QUELQUES LIVRES Leur contenu est également frappant. Nous y retrouvons la sensibilité parfois un peu larmoyante, << Adieu, tendre Sombreuil », chère au xv111esiècle finissant, le style de l'homélie célébrant les vertus publiques et privées, à côté de ce tour romain, pompeux et de convention qui connut alors la vogue que l'on sait. Mais il existe une autre inspiration, plus authentique : elle a traversé le ciel de la Révolution comme un éclair, ce sont les chants de la foule, nés de l'enthousiasme collectif brodant sur l'actualité quotidienne avec une irrésistible spontanéité. Grossiers ou spirituels, violents ou goguenards, ils ont la vigueur d'un assaut. L'absence de tout sentiment de culpabilité s'y allie au goût du combat et à un optimisme joyeux dont on trouve peu d'exemples dans la littérature révolutionnaire européenne. A certaines chansons, l'emportement du rythme donne un éclat et une sonorité remarquables. Celles-là seules ont survécu et parmi elles, le Ça ira et la Carmagnole, deux médailles frappées à l'effigie de la Révolution. Voilà de quoi passionner. Félicitons les auteurs de s'être fiés au pouvoir « sentimental >> de la chanson : par elle le temps se « retrouve ». On regrettera simplement que ce beau livre, qui plaira au bibliophile comme à l'amateur de pittoresque, ne soit pas plus ato:idamment illustré. Quelques estampes ou gravures du temps l'eussent rendu encore plus attrayant. ROBERT PETITGAND Salaires paysans HENRI WRONSKI : Rémunération et niveau de vie dans les kolkhoz. Le troudoden. Préface de PIERREFROMONT.Avant-propos d'ANDRÉPIATIER. Paris, Société d'édition d'enseignement supérieur, 1957, XXIV + 231 pp. L'AUTEURa entrepris une analyse de toutes les règles qui déterminent les modes et le niveau de rémunération des travailleurs dans les kolkhozes soviétiques. Comme on le sait, cette rémunération est effectuée au rendement, à l'aide d'une unité comptable spéciale, le troudodien ( textuellement, troudodien veut dire « journée de travail », mais en fait on emploie ce terme dans un sens très différent). La rémunération revenant au kolkhozien pour tout travail fourni se traduit non par une somme d'argent, mais bien par un nombre déterminé de troudodien, la valeur d'un troudodien, en nature et en espèce, n'étant fixée qu'à la fin de l'année, en fonction des résultats obtenus par le kolkhoze. Aussi l'auteur examine-t-il séparément • 1 le troudodien, mesure de travail >> et « le troudodien, mesure de consommation » (il serait plus juste de parler à ce propos de 1< mesure de répartition JI), La troisième partie de l'ouvrage expose les changements qui se sont produits dans la politique agraire soviétique depuis la mort de BibliotecaGinoBianco 179 Staline jusqu'au printemps 1956. Cette présentation facilite considérablement la lecture. La question n'en demeure pas moins ardue, puisque les règles présidant à la rémunération dans les kolkhozes sont elles-mêmes d'une extrême complexité. Le calcul du nombre de troudodien qui doivent récompenser un travail déterminé est analogue au calcul du salaire dans l'industrie soviétique. Tous les travaux sont évalués selon les normes de rendement qui subissent périodiquement des révisions pour assurer leur relèvement perpétuel. D'autre part, les opérations sont classées d'après l'effort physique ou le degré de formation qu'elles exigent. Les réformes successives de ce classement tendent à ouvrir de plus en plus l'éventail des rémunérations. Au départ, en 1931, on fixa quatre classes, les taux tarifaires allant, en cas d'exécution à cent pour cent de la norme, de 0, 75 à 1,50 troudodien, donc du simple au double. Une nouvelle échelle comportant sept classes fut établie en 1933, avec le taux de la septième classe (2 troudodien) quatre fois supérieur à celui de la première (0,5 troudodien). Le barème introduit en 1948 comporte neuf classes dont la plus élevée équivaut à 2,5 troudodien, quintuple de la classe de base dont le taux demeure inchangé. Finalement, des troudodien supplémentaires sont attribués aux brigades ayant obtenu des résultats supérieurs à la n1oyenne du kolkhoze, ce qui correspond aux primes versées dans l'industrie. L'analogie avec le salaire payé aux ouvriers de l'industrie s'arrête là. En effet, une quatrième règle s'applique dans les kolkhozes : depuis 1938, on prescrit un minimum obligatoire de travail que doit exécuter chaque kolkhozien valide. Ce minimum fut d'abord fixé à 60 à 100 troudodien par an, suivant les régions ; en 1942, il fut porté à l 50 troudodien pour les régions cotonnières et à 100 et 120 troudodien pour les autres contrées; en 1954, les kolkhozes ont été chargés de procéder à un nouveau relèvement et les éléments d'information dispersés à travers la presse soviétique montrent que les nouveaux minima se situent entre 200 et 300 troudodien. Le kolkhozien qui n'accomplit pas ce minimum obligatoire se trouve exclu de la répartition du revenu à la fin de l'année et les troudodien qu'il a « gagnés n au cours de l'année sont annulés. On ne trouve pas de principe analogue dans la rémunération du travail industriel. Dans sa magistrale étude sur l'agriculture soviétique, Naoum Iasny a démontré qu'il s'agit là d'une règle empruntée au système féodal. M.Wronski n'aborde pas cet aspect de la question, se bornant à énumérer les données techniques du problème. Il faut le regretter, car en poursuivant les recherche entamées en cc sens par Iasny, il aurait pu analyser plus à fond qu'il ne le fait la structure du travail dans les kolkhozes. Mais c'est au moment du calcul de la valeur du troudodien que l'affaire devient vraiment compliquée. En effet, avant de procéder à cc calcul le kolkhoze doit acquitter ses obligations enver l'État. Ces obligations prennent les forme le
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