapeur et le métier mecamque) semble mettre à la portée de l'huma- ~té: Il_ est facile ~'en conclure que, seules, des mst1tut1ons mauvaises et une organisation économique défectueuse, maintenues par les intérêts égoïstes d'une classe de ·privilégiés, barrent la route conduisant au Millénium. Ceux-là même . '. qw ne s ·msurgent pas contre l'ordre et les valeurs existantes n'en sont pas moins ébranlés et commencent à douter des vertus d'un système d'inégalité croissante. En effet le régime de libre concurrence, considéré à cette .phase, semble combiner un appauvrissement toujours plus étendu des masses dépossédées avec une accumulation évidente des biens et richesses de quelques-uns · et l'idée se répand, par réaction, d'une direction économique intelligente et d'inspiration sociale exprimée dans une organisation adéquate : un~ telle organisation ne serait-elle pas nécessaire et suffisante pour corriger les anomalies existantes et pour garantir la prospérité et la félicité universelles ? L'« organisation du travail », l'« associati0n » fournissent les maîtres-mots qui donnent corps, au moins en apparence, à une pensée encore inconsistante ou disparate. Sur le plan des faits, les événements de I 848 ne tarderont pas à démontrer que la force et l'ampleur de la menace «communiste» ont été fort exagérées. L'ordre existant et la bourgeoisie possédentencorela vitalitéet l'a.~~\lrmice néces ... Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL saires pour parer aux attaques venant de l'extrêmegauche ou d'en bas. Il n'en reste pas moins que la crainte du «communisme» dans les années précédant 1848 a joué un rôle essentiel dans la , , pensee europeenne. Marx, produit de son temps Il est d'usage de demander à des précurseurs les éléments du système et de la philosophie de Marx; on s'attache avec moins d'attention au fait que Marx, en rassemblant les courants de pensées et d'émotions qui sont ceux des années 1840, peut déjà tirer des conclusions bien connues. L'évolution historique, qu'il proclame inévitable, lui paraît telle parce qu'elle est déjà reconnue comme inévitable dans de nombreux cercles militants ; inversement, elle est déjà envisagée avec épouvante par ceux qui ·craignent les bouleversements sociaux. Ce qui manque encore, c'est la formule d'ensemble qui exprimera en un tout coordonné tous les courants qui portent aux yeux des contemporains la marque de la nécessité. Ce sera là l' œuvre de Marx. Les principes d' « organisation du travail » et d' « association », si généralement acceptés dans les milieux de gauche, trouvent leur place chez Marx dans la phase «socialiste» du processus diaJectique, so,us le nom de dictature du prolétariat. Au-dela de cette phase, Marx situe le suprême avènement de la société communiste. I_ln'y a rien non plus de nouveau dans l'application à la lutte de classes des schèmes dialectiques hégéliens. Entre autres, l'économiste allemand von Thünen en a fait usage en I 842, mais c'était pour déplorer la tendance à combattre un mal par un autre, qui paraît jalonner jusqu'au bout la route de la Justice et de la Vérité absolues. C'est ainsi qu'il condamne « les espoirs chimériques et les exigences insensées des communistes », en déplorant le fait que « les surenchères et ~es exagérations » soient ce qui entraîne le plus facilement les masses, alors que la modération les laisse froides. Von Thünen ne renonce pas _ · ~ 1:e~poir q~e les co!11ba~s ans merci qui semblent mevitables a tant d espnts pourront être épargnés à l'humanité. 49 Marx, au contraire, salue les forces qui lui paraissent destinées à détruire les valeurs et à écraser les systèmes contre lesquels il est déjà en rébellion ouverte ; avec l'ins- !inct d'un grand stratège ré,rolutionnaire, Marx incorpore dans son système les forces qui à cette époque semblent irrésistibles en raison de leur attrait pour une génération inquiète et turbulente. Il s'empare des tendances subjectives de cette décennie, leur attribue une éternelle validité, et les rassemble dans un robuste système. (Traduit de l'anglais) ÜSCAR J. HMiMEN 49. Johann Heinrich von Thünen, « Der isolierte Staat mit einer Kulturfahige Wildnis umgeben in Bezug auf Arbeitslohn und Zinsfuss » (1842), dans Der isolierte Staat in Beziehung auf Landwirtscha/t und Ngtf()na/pk.CJr,w,ie 1 ie td, (léga1 19iJ)., pp. 438-44,

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