Le Contrat Social - anno II - n. 3 - maggio 1958

QUELQUES LIVRES cohésion par rapport aux régimes démocratiques. Certains observateurs prêtaient il y a vingt ans les mêmes mérites au régime national-socialiste allemand qu'aujourd'hui au communisme soviétique : même planification politique à long terme et en détail, même unité et même coordination au stade de la réalisation des plans. Quoi qu'il en soit, l'étude de M. Dallin confirme avec précision, en analysant l'exemple nazi, ce que nombre d'observateurs ont toujours soupçonné dans le totalitarisme : son inefficacité, les tensions internes, querelles implacables, fissures qui ne peuvent manquer d'y ,. apparaitre. ' On connaît depuis longtemps le talent allemand pour l'organisation méthodique; cependant la dictature totalitaire nazie lança en 1941 la campagne de Russie sans l'avoir préparée politiquement. Il n'y eut pas en haut lieu d'examen préalable des problèmes politiques et économiques que l'occupation risquait de poser. Et puisque, dans un système totalitaire, on a une confiance tacite en la sagesse des chefs suprêmes, rien ne fut prévu pour remédier, le cas échéant, à leur carence. Lorsqu'ils se trouvèrent aux prises avec les réalités mouvantes de la guerre elle-même, les divers échelons subalternes de ce commandement qu'on supposait unifié - mais auquel en fait seules la discipline et l'idéologie du Parti donnaient un semblant d'unité - s'affrontèrent avec une telle violence que M. Dallin est amené, à juste raison, à qualifier de g11erre sans merci la lutte que se livraient les bureaux ; c'était le règne de l'anarchie autoritaire. « On a rarement vu, écrit-il, autant d'énergie à gouverner se perdre dans une telle frénésie, dans un tel chaos planifié, d'égorgement réciproque. » Les germes d'inefficacité administrative que la mainmise sur la presse et l'opinion publique avaient, en temps de paix, réussi à cacher aux regards, apparurent pleinement au moment critique. L'analyse des politiques pratiquées par les Allemands à laquelle procède M. Dallin décrit fort bien un second aspect du totalitarisme. Tout totalitarisme est essentiellement apolitique si nous désignons par le terme « politique » la poursuite de fins limitées par les moyens restreints dont l'homme dispose. Le totalitarisme cherche à atteindre des solutions totales et finales ; il repose sur la conviction que le pouvoir dictatorial rend tout possible ; un régime totalitaire peut donner une impression d'extrême souplesse et de pragmatisme, mais repose sur une foi dogmatique et inébranlable en la justesse fondamentale de sa doctrine. Le résultat est qu'il se prend à ses propres pièges et voit ses intentions échouer. Ces caractéristiques si profondément enracinées dans la pensée des chefs totalitaires les rendent incapables de comprendre d'autres peuples, et expliquent leur tendance à mal interpréter les réactions de leurs adversaires. Des erreurs de ce genre contribuèrent à l'écroulement allemand en Russie, bien que les armées nazies aient remporté au début des succès considérables. L'ouvrage de M. Dallin montre que le Reich fut peu désireux, Biblioteca Gino Bianco 177 puis incapable, de miser sur les tensions internes propres à l'organisation sociale soviétique, et que, pour cette raison, il ne réussit pas à profiter de l'occasion lorsque l'armature de l'organisation intérieure de la Russie soviétique fut profondément ébranlée par la crise militaire et morale. * )f )f Sous LES COUPS que lui assénait la machine de gt1erre allemande, la résistance soviétique parut s'écrouler dès les premiers mois de la guerre. Le désir de recouvrer leur indépendance s'éveilla rapidement au sein des populations non russes, et, fait plus significatif encore, de nombreux Russes au patriotisme irréprochable étaient prêts à prendre fait et cause contre le régime stalinien. Le plus important d'entre eux fut le général Andrei Vlassov, commandant de la deuxième Armée soviétique, qui, après s'être rendu aux Allemands, leur conseilla vivement d'organiser un mouvement russe antistalinien. M. Dallin donne une analyse pénétrante et convaincante de la personnalité et de l'importance de Vlassov et de son mouvement. Il montre que Vlassov n'était ni avide de gloire politique ni prêt à vendre ses services, et qu'il essaya de convaincre les Allemands qu'ils devaient reconnaître et utiliser la forte conscience nationale des Russes. L'absence, dans le mouve1nent de Vlasso,,, de toute sympathie envers les Allemands ou l'idéologie nazie fut soulignée en ces termes dans un rapport rédigé en 1944 par un dirigeant du parti hitlérien : Le mouvement Vlassov ne se sent pas solidaire de l'Allemagne... Il a de fortes sympathies pour l' Angleterre ... Le mouve!llent Vlassov n'est pas national-socialiste... C'est un mélange édulcoré d'idéologie libérale et d'idéologie bolchévique. Il est important de savoir qu'il ne lutte pas contre les Juifs et refuse d'admettre qu'il existe un problème juif spécifique. Les Allemands ne réussirent pas non plus à utiliser les mouvements séparatistes des minorités nationales (dont les plus forts se manifestaient en Ukraine et chez les peuples de religion musulmane), ni l'opposition des Russes eux-mêmes au régime. La raison essentielle de cet échec fut que la doctrine nazie re11dait inconcevable l'idée d'une coopération entre Allemands et << peuples inférieurs ». Ce n'est que pendant les dernières phases de la guerre, et devant la menace de la défaite, qu'un nombre croissant de chefs militaires alle1nands se déclarèrent en faveur d'un recours à la guerre psychologique afin de s'assurer la collaboration d'éléments méc ntents de la population. On vit mê1ne, à cette époque, certains cl1efs SS mettre sur pied et incorpor r des unités militaires slaves, ce qu'ils avaient absolument refusé d'envisager e11 1941. Cette attitude plus réaliste apparaît dan un rapport de la deuxième Armée ail mand dat de 1943, où il est dit : << Nous ne pouv n d min r l'étendue considérable de territ ires c nqui qua les Russes et les Ukrainien qui y vivent ; n n pas contre eux. » Toutes le re ommandati n de e

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