Le Contrat Social - anno II - n. 3 - maggio 1958

CORRESPONDANCE L'Université et l'idéologie Nous AVONS reçu de Mme J. Parain-Vial, maître de conférences à l'Université de Dijon, la lettre suivante: Vous avez publié dans le numéro de janvier 1958 du Contrat social - dont j'apprécie tout particulièrement l'esprit et la documentation - un article sur l'Université française et l'idéologie politique. Je crois que, tout à fait valable pour la période qui va de 1870 à 1930 environ, cet article ne met pas assez en évidence un danger nouveau de politisation, qui est sans commune mesure avec les précédents puisqu'il ne s'agit pas seulement de convaincre d'une doctrine politique, mais d'inculquer toute une conception de vie qui, de surcroît, sert les desseins d'une puissance étrangère : j'entends l'enseignement pratique du marxisme dans les écoles d'État. Je ne traiterai pas du problème extrêmement grave de l'instruction primaire sur laquelle je n'ai pas de renseignements de première main, mais uniquement de celui de l'enseignement secondaire. Les théoriciens de la laïcité prétendent que l'école d'État doit être placée sous le signe de la neutralité. Pour ma part, je ne crois pas à la possibilité d'une éducation neutre. Néanmoins il faut bien reconnaître que, tandis que la prétendue laïcité tendait dans le primaire à devenir une propagande antireligieuse, elle gardait, dans l'enseignement secondaire et supérieur, un certain sens, dans la mesure où les professeurs s'efforçaient bien plus de former le jugement de leurs élèves que d'enseigner une métaphysique, et laissaient sur ce point le champ libre à l'influence familiale. De plus la variété des tendances politiques, une discrétion d'hommes cultivés et le respect de l'âme des jeunes gens contribuaient à assurer un enseignement qui dans l'ensemble évitait le sectarisme. Enfin la plupart des professeurs du secondaire considéraient comme indigne d'eux d'entretenir des élèves mineurs de l'actualité politique. Les choses ont changé le jour où les communistes sont entrés dans l'Université. Cependant, tant qu'ils enseignent les mathématiques, la physique ou même le latin, le problème de la neutralité ne se pose pas d'une manière aiguë, sauf si les professeurs sortent des limites de leur enseignement pour faire de la propagande. Mais même dans ce cas, qui n'est malheureusement pas rare, leur influence n'est pas encore très dangereuse, car les enfants comprennent bien qu'à partir de tel moment, le professeur compétent en mathématiques ou en latin ( et que comme tel ils doivent respecter) cesse de faire son métier et laisse la place au membre d'un parti politique. Le cas est déjà beaucoup plus grave quand il s'agit de l'enseignement de l'histoire. Cependant, un enfant ayant l'occasion, au cours de ses études secondaires, d'avoir cinq ou six professeurs d'histoire, l'interprétation marxiste de l'un a des chances d'ltre corrigée par l'interprétation d'un autre. BibliotecaGinoBianco Il est par contre invraisemblable que le cas de l' enseignement philosophique n'ait pas encore attiré l'attention des parents d'élèves et des pouvoirs publics. Il faut savoir d'ailleurs que le parti com1nuniste donne comme consigne à ses jeunes intellectuels de préparer le CAPES et l'agrégation de philosophie. En effet, le programme de philosophie permet au professeur communiste de faire pendant neuf heures par semaine et aux frais de l'État un cours de propagande communiste. Les élèves qui préparent le second baccalauréat constituent un auditoire de choix, tant par la qualité intellectuelle que par leur âge qui conserve de l'enfance la confiance spontanée en la parole du Maître ; de plus ce Maître de philosophie sera pour la plupart le seul, et pour les autres celui qui les aura le premier marqués. On m'objectera que le cas du professeur marxiste est exacte1nent le même que celui d'un professeur catholique ou kantien, qu'il fait un cours marxiste comnze les autres font un cours catholique ou kantien. Prétendre cela constitue une erreur dont ni les parents d'élèves ni le gouvernement ne mesurent la gravité. Reconnaissons bien qu'on ne peut demander à un professeur de philosophie, sous peine de l'obliger à renoncer à tout ce qui fait la dignité et la signification de sa tâche, d'enseigner sur la liberté, la morale ou l'existence de Dieu le contraire de ce qu'il pense et encore moins une doctrine laïque qui n'existe pas. Mais en fait, jusqu'à présent, et sauf de rares exceptions, les professeurs de philosophie, sans cacher leurs propres opinions, n'avaient pas empiété sur la liberté de leurs élèves, en ce sens qu'ils s'efforçaient, quelle que fût leur propre pensée, d'une part de former le jugement de leurs élèves et de leur permettre, ainsi, de juger personnellement dans quelle voie était la vérité ; d'autre part de leur faire comprendre les grands philosophes depuis Platon jusqu'à Bergson, Heidegger ou. Gabriil Marcel, en passant par saint Tho1nas, Descartes, Malebranche, Kant, Hegel et Marx lui-mên1e. Rien de plus f armateur pour une jeune intelligence que la lecture des grands penseurs et la réflexion sur leur accord cor11n1e sur leurs divergences. On doit noter, en outre, que 1° les professeurs de philosophie dignes de ce no111exposent avec le n1aximum de bonne foi possible les penseurs dont ils critiquent la doctrine et cela d'autant plus qu'ils 1z ont pas l'illusion, pour peu qu'ils soient intelligents, de posséder la vérité, mais seulement d'être dans la voie qui peut-être, y conduit; 2° le catholicisrne, le bergsonis1ne ou le kantisme ne constituent pas des partis politiques organis ·s ne briguent pas le suffrage des électeurs et 11ereçoi ent pas leurs consignes d'une puissance étrangère ; 3° enfin les abus qu'on avait pu constater jusqu'à présent n étai nt pas l'effet d'une doctrine, mais celui de la sortis et de l'ignorance du professeur, qu'il fût chrétien ou libre penseur. C'est au reste contre leurs propres Eglises que s retour11nt les propagandes faites d'une n1anière aussi borné quantiphilosophique, et elles sont peu dangereu es pour la neutralité de l enseig,,e,ne,it, si li s l restent p ur I formation de la jeunesse. Le re,nèd à e abus, ,z t ut a , est simple : il suffirait d'exiger de l'Etat "" ,,, il/ ur r r"-

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