Le Contrat Social - anno II - n. 3 - maggio 1958

P. BUONARROTI de la vertu. Le Comité de salut public le disait soldé par l'Angleterre. Robespierre aperçut, dans les vices et dans les tentatives de ce factieux, le dernier obstacle qui restait à vaincre pour arriver au règne paisible de l'égalité et du peuple. Il résolut de le combattre : il scella son arrêt de mort. Quand la probité et la vertu furent mises à l'ordre du jour, quand l'immoralité fut déclarée contre-révolutionnaire, quand du haut de la tribune on proscrivit l'égoïsme et l'intrigue, quand des députés concussionnaires furent traduits devant le tribunal qui condamnait les traîtres, les factions immorales pâlirent et conçurent d'atroces projets. Une réforme, telle que la concevaient Robespierre et ses amis, est si contraire aux idées d'ordre social communément reçues, qu'il n'est pas étonnant qu'à côté de ceux qui la contrariaient, parce qt1'elle menaçait leur intérêt et leurs passions, il y eût des hommes qui ne la favorisaient pas, faute de la comprendre et de pouvoir la concilier avec leurs maximes et leurs anciennes habitudes; et c'est peut-être à cette fatale disposition des esprits que fut dû le rejet de deux grandes mesures, l'éducation conimune et l'allocation des biens nationaux au peuple. Si l'on en croit les révélations de quelques-uns des proscripteurs de Robespierre, la pensée manifestée de modifier les lois sur la propriété ne contribua pas peu à grossir le nombre de ses ennemis. Robespierre n'était pas matérialiste; il n'admettait pas non plus de révélation; mais il croyait fermement à la morale et à la vertu ; il pensait que les idées d'un Dieu rémunérateur et de la vie future devaient, pour le bonheur de la société humaine, s'identifier avec les lois de l'égalité, et en devenir le plus solide appui. L'athéisme des courtisans avant la révolution et celui professé de son temps par les intrigants, les immoraux, les ambitieux et les brouillons qui tendaient à l'ériger en dogme politique, l'affermissaient dans sa manière de voir à cet égard, et lui faisaient considérer comme inséparables le déisme et l'égalité. Ce fut donc pour défendre la morale outragée, l'égalité compromise et la liberté en péril, qu'il provoqua le décret par lequel furent solennellement reconnues l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme, principes sur lesquels il prétendait appuyer les institutions qu'il ne cessa de demander, de concert avec Saint-Just, son disciple et son ami. Robespierre avait successivement attaqué la Cour, les nobles, les prêtres, les bourgeois, les Girondins, les Montagnards immoraux, les trompeurs et les sangsues du peuple; tous se liguèrent contre lui, sinon de fait, certainement d'intention et de vœux. Il n'avait pour lui que le peuple laborieux et souffrant ; il ne fut pas difficile de le diviser, de le tromper et de le désarmer. Qui pourrait raconter toutes les ruses, toutes les calomnies dont furent assiégés les hommes crédules et timides pour les déterminer de se prononcer contre celui qu'ils avaient naguère admiré et flatté. On fit jouer surtout le ressort de la peur et cell1i de l'amour-propre blessé : Robespierre, disait-on, en voulait à tou ses collègues et allait les envelopper dans une proscription générale. La vérité est que eux qui BibliotecaGinoBianco 169 s'étaient compromis par des abus de pouvoir ou par des actes scandaleux d'immoralité étaient en quête de complices pour échapper aux peines qu'ils avaient méritées. Robespierre ne se dissimulait pas sans doute le nombre et l'acharnement de ses ennemis; peut-être les crut-il moins puissants dans la Convention nationale; mais il est probable, et l'on peut affirmer que, convaincu de l'impossibilité d'affermir la république et de sauver la révolution par la politique immorale et contraire aux droits du peuple, prônée par les fripons qui exerçaient l'autorité ou allaient s'en emparer, il aima mieux tenter un dernier effort au péril de sa vie que de survivre à la perte de l'égalité et à l'asservissement du peuple. Robespierre avait au Con1ité de salut public des rivaux et des ennemis. Ce Comité eut de l'énergie ; il rallia le peuple ; il préserva la France de l'invasion ; il comprima les factions ; il créa l'unité révolutionnaire, mais il ne conçut pas la réforme et en repoussa les idées élémentaires. Après avoir aplani les obstacles, il eût dû jeter les premières pierres d'un édifice durable, et à cet égard la majorité de ses membres manqua de plans de sagesse et de prévoyance. Saint- Just avait bien jugé les besoins de la France, l'incapacité de la Convention et la faiblesse de ses collègues du Co1nité, quand il se décida à leur proposer_ la dictature dans la personne de Robespierre; il avait le pressentiment des maux qui depuis ont fondu sur le peuple français, mais sa proposition, repoussée avec dédain, ne fit qu'accélérer la catastrophe dans laquelle s'ensevelirent les pensées vraiment vertueuses qu'on a attribuées à tort au Comité de salut public et à la Montagne conventionnelle. Ces pensées étaient encore plus étrangères à l'autre comité de gouvernement, dit de Sûreté générale, où l'esprit anti-plébéien et la rivalité d'autorité enfantèrent des menées bien plus méchantes et plus viles. Presque tous ceux qui le composaient se livrèrent à des actes révolta11ts et bas, dans la vue d'accabler la vertu dont ils étaient offusqués. Il n'est que trop vrai que beaucoup d'hon1mes fameux n'ont rien vu dans le patriotisme au delà de la compression et de leur élé\ration personnelle. Le jour où le peuple de Paris célébra avec enthousiasme la fête de l':Ètre Suprê1ne, fut signé l'arrêt de mort de celui qui l'avait proposée. Tous les ressentiments contre-révolutionnaires, patents ou secrets, se résumaient dans cette seule idée : la mort de Robespierre. Alors l'esprit de réforme et d'égalité s'était réfugié aux Jacobins et à la Commune de Paris. Les amis de Danton effrayés semaient à la Montagne, où si' geaient plusieurs commissaires prévaricateurs, la m 'fiance, les alarmes et la confusion. Nous inclinons à pens r qu'au moyen de quelques mesures de pr oyance, il eût été facile à Robespierr , nt uré de la confiance p pulaire, de déjouer les compl t de ses nn mi·. Trop confiant dans la pui ance de la v '•rit il préféra traduire au tribunal d la on cnti n eux qu'il eût pu é ra cr de on ouffi . Là il 1nit à nu la turpitude de fa tiCtL'C le erreur' d g u rnant et le. dan r ci la p litique qui semblait prc al ir.

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