Le Contrat Social - anno II - n. 3 - maggio 1958

176 derniers. En ce sens, la proposition contient une certaine vérité, mais très partielle, car le syndicalisme renie par exemple la loi Le Chapelier, .111aisnon les droits de l'homme ni les idées égalitaires des révolutions américaine et française. Quand l'auteur affirme aussi que le syndicalisme « répudie complètement le marxisme », il ne voit le «marxisme» qu'à travers un parti dirigeant et omnipotent, c'est-à-dire qu'il confond plus ou moins le marxisme avec le bolchévisme. Il néglige de rappeler que dans le Manzf este communiste comme dans les statuts de la Ire Internationale, Marx s'est refusé à diriger le 1nouvement ouvrier et qu'au contraire il a aidé à la création d'une Internationale foncièrement syndicale par sa structure et ses buts immédiats. Si le syndicalisme américain renie le «marxisme », ce ne peut être que le marxisme dogmatique cristallisé dans l'ancienne social-démocratie allemande ou le bolchévisme russe, mais non le 1narxisme de 1864, tout imprégné d'une idée évolutionniste, aidant la classe ouvrière à conquérir une place croissante dans la société, et soucieux de solidarité internationale. On ne voit pas en quoi cela contredirait la pratique des syndicats américains de garder une parenté spirituelle avec les trade-unions britanniques du temps de Marx. M. Tannenbaum rejette le socialisme parce qu'il est étatique, mais ne se demande pas s'il y a eu des écoles socialistes non étatiques, et si justement le syndicalisme américain n'a pas un lien commun avec ces écoles, lien inconscient, dissimulé sous le pragmatisme et l'anti-historicisme du -mouvement ouvrier des États-Unis, mais qu'un sociologue soucieux de ne pas se satisfaire d'apparences doit avoir à tâche de rechercher. Identifiant le syndicalisme avec une communauté humaine idéale, « qui, écrit-il, intéresse l'homme tout entier et incorpore les possibilités à la fois de liberté et de sécurité essentielles à la dignité humaine», l'auteur ne lui trouve de répondant historique que dans la corporation médiévale. C'est en quoi sans doute il le juge « contre-révolutionnaire », par un usage •singulièrement restreint du terme de « révolution ». Pour défendre sa thèse, il fait une description idyllique de la corporation, négligeant les conflits de classe et le système d'explnitation qu'elle recelait derrière sa façade de privilèges. Mais, laissant de côté cette comparaison discutable, constatons que la pratique des syndicats, décrite par M. Tannenbaum, est fort éloignée de la communauté humaine qu'il revendique pour eux. Le syndicalisme connaît, avec ses rivalités internes, une l1iérarchie souvent peu démocratique. Contraint pour se développer de conquérir le monopole de l'emploi, il protège la sécurité du travailleur aux dépens de sa liberté. Comment pourrait-il alors intégrer l'homme tout entier? L'homme ne peut rester libre que dans la mesure où, participant à une institution si nécessaire soit-elle pour assurer son existence, il peut cependant lui échapper. C'est dans la multiplicité des institutions, dans le libre choix de celles-ci que l'homme peut conserver sa liberté. M. Tannenbaum a raison de dire que le s~ndiBiblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL calisme s'oppose à l'État planifié,. dans la mesure où il identifie celui-ci avec le totalitarisme : mais il a tort de ne pas voir qu'un syndicalisme s'emparant de l'homme « tout entier » serait une forme d' oppression peu différente de celle de l'État totalitaire. Or, la perspective qu'il trace de l'avenir du syndicalisme risque justement de créer cet aspect nouveau du totalitarisme. Parlant des rapports contractuels entre la société anonyme d'un capitalisme hautement développé et les forces gigantesques du syndicalisme, il arrive à la conclusion que « la société anonyme et le syndicat fusionneront éventuellement dans une association commune et cesseront d'être une maison divisée » (p. 176). Tout nous autorise à penser que cette association commune serait fort peu démocratique et constituerait une oligarchie unifiée. Si des oligarchies existent, il est préférable pour la liberté de l'homme qu'elles restent divisées et même antagonistes. DaI1s cette « association commune » le syndicalisme perdrait sa raison d'être, car malgré ses tares intérieures, son rôle historique est de protéger le travailleur individuel contre les puissances capitaliste et étatique, mais non de s'allier avec ces puissances dans une domination à laquelle plus rien ne s'opposerait. En souhaitant cet avenir pour le syndicalisme, M. Tannenbaum le détruit, ce qui est certainement contraire à ses • • 1ntent1ons. MICHEL COLLINET • La Russie sous l'occupation ALEXANDER DALLIN : German Rule in Russia, I94I-I945. New York, St. Martin's Press, 1957. L'OUVRAGE de M. Alexandre Dallin constitue une étude exhaustive, et sans doute définitive, des différents aspects de la politique d'occupation pratiquée par les Allemands en Russie soviétique au cours de la seconde guerre mondiale. C'est un travail aussi remarquable par la quantité des sources qu'utilise l'auteur que par l'objectivité d'esprit ..a..vec laquelle il traite un sujet d'histoire contemporaine aussi riche en controverses. L'intérêt qu'il présente pour ceux qui étudient le communisme est double. Tout d'abord, bien qu'elle soit essentiellement constituée par une analyse de la politique allemande, cette étude ne peut manquer d'inclure un examen détaillé de l'attitude adoptée par les divers peuples de l'URSS envers le régime communiste et de la façon dont ils réagirent à l'assaut de l'Allemagne. D'autre part, en analysant le mécanisme du totalitarisme hitlérien, ce livre éclaire la dynamique interne de tout système totalitaire, qu'il soit nazi ou communiste. Les tenants du totalitarisme ont souvent tiré orgueil de la supériorité de son efficacité et .de sa

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