P. BUONARROTI contre la dureté des partisans effrénés de l'ordre public. Il défendit le peuple affamé et poussé au désespoir par l'avidité des propriétaires fonciers et des marchands de blé. Il protégea les soldats patriotes comprimés par les rigueurs de la discipline militaire, dont la perfidie des chefs redoublait l'atrocité. A une époque où le parti bourgeois et celui de la noblesse et de la Cour cherchaient, chacun dans son sens, à tordre et dénaturer l'esprit des nouvelles lois, Robespierre s'attachait particulièrement à développer les conséquences pratiques de la Déclaration des Droits, qui, tout empreinte qu'elle était des intentions malfaisantes de ses auteurs, ouvrait cependant un champ assez vaste à des réformes et à des mesures obstinément repoussées par les partis que nous venons de nommer. La Gironde guerroyait, au profit de la bourgeoisie, contre les hommes de l'ancien régime; Robespierre combattait toutes les distinctions en faveur des classes laborieuses. - Les chefs girondins étaient encore à la société des Jacobins : là se dessina d'une manière plus décisive la différence qui existait entre le but qu'ils se proposaient et celui auquel tendait le parti dont Robespierre inspirait les vœux et dirigeait la conduite, à l'occasion de la guerre offensive proposée par le roi et désirée par la Gironde. - Le parti qui se prononçait pour la guerre était nombreux à l'Assemblée législative et aux Jacobins : pour l'y déterminer on lui faisait envisager, outre l'avantage de réprimer l'insolence des princes, celui qu'il y a11rait à élever des gouvernements constitutionnels sur les débris de leurs trônes, dont on prétendait que les peuples voisins souhaitaient la destruction. - Tout au contraire, Robespierre voyait dans la guerre proposée des dangers dont les u11smenaçaient à ses yeux l'indépendance nationale, tandis que par les autres, bien plus redoutables, le sort de la révolution lui paraissait gravement compromis. D'abord, il voyait de la trahison ou de la folie dans la pensée de provoquer une guerre dont la direction serait confiée à un roi plus que suspect et à des chefs évidemment ennemis du nouvel ordre de choses. Mais ce qui l'affermissait plus que cela dans son opposition à la guerre offensive, c'était la prévision des obstacles que l'invasion des pays voisins élevait au développement des institutions libres, encore imparfaites, chancelantes, combattues et au berceau. Les violences, disait-il, inséparables d'une guerre d'envahissement, indisposeront contre la révolution les peuples que vous voudriez délivrer ; le prestige de la gloire militaire entraînera au loin vos meilleurs citoyens et effacera dans l'intérieur l'amour de l'égalité ; vos victoires seront plus funestes que des défaites, parce qu'elles fourniront à l'ambition des généraux la facilité de se satisfaire. Ce langage, peu en harmonie avec l'ardeur du caractère national, n'enleva pas à Robespierre la confiance du peuple dont il ne fut jamais le flatteur. - Au 10 août 1792, Robespierre était membre de la nouvelle municipalité, à laquelle le peuple de Paris l'avait porté en commençant l'insurrection qui renversa la royauté : il prit part aux mesures et aux dangers de cette grande journée, et ce fut lui qui, après la victoire, Biblioteca Gino Bianco 167 alla à la tête du corps dont il était membre, tracer à l'Assemblée législative, divisée et incertaine, la marche politique que les circonstances semblaient lui commander. Bientôt après, le vœu des électeurs, confirmé par le peuple de Paris, le fit passer des séances tumt1ltueuses de la municipalité à celles plus graves et plus orageuses de la Convention nationale. Là comn1ença la plus glorieuse partie de sa carrière politique. A des époques marquées paraissent sur la terre des hommes rares dont le génie, la vertu ou l'audace étonnent le monde et changent la face des nations : tels furent Moïse, Pythagore, Lycurgue; tels furent Jésus et Mahomet, tel eût été Robespierre, s'il y avait eu à la Convention cinquante hommes capables de le comprendre et de le seconder. Ses mœurs furent austères : il était tempérant, désintéressé, laborieux et bon. Ces qualités le rendirent cher aux personnes qui l'approcl1aient : la famille du menuisier Duplay, au sein de laquelle il passa les dernières années de sa vie, en chérit encore le so11venir et en vénère les vertus. - A la Convention, Robespierre eut à combattre les débris de la royauté, les préventions de la bourgeoisie et les écarts de l'immoralité. Sa pensée constante fut la réf orme des mœurs et de l'ordre social par la création d'institutions servant de base à l'édifice majestueux de l'égalité et de la république populaire. Il en fut récompensé par une . gloire immortelle payée d'une mort violente et prématurée. Dans la lutte entreprise avec dévouement et soutenue avec fermeté, il eut pour auxiliaires quelques membres de la Convention, la société des Jacobins de 1793 dans sa grande majorité, et un peuple immense qui lui avait décerné une couronne d'incorruptibilité. - Les écrits que Robespierre nous a laissés, joints à ses mœurs publiques et privées, attestent qu'il fut constamment préoccupé de la pensée de régénération sociale à laquelle il avait consacré sa vie : Peuple, Égalité, Vertu, étaient les grandes idées auxquelles il rapportait tous les devoirs du législateur. Pour se former une opinion juste de ses doctrines politiques, il suffit de lire son adresse à ses commettants, sa Déclaration des Droits, ses opinions sur la constitution, ses rapports sur le gouvernement révolutionnaire, sur la morale de la république, sur les idées religieuses, sur les fêtes populaires et sur l'éducation, ainsi que son célèbre discours avant-coureur de sa mort. Grand était, dès 1789, le nombre des adversaires de la Cour et surtout de la noblesse et du clergé. La philosophie des encyclopédistes avait aguerri une foule d'esprits avides de nouveautés à combattre les privilèges de la naissru1ce et à mépriser les enseignements de la religion. Avec de nouvelles lumières se glissèrent dans les âmes un désir plus vif de puissance et de richesses, et le dégoût du frein moral que le christianisme, d'accord avec la sagesse, impose aux passions immodérées du cœur humain. En se dégageant des pratiques commandées par l'bglise, on oublia souvent les grandes lois d'égalité et de fraternité promulguées par Jésus, tant il est vrai qu'il ne faut toucher aux opini ns purement religieuses qu'avec certains ménagement , de crainte que les coups portés aux inventeurs de
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